Jean-Christophe SAULAY Equipe Syspro Programme...
Jean-Christophe SAULAY
Equipe Syspro
Programme Gestion des Ressources
Naturelles et des Systèmes
de Production
LA SITUATION DE L'ELEVAGE DANS LE DELTA DU FLEWE SENEGAL.
HlI,AN DES ENQUETES MENEES DE MARS A JUILLET 1993.
ESQUISSE D'UNE PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE.
CRA Saint-Louis,
Novembre 1993.

Le Delta du fleuve Sénégal était originellement une région
dévolue quasi-exclusivement à l'élevage extensif, Ce dernier,
pratiqué par les Peul, exploitait en saison séche les abondants
parcours de décrue libérés par le retrait des eaux du Sénégal,
et pendant l'hivernage les pâturages dunaires du ,Diéri, pourvus
en cette saison d'un tapis graminéen de qualité, Depuis une
trentaine d'années, ce contexte a été cowplbtement bouleversé.
D'une
part,
l'aménagement
du Delta en vue de la culture
irriguée,
en particulier rizicole,
a quasiment abouti à la
disparition des pâturages de decrue, la crue étant de fait
supprimée par l'endiguement du lit du fleuve. D'autre part, la
sécheresse chronique qui touche la région depuis environ trois
décennies,
a considérablement réduit la valeur fourragère des
parcours d'hivernage sur le Diéri. Ces mutations du contexte
agricole
ont
entrainé
une
précarisation
des
conditions
d'existence de l'élevage extensif, qui adû s'adapter en évoluant
vers un modéle plus intensif. Cette évolution, toutefois, se fait
lentement et difficilement, et est aujourd'hui loin d'être
achevée.
Parallèlement à cette évolution de l'élevage traditionnel Peul,
les trente dernières années ont vu l'apparition d'un type
d'elevage purement intensif, dans un milieu de tradition non
pastorale: il
s'agit d'ateliers d'embouche bovine et ovine
pratiquée par des riziculteurs, le plus souvent d'ethnie Wolof,
Ces ateliers d'embouche peuvent être perçus comme une évolution
d t1
moddle traditionnel d'élevage de case, élevage familial
pratiqué en vue de l'autoconsommation.
Nous nous trouvons donc aujourd'hui en présence de deux types
d'élevage as5ez nettement différenciés, dans la zone du Delta:
- un élevage Peu1 extensif en voie d'intensification,
élevage
peu
productif,
qui
s'intègre
difficilement
aux
aménagements hydro-agricoles,
- un élevage d'embouche intensive, pratiqué par des
riziculteurs dans le cadre de petites unités de quelques animaux
en stabulation.
La situation de l'élevage dans la sone est par ailleurs,
marquée
par
la prégnante d'une
nouvelle forme
juridique
d'organisation
des
producteurs: le
Groupement
d'intérêt
Economique.
Connaissant une grande vogue tant en milieu Peu1
qu'en milieu Wolof, le GIE permet le groupement de plusieur
agriculteurs et l'accès de ceux-ci au crédit bancaire. Ce type
d'organisation a marqué' avec un bilan pour l'heure contrasté,
les évolutions récentes de l'élevage,
1

Les enquêtes menées du mois d'avril au mois de juillet 1993
avaient pour but d'apprecier le contexte général de l'élevage .
dans le Delta, et plus specifiquement de tenter de cerner le
fonctionnement des systèmes d'élevage rencontrés. Il s'agissait
sur un plus long terme, d' identifier les problèmes majeurs
auxquels
cet élevage est confronte, afin d'en extraire une
problkmatique pouvant faire l'objet d'un travail de recherche
dans le cadre de ma tâche de VSN intégré à 1'6quipe Systèmes de
Production du programme Gestion des Ressources Naturelles, au
tente ISRA de Saint-Louis. J'ai donc essay6, dans la limite des
moyens qui me sont octroyés au sein de mon programme 'de
recherches,
d'etablir
une
image
Pr&ise et
relativement
exhaustive de l'élevage du Delta. J'ai notamment insisté sur la
représentativité des exploitations enquêtees, quant A leur
situation géographique, quant B leur taille, leurs performances,
leur intégration aux circuits de commercialisation.
Apres une première phase de recherches bibliographiques, une
première série d'enquêtes sur le terrain a été menée, destinée
,4 prendre contact avec le monde rural de la zone. A partir de
cette première approche, j'ai identifié quatre cibles d'enquêtes
plus approfondies:
Village Peul: connaissance globale de l'élevage Peul,
Individuel Peul: approche précise du fonctionnement de cet
elevage au niveau de l'exploitation,
GIE
(Peu1
et
Wolof):
probl&mes
posés/espoirs
fondés/avantages tirés de cette forme d'organisation de la
production,
Individuel embouche: approche Pr&ise du fonctionnement des
ateliers d'embouche.
Nous verrons donc dans un premier temps quelle fut la
méthodologie employée,
une deuxième partie nous
livrera les
résultats des enquêtes et ce qu'ils révèrlent de la situation
actuelle de l'élevage dans le Delta, pour aboutir dans un
troisième temps à la définition des probl&matiques de recherche
à prendre en compte.
2

T. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE.
1. Les objectifs.
Les enquêtes menhes dana le Delta ont 6th
précédées d'une première phase de recherche, Celle-ci consistait
en une étude bibliographique portant sur les documents relatifs
au contexte agricole glinéral du Delta, et plus spécifiquement B
l'élevage. Cette étude a été complétée par une série d'enquêtes
préliminaires,
ou plus
exactement de discussions avec les
éleveurs,
sans cadre prédéterminé, et dont le but était de
prendre contact avec les exploitants,
de rôder les futures
enquêtes,
et de faire
une première
approche grossière du
fonctionnement des systèmes d'élevage et de leurs limites.
Les premiers jalons d'une démarche de recherche ont ainsi
été posés, permettant d'identifier les différentes cibles des
enquêtes iL mener, d'élaborer les questionnaires, et finalement
d'assigner des objectifs précis à la campagne d'enquêtes à venir.
Ces objectifs étaient les suivants:
1" Connaître la place de 1'6levage en milieu Peul, et les
relations
agriculture/&levage
dans ce
milieu,
Evaluer
l'utilisation des sous-produits de l'agriculture par ce type
d'élevage , et identifier les problèmes auxquels il est confronté.
2' Evaluer l'importance de l'élevage intensif sous forme
d'ateliers d'embouche ovine et bovine, Evaluer l'utilisation des
sous-produits de l'agriculture par ce type d'élevage, connaître
les filières de commercialisation de ses produits, identifier les
obstacle à son développement.
3"
Tirer
un bilan de l'important développement des
structures de type GIE dans le secteur des productions animales.
ce développement, amorcé en 1987-88, a concerné un grand nombre
d'éleveurs, aussi bien en milieu Peu1 que chez les riziculteurs
pratiquant l'embouche.
3

2. Méthodologie,
a. Les enouêtes menées,
Pour atteindre ces objectifs, quatre questionnaires ont été
élaborés:
* un questionnaire "Village Peul": mené auprès du chef de
village, ce questionnaire avait pour but de définir la situation
d'un village dans lequel plusieurs enquêtes allaient être menées
individuellement auprès de chefs de concessiongestionnaires d'un
troupeau. Il s'agissait d'apprécier:
- l'importance de la population du village,
- la part relative des activités suivantes: élevage, agriculture,
salariat, commerce, chez les habitants,
- Ia situation géographique du village considérée quant B sa
facilité d'accès (proximité du "goudron": la route Saint-
Louis/Richard-Toll),
- sa plus ou moins grande proximité des pâturages naturels, des
bras du fleuve et des marigots, des aménagements hydro-agricoles,
- la pratique de la transhumance, passée ou présente, par les
éleveurs du village,
- le diagnostic porté par les notables sur la situation actuelle
de l'élevage, en référence au passé,
* Un questionnaire "Individuel Peul" concernant, au sein de
chaque village, entre 3 et 8 éleveurs, Ce questionnaire avait
pour but de mesurer la diversité des pratiques d'élevage, des
effectifs d'animaux
entre les différentes concessions. Les
stratégies d'accès à l'alimentation sont-elles les mêmes au sein
d'un même village, sinon dans quelle mesure diffèrent-elles selon
les individus?
* Un questionnaire "Individuel embouche", Ce questionnaire
concernait des riziculteurs, le plus souvent d'ethnie Wolof, qui
pratiquent une forme d'élevage intensif de quelques animaux
(ovins ou
bovins),
dans leur concession ou B proximité.
L'objectif de ce questionnaire était la aussi de cerner les
pratiques d'élevage,
surtout
en matière d'alimentation, Il
s'agissait
également
d'identifier
les
filidres d e
commercialisation des animaux embouchés et l'utilisation par ces
éleveurs des sous-produits issus de l'agriculture deltaïque.
* Un questionnaire "GIE", enfin, devait nous faire apprécier
la prégnante de cette forme nouvelle d'organisation économique
qui connaît au Sénégal une grande vogue depuis le milieu des
années 80.
En quoi ce statut permettant le
regroupement de
plusieurs exploitants et leur accès au crédit octroyé par la
CNCAS, a-t-il impulsé un nouvel essor B l'élevage intensif ou
extensif ? En quoi l'espoir placé par de nombreux éleveurs dans
4

cette nouvelle forme d'organisation de la production a-t-il été
ou non concrétisé ? Il s'agissait ici de mener l'enquête auprhs .
de GIE créés entre 1987 et 1990, ayant d6jà tous reçu au moins
une fois un prêt de la CNCAS, Ceci afin de.tirer un premier bilan
de
l'existence de
ces
structures
aprds
quelques
anqées
d'existence.
Continuent-ils de fonctionner ? Ont-ils toujours
accès au crédit ? Quelles sont leurs activités ? Ont-ils connu
des problèmes de remboursement,
d'organisation' de gestion ?
Lesquels ?
b, Le choix des sites et le déroulement des enauetes.
Les enquêtes menées en milieu Peu1 ont été réalisées dans
des campements Peu1 répartis dans le Delta: haut-Delta, moyen-
Delta, bas-Delta, et choisis de façon B être reprdsentatifs des
différentes situations quant aux paramètres suivants: taille,
facilité d'accès,
plus ou moins grande implication dans les
périmètres rizicoles.
Pour chaque village Peu1
s6lectionné,
le travail de
recherche consistait en:
- une enquête "Village"
s'adressant au chef de village
accompagné le plus souvent de quelques notables...
à laquelle succédait une série d'enquêtes "Individuel
Peul" i'idressant chacune A un chef de "Gallé"
(concession).
L'entretien était
mené
individuellement,
avec l'aide d'un
observateur de 1'ISRA faisant office d'interprête, en présence
toutefois des autres chefs de Gallé, Cette relative publicité des
échanges a Pu certes
introduire un certain biais dans
les
réponses fournies par les chefs de Gallé, Elle est cependant
apparue comme inévitable.
Douze campements ont ainsi été enquêtlés, et une quarantaine
de chefs de Gallé interrogés.
En ce qui concerne les enquêtes "Individuel embouche", elles
ont été menées auprès d'exploitants soit déj8 connus de l'ISRA,
soit identifiés à partir des tournées pr6liminaires effectuées
dans le Delta. LA aussi, nous avons tenté dans la mesure du
possible de choisir des sites répartis dans les différentes zones
du Delta,
l'emplacement géographique Btant,
comme
nous le
verrons, un paramètre important dans le mode de fonctionnement
de ces ateliers. Il est B noter que les ateliers d'embouche sont
tous
situés dans des villes ou des villages relativement
importants. Une vingtaine d'ateliers ont ieté enquêtés, répartis
dans les localités suivantes: Richard-Tell, Thilène, Diawar,
Lampsar, Dakar-Bango,
L'entretien se déroulait le plus souvent individuellement,
avec l'aide d'un observateur de 1'ISRA qui servait d'interprête,
la grande majorité des exploitants ne maîtrisant pas le Français,
5

Les enquêtes "GIE", enfin, ont été r6alisées auprès de GIE
ayant tous bénéficié à une période de leur existence (souvent .
Leur naissance et leurs premières années de fonctionnement) de
l.iens privilégiks avec 1'ISRA. L'intervention de 1'ISRA à leur
niveau s'étant sensiblement estompée depuis deux ans, il était
intéressant de mesurer l'aptitude de ces structures à se prendre
en charge de façon autonome, que ce soit dans le domaine
organisationnel ou dans celui des performances techniques et
commerciales. Dix GIE ont été enquêtés, implantés aussi bien en
milieu Peu1 que Wolof,
s'attelant à des activités diverses
(majoritairement ateliers d'embouche, mais également ateliers de
naissage, achat d'aliments, de médicaments...) et représentaht
un nombre d'adhérents variable (d'une dizaine à plus de cent
cinquante personnes).
II. LES RESULTATS, LA SITUATION DE L'ELEVAGE DANS LE DELTA.
1. L'élevage Peul.
a.
place de la riziculture.
L'élevage
extenaif
tel
qu'il
est
pratiqué par les Peu1 dans le delta, est actuellement dans une
situation difficile. La plupart des groupes Peu1 présents dans
le Delta sont attributaires de parcelles rizicoles, Si dans un
premier temps la riziculture ne sut séduire ces pasteurs, la
situation a évolué dans les
années 70.
Sous l'effet de la
sécheresse de 1972-73, notamment, marquée par une importante
mortalité du cheptel extensif,
les pasteurs Peu1 du Delta
saisirent l'intérêt pour eux de pratiquer la culture du riz.
D'une part
cela fournissait des rentrées financières non
négligeables, partiellement utilisables pour l'achat d'aliments
pour le
troupeau,
d'autre part
cette
culture
dégageait
directement des sous-produits valorisables comme aliments du
bétail, paille et son de riz, et adventices de culture du riz,
Aussi
tous
les groupes Peu1
pr6sent;s dans
le delta et
attributaires de parcelles,rizicoles s'adonnent-ils aujourd'hui
à la riziculture, Il est adéquat aujourd'hui de parler d'agro-
pasteurs lorsqu'on évoque leur activité d'exploitant.
La riziculture est donc perçue chez ces éleveurs comme une
spéculation:
- assurant des rentrées pécunièrez stables, bien que de
faible volume,
- génératrice de sous-produits pour l'alimentation des
animaux.
6

Dans cette optique, il est remarquable de constater que pour
les agro-pasteurs Peul, la riziculture est perçue avant tout
comme un moyen de faire survivre l'élevage, plutôt que comme une
fin en soi.
La persistance de la place centrale tenue par
l'élevage dans le mode de vie des populations Peu1 et de son
importance sociale trouve ici une illustration éclatante.
'La riziculture nous fait vivre. .C'est un moyen pour nous
de maintenir l'élevage", résume Mamadou BA, chef du village de
M'BOURBOUF.
Les surfaces concernées sont cependant beaucoup trop faibles
pour subvenir aux besoins des animaux. Elles varient de 0,5 ha.
par concession B une dizaine d'hectares pour certains chefs de
concession.
La plupart des "Gallé" tou,tefois se situent aux
alentours de un hectare. On comprend bien que, eu égard' aux
surfaces en
jeu,
1. a
riziculture,
marne si
elle
s'avare
indispensable au maintien des productiow animales, est loin de
resoudre les difficultés que connaît l'élevage extensif,
b. Les difficultés de l'élevage Peu1 .
Depuis une trentaine d'anodes, ce type d'élevage
est pris dans l'étaux de deux probl&mes liés aux modificatioina
de l'espace pastoral,
l'un du fait des activités humaines,
l'autre découlant de l'évolution du climat,
On sait que traditionnellement cet élevage exploitait en
hivernage les pâturages dunaires du Diéri,
arrosés d'une
pluviométrie d'environ 300 mm qui garantissait un tapis gramin$en
suffisant pendant environ cinq mois, de juillet B novembre. Le
reste de l'année, les animaux se nourrissaient sur les abondants
pâturages de décrue que libérait progressivement de décembre B
juillet la baisse du niveau des eaux du fleuve Sénégal.
En 30 ans, le fleuve a été compl&ement endigué et le Delta
en grande partie aménagé pour la culture rizicole irriguée. La
crue a été ainsi quasiment partout supprimée, Les 100 000 ha. de
parcours de décrue ont presque entièrement disparu, remplacés par
des parcelles de riz, Dans la même période, la pluviométrie a
chuté d'une moyenne de 300 mm, à moins de 200 mm. par an, avec
certaines années catastrophiques aux alentours de 50 mm, Cette
diminution de la pluviométrie a réduit de façon drastique la
disponible fourrager d'hivernage, En ann6e "normale" (200 mm* de
pluie), celui-ci aurait été réduit d'environ 40% pour quasimant
s'annuler en cas de sécheresse. Les troupeaux ont été violemment
touchés par les sécheresses de 1972-73 et 1983-84: la mortalité
aurait alors atteint environ 30% du cheptel.
7

Toutefois,
tandis que le bilan fourrager naturel devenait
nettement déficitaire, les surfaces aménagées pour l'agriculture .
irriguées ont genéré une gamme de sous-produits agricoles et
agro-industriels,
is même de pallier B ce.déficit. Citons les
principaux:
Sous-produits agricoles:
adventices de culture du riz
paille de riz
adventices de cultures maraîchères
feuilles et fanes issues des cultures marîchères
(Niébé, pommes de terre, pastèques...)
Sous-produits agro-industriels:
son de riz issu des décortiqueuses de la SAED ("farine
de riz"), son de riz issu des décortiqueuses villageoises (depuis
1989 surtout)
Drêches de tomate (produites B Savoigne par la SOCAS)
Mélasse de canne B sucre (produite B Richard-TO11 par
la CSS)
Si le troupeau extensif bovin a Bt6 gravement touché par la
mortalité au cours des deux sécheresses de 1972-73 et 1983-84,
force est de constater que la "conversion" progressive au début
des années 80 des pasteurs Peu1 8 l'utilisation fourragère des
sous-produits a permis depuis d'éviter de nouvelles pertes lors
d'années particulièrement sèches, comme ce fut le cas en 1989.
Depuis le milieu des années 1980, les pasteurs Peu1 du Delta
pratiquent donc la compl4mentation de leur cheptel bovin et ovin
avec les sous-produits disponibles. Cette complbmentation est
devenue la condition sine qua non de la survie du cheptel.
Cette
pratique
est
toutefois loin
de permettre la
perpétuation du mode d'exploitation antérieur du cheptel, Celui
était basé d'une part sur la valeur avant tout sociale du
troupeau, considéré plus comme un capital que comme un outil de
production,
d'autre part sur la production et la vente des
produits
laitiers
issus de la
traite
des
bovins. La
complémentation pratiquée permet en effet tout juste le maintient
en
vie et
l'entretien des animaux qui ont survécu B la
sécheresse.
Les performances zootechniques autorisées par le
niveau de comlémentation ne permettent donc pas d'accroître la
taille du cheptel, ce qui reste pour tout éleveur Peu1 digne de
ce nom l'objectif prioritaire, et ne permet pas par ailleurs une
production laitière importante. Cette dernière se limite le plus
souvent À la couverture des besoins d'autoconsommation familiale.
8

MalgrB la présence des sous-produits dans l'alimentation du
cheptel, celui-ci n'a pu retrouver, loin s'en faut, sa taille du
début des année 1970, Il reste par ailleurs très peu exploit8,
aussi
bien pour la vente d'animaux sur pieds que pour la
production laitière.
Pourquoi?
Pour répondre B cette question, nous devons expliciter le
mode de fonctionnement des élevages Peu1 du Delta & l'heure
actuelle,
L'élevage Peu1 repose sur la conduite d'un cheptel composé de
petits ruminants (moutons Peul-Peu1 et chèvres sahéliennes) et
de bovins (zébus Gobra).
La plupart des Peu1 du Delta, quj
pratiquaient avant les aménagementsune transhumance saisonnière,
se sont sédentarisés depuis qu'ils pratiquent la riziculture,
Chaque campement Peu1 est composé de plusieurs concessions ou
Gallé, chacun abritant lui-même une famille composée d'un ou
plusieurs ménages.
Chaque chef de ménage possède un certain
nombre d'animaux, mais les animaux d'un même Gallé sont gér&
collectivement,
et au niveau d'un campement, les animaux sont
groupés pour partir au pâturage. Le nombre d'animaux détenus au
niveau d'un Gallé est variable. 11 se situe entre deux ou trois
bovins et plus d‘une vingtaine, la moyenne se situant aux
alentours de huit têtes. En ce qui concerne les petits ruminants,
leur nombre varie de cinq B une quarantaine par Galle, la moyenne
étant d'une quinzaine de bêtes. Les effets de la sécheresse subie
depuis les années 1960 se font nettement sentir sur la taille du
cheptel.
Ainsi chaque chef de Galle insiste sur le
faible
effectif que représente son troupeau actuel comparativement B la
période "d'avant la sécheresse", qui est située il y a environ
deux décennies. Globalement, on peut estimer que le cheptel bovin
du Delta se monte aujourd'hui& 30 000 têtes, pour une population
de 80 000 vers 1960.
.
Tous les campements Peu1 du Delta ont bté également touchds
par la disparition des pâturages de decrue et la diminution du
disponible
fourrager
d'hivernage.
Toutefois,
selon
leur
localisation dans le Delta, certains ont pu trouver plus ou moins
facilement dans leur environnement des palliatifs B cette pénurie
fourragère. La situation des éleveurs Peu1 implantés entre Sain't-
Louis et Richard-TO11 apparaît de ce fait contrastée.
9

Les campements situés aux abords des marigots qui traversqnt
le Delta (Kassak, Weuss, Gorom et Lampsar) apparaissent comme .
les plus privilégiés. On trouve en effet tout au long de l'annge
au bord de ces marigots de l'herbe verte sur une bande de terrain
I
pouvant aller de quelques matres B quelques dizaines de mdtres.
Ces "herbes vertes de marigots" peuvent ainsi constituer tout au,
long de l'année la base d'une ration suffisante pour l'entretien
I
des bovins. Ces campements sont pour la plupart localisés dans
le bas-delta, au sud d'une ligne Diama/Ross-Bethio,
I
Le campement de Savoigne Peul, situé au bord du Lampsar, A
une dizaine de kilomètres à l'ouest de Ross-Béthio, est un bon
exemple de ce type de localisation, Dans ce campement, la
conduite du cheptel au cours de l'année se déroule comme suit:
Hivernage:
pâturage
sur le Diéri en cas de pluies
suffisantes,
En cas de sécheresse, pâturage sur les parcelles rizicoles déjà
r&colt.ées (riz de contre-saison) et complémentation B base de
sous-produits.
Novembre-fevrier: pâturage sur les parcelles rizicoles
venant d'être récoltées (riz d'hivernage), sur les 'parcelles de
cultures maraîchères récoltées.
Saison sèche chaude:
pâturage
au bord du Lampsar et
complémentation B base de sous-produits.
La période la plus ardue quant B l'alimentation des animaux
est la fin de la saison sdche, et l'hivernage au cas où celui-ci
est peu pluvieux (moins de 200 mm). Les sous-produits et les
herbes de marigot permettent toutefois d'assurer une ration
d'entretien minimale, qui est jugée "juste suffisante pour que
les animaux survivent". Ainsi,
les éleveurs de ce campemeint
déclarent-ils ne jamais envoyer leurs animaux en transhumance,
même en année trds sèche.
Dans ce premier cas de figure, herbes de marigot, paille de
riz et sous-produits permettent lemaintientpermanent du cheptel
bovin dans la zone, dans des conditions toutefois précaires,
Il convient par ailleurs de souligner d'autres paramètres
qui interviennent et concourent à assurer un disponible fourrager
minimum tout au long de l'année:
- les surfaces rizicoles exploitées par les Peu1 de ce
campement sont relativement importantes en surface (de 2 B 8 ha),
générant une quantité importante de paille de riz autoproduite,
- le campement est situé au coeur d'une zone aménagée po,ur
la riziculture, et l'accès des animaux aux parcelles appartenant
à des non-éleveurs, après la récolte, se fait sans problème. Ceci
n'est pas le cas partout, et il arrive que les riziculteurs
brûlent les résidus de récolte, les récoltent pour les vendr,e,
ou simplement interdisent aux animaux l'accès de leurs parcelles.
10

La conjonction de ces deux facteurs place le campement de .
Savoigne dans un contexte tr&s favorable, du fait des importantes
quantitks de paille de riz disponibles pour les animaux.
D'autres campements sont dans une situation intermédiaire:
leur localisation non loin des marigots leur assure toute l'année
la possibilité d'exploiter l'herbe des berges, toutefois 1e:s
disponibilités en paille de riz sont bien moins importantes du
fait des faibles surfaces exploitées par les éleveurs, et de's
difficultés
d'accés
aux
parcelles
n'appartenant
pas
aux
villageois.
Un exemple
de cette situation nous est donn6 par' le
campement de Gandiaye, situé B une dizaine de kilomatres de Ross-
Béthio, au sud de la route Saint-Louis/Richard-Tell, c'est-a-dire
sur le Diéri, hors de la zone aménagée.
Les parcelles rizicoles exploitées par les éleveurs de ce
campement sont de l'ordre de 0,5 B 2 ha par concession. Les
quantités de paille de riz autoproduites, pour indispensables
qu'elles se présentent, sont tr&s loin d'atteindre ce qui serait
nécessaire pour fournir toute l'année aux animaux la base d'une
ration d'entretien. Par aillleurs, le campement étant situé hors
de la zone aménagée où se trouvent les parcelles, 1'accBs aux
parcelles appartenant
aux
riziculteurs wolofs des
villages
environnants est problématique. Il semble qu'une bonne moitié deis
parcelles A portée de pâturage pour les animaux du campement soit
de fait interdite d'accès.
Le troupeau (bovins et petits ruminants) est donc conduit
ainsi au cours de l'année:
Hivernage:
pâturage
sur
les
parcours de
Dibri ou
transhumance dans le Saloum si les pluies sont insuffisantes.
Saison sèche froide (décembre B mars): pâturage de la paille
de riz
sur les parcelles récoltAes (riz d'hivernage) et
complémentation par les sous-produits,
Saison sèche chaude (avril B juin): paturage sur les berges
du marigot, et complémentation par les sous-produits.
Dans ce deuxième cas de figure la difficulté d'accès B la
paille de riz d'une part, aux sous-produits d'autre part, en fin
de
saison
sèche et au
cours
de l'hivernage
introduit
l'Cventualitt5 d'une transhumance vers lar&gion du Saloum, situtke
200 km au sud du delta,
en cas de pluies insuffisantes en
hivernage.
Les campements Peu1 du haut-Delta (triangle Diawar/Ross-
Bethio/Richard-Toll, etcampements situés au sud de Richard-TO11
sur la berge est du lac de Guiers) sont quant B eux dans ILa
11

situation la plus difficile.
Les campements de cette zone ne sont pas pour la plupart
situés a proximité d'un marigot. Les troupeaux sont numériquement
plus importants et l'implication dans la rixiculture est moins
marquée, en particulier pour les campements situés au sud de
Richard-Toll, où de nombreux éleveurs ne cultivent pas et vivent
uniquement d'élevage.
Du fait de l'importance numérique des troupeaux (certains
troupeaux comptent plusieurs dizaines de têtes de bovins), la
complémentation ne concerne dans ce type d'élevage que les
animaux
les
plus
faibles,
particuliarement
les
femelles
allaitantes.
La transhumance est pratiquée ici systématiquement. Elle
peut ne durer que le temps de l'hivernage, ou au contraire durer
la plus grande partie de l'ann6e. Certains campements ont en
effet accès au cours de la saison sèche eux parcelles rizicoles
de la zone, la période critique se situe alors en hivernage,
cette partie du Delta étant dépourvue de parcours dunaires de
Diéri. Les animaux sont alors envoyés soit sur les berges du lac
de Guiers, soit beaucoup plus loin vers le Saloum, le Djoloff ou
le Ferlo.
Dans d'autres campements,
l'accès aux parcelles
rizicoles
et R leur paille de riz est plus difficile. La
kranshumance dure alors la plus grande partie de l'année, la
présence du troupeau se limitant B une période d'environs deiux
mois au moment de la récolte.
Dans tous les cas de figure énumér6s ci-dessus, la base de
la ration des animaux, aussi bien petits ruminants que bovins,
est constituée par la paille de riz, pâtutée directement sur les
parcelles après la récolte, complét6e par les herbes de marigot,
consommées in situ ou ramassées. La compl&mentation par d'autres
sous-produits (son de riz, drêches de tomates, Sénal,. .) est
partout pratiquée.
Concernant la paille de riz,
elle apparaît donc comme
indispensable B l'entretien du cheptel Peul.
Toutefois, si
partout elle a permis a ce troupeau de ne pas disparaître faute
d'aliments, partout également elle ne permet que la survie des
animaux, et ce une partie de l'ann6e seulement.
12

Il y a donc bien valorisation de ce sous-produit de la
riziculture, mais celle-ciestpartielle (de nombreuses parcelles
sont encore aujourd'hui brûlées après la récolte, ou bien ferendes
aux animaux), et insuffisante pour couvrir les besoins fourragers
des animaux.
Au mieux, certains éleveurs du bas-Delta, bien dotés en
surface aménagée pour la riziculture (de l'ordre de 6 B 8 ha) et
possédant peu d'animaux (moins d'une dizaine de bovins et d'une
vingtaine de petits ruminants) peuvent disposer tout au long de
l'année de paille de riz, assurant avec la complémentation une
ration suffisante. Pour les autres, la paille de riz fait défaut
dès la fin de la saison skche froide (à partir de mars, avril).
Examinons maintenant la pratique de lacomplémentation. Elle
s'avère également systématique, et indispensable au maintient en
vie des animaux. Elle repose sur l'utilisation de sous-produits
achetés par l'éleveur: son de riz, provenant soit de la SAND,
soit des décortiqueuses villageoises, fane d'arachide (importbe
du bassin arachidier), drêches de tomates (vendues par la SOCAS),
Sénal (aliment produit par les grands moulins de Dakar B base de
son de riz mélassé), mélasse de la CSS, principalement,
L'achat de ces sous-produits est réalise grâce aux revenus
tirés de la iiziculture, Le cheptel, très peu exploité, ne dégage
en effet que de très faibles revenus, Or la plupart des Peu1 du
Delta ne disposent pas de surfaces importantes, Les revenus tirés
de la riziculture sont donc relativement limités. De ce fait, les
quantités de
sous-produits
achetées se
révélent
toujours
insuffisantes par rapport aux besoins des animaux. Le leitmotiv
qrii revient lorsque l'on interroge les éleveurs Peu1 sur ce
qu'ils jugent être le principal obstacle B la bonne conduite de
leur élevage est le suivant: "le problème, c'est l'alimentation.
La
solution,
c'est
l'utilisation
des
sous-produits
pour
complémenter,
mais les moyens financiers manquent pour se les
procurer".
La pkriode la plus critique pour l'alimentation des animaux
est la fin de la saison sèche, d'avril B juillet, lorsque la
paille de riz vient B se raréfier et que la perspective de
l'hivernage est encore lointaine, C'est B cette période que le
besoin en sous-produits se fait le plus sentir. C'est également
it cette période que la spéculation entrasne une hausse sensible
de ces sous-produits, voire leur quasi-disparition,
Le cas du san de riz est le plus significatif. Le sac de son
de riz SAED est vendu par cet organisme au prix de 1650 cfa.
L'obtention de ce produit directement B la SAED se fait sans
difficulté pendant la période d'octobre B mars. A partir de mars,
la quantité de son de riz commercialisée par la SAED diminue, et
seuls les éleveurs attributaires d'un "quota", ou ceux disposant
de relations dans l'entreprises, peuvent s'en procurer. Il est
par contre possible de s'en procurer auprès des commerçants sur
les marchés de Ross-Bgthio, Saint-Louis ou Richard-Tell. Les prix
vont alors de 2000 B 3000, voire 3500 cfa au fur et B mesure que
13

l'on se rapproche de l'hivernage. Les éleveurs, du fait de leurs
faibles revenus, et également sans doute du fait d'une gestion I
sur le court terme de ces derniers, sont dans l'incapacité de
stocker le son de riz au moment où il est disponible 8 un prix
raisonnable.
Son renchérissement et sa rarefaction en finde
saison
sèche le
rendent
pour
la majorité
des
éleveurs
i.naccessi.ble,
au moment où celui-ci serait le plus indispensable.
Des phénomènes semblables sont B observer pour les autres
sous-produits.
En ce qui concerne les drêches de tomates, elles nie
sont commercialisées, au prix de 700 cfa le sac (environ 15 kg)
que pendant les 6 mois de fonctionnement de l'usine de la SOCAS,
soit de décembre B mai. Aussi cette denrée devient-elle
introuvable en
fin de saison sbche, ou bien B des prix
prohibitifs chez les commerçants. La filière de commercialisation
de ce sous-produit ktant par ailleurs peu développée, seuls le's
éleveurs de la région de Savoigne béndficient de l'accès aux
drêches.
La mélasse que produit la Compagnie Sucrière SénBgalaise B
Richard-TO11 est quant a elle quasiment inaccessible B l'éleveur
Peu1 lambda.
En effet, ce
sous-produit
très énergétique,,
considérQ très favorablement par les Eleveurs, n'est pas vendu
par la CSS en quantités inférieures B une tonne, Peu die
commerçants s'intéressent B ce produit, malgré la demande qui
semble exister chez les éleveurs, et seuls les exploitants ayan't
des accointances à la CSS peuvent se
procurer,
de façon
informelle est selon des filières difficiles à cerner, la mélasse
dans des quantités conformes B leurs'besoins. La mélasse est
alors disponible aux
alentours de 500 cfa le litre, Peu
d'éleveurs Peu1 possèdent de telles relations, et la plupart
n'ont donc pas accès B ce sous-produit , pourtanttrds inthressant
pour sa haute valeur énergétique, De fait, 90% de la mélasse
produite par la CSS est actuellement exportee, vers l'Europe
principalement.
La mélasse reprdsente un bon exemple de sous-
produit très intéressant pour
l'élevage, qui est très mal
valorisé dans sa zone de production, Cet atat de fait incombe
principalement à l'inexistence des filières'de commercialisation.
Par ailleurs,
il faut souligner que dès que le troupeau
dépasse la dizaine de têtes, les quantités de sous-produits
nécessaires pour le complémenter se révèlent bien trop coûteuses
par rapport aux moyens financiers dont disposent les éleveurs,
en particulier dans une situation de faible exploitation du
cheptel.
La complémentation est alors réservée aux animaux
faibles, aux bêliers et aux femelles allaitantes.
Ce cas de
figure est; fréquent chez les kleveurs du haut-delta qui posskdent
un
cheptel
numériquement
important et
qui
pratiquent
systématiquement la transhumance.
14

Les autres sous-produits disponibles (Rakkal, ou tourteau
d'arachide artisanal, Sénal, fane d'arachide), qui ne sont pas .
produits sur pIace, connaissent également un renchérissement en
fin de saison sè;che.
Il faut donc constater que 1'6levage Peu1 n'accède quie
partiellement aux
sous-produits gén6r6s par
la riziculture
irriguée dans le Delta. Les causes de cette situation sont:
- la faiblesse des surfaces risicoles cultivées par les
éleveurs, conjuguée a...
-.,.l'accès encore mal accepté par beaucoup de non-éleveurs
des animaux sur leurs parcelles,
- l'inorganisation des filières de commercialisation des
sous-produits,
qui au pire conduit B l'exportation hors de la
zone,
a ll
mieux
à une
spéculation
qui
rend les aliments
inaccessibles en fin de saison sèche,
du fait de prix de vente
prohibitifs.
- le manque de moyens financiers des eleveurs. Ce point est
à mettre en relation avec la faible exploitation du cheptel en
milieu Peul, qui rend ce dernier peu rentable. Ce point mérite
un développement.
c.La faible exploitation du cheotel Peul,
Traditionnellement, le cheptel est considérd par
les Peu1 plus comme un capital et un objet de prestige social q@e
comme un outil de production. Ainsi l'objectif de l'éleveur Peu1
est moins de rentabiliser ses animaux que d'augmenter la taille
de son cheptel. Un animal sera vendu lorsqu'un besoin d'argent
se fait sentir (fonction de capital), ou sera donné en dot à
l'occasion d'un mariage,
ou B un fils quand celui-ci atteint
1' âge
adulte ,..Cette
conception du cheptel
est liée
aux
conditions d'existence passées de l'blevage Peul, lorsque les
fourrages naturels étaient abondants et gratuits, Si les Peu1 ont
pris
conscience de
la modification
irr6versible de
C:et
environnement et ont intégr6 le fait que l'alimentation des
animaux passe aujourd'hui par l'utilisation des sous-produits et
l'achat d'aliments, leur mode d'exploitation du cheptel a peu
évolué. Un décalage s'est ainsi op6r4 entre l'intensification
certaine des pratiques d'alimentation et l'exploitation des
animaux, qui reste traditionnelle et "extensive".
En effet,
il apparaît très nettement dans les enquêtes
menées que l'objectif du chef de concession Peu1 est plus que
jamais l'augmentation de taille du cheptel, et ce d'autant plus
que le troupeau actuel
est jugé trbs faible numériquement,
comparativement li
"avant la sécheresse", période qui sekt
au,jourd'hui
encore
de référence
aux éleveurs, De ce fait,
15

l'éleveur cherche à limiter au maximum ses ventes d'animaux, en
particulier de bovins. Ces ventes n'interviennent que lorsque s
l'éleveur doit faire face B un besoin d'argent important, La
reconstitution du cheptel se fait cependant très lentement, du
fait des performances zootechniques médiocres induites par une
ration perpétuellement insuffisante. L'éleveur s'enferme ainsi
dans une logique de fonctionnement peu rentable: il cherche B
augmenter la taille d'un troupeau ddjà mal nourri et auquel il
ne peut fournir une ration adéquate, ce qui ne fait qu'aggraver
la pénurie alimentaire des animaux,
et rendre encore plus
difficile l'accroissement du nombre de têtes, Les animaux vendus
dans ces conditions le sont à des prix peu intbressants, du fait
de leur mauvais état d'engraissement.,.Cette logique va B
l'encontre de l'intensification qui serait souhaitable, c'est-à-
dire une diminution du nombre des animaux jusqu'a un nombre
permettant
un
engraissement
correct et
des prix de vente
intéressants. L'exploitation laitière dutroupeau pâtit également
de
cette
situation.
Traditionnellement les bovins femelles
etaient traites, une partie gardbe pour l'autoconsommation, le
surplus étant vendu. Actuellement, la malnutrition des femelles
permet
tout
juste de
d6gager
une
production
pour
l'autoconsommation,
limitant
encore
les revenus tir6s de
l'élevage.
Cette conception de l'élevage propre au Peu1 est sans doute
le principal frein B l'intensification des productions animales
dans le Delta. L'évolution des mentalités se fera sans doute ici
lentement,
tant cette conception extensive de l'élevage est
profondément ancrée dans la culture Peul.
En conclusion,
on peut dire que
l'intensification de
L'élevage Peu1 et son intégration aux aménagements hyd~ro-
agricoles est en cours, comme l'atteste la place prépond6rlnte
prise par les sous-produits dans la ration du cheptel bovin,
ovin, et dans une moindre mesure caprin. Cette intensification
se heurte toutefois A de nombreux obstacles, et est loin d'être
achevée. Elle pâtit notamment de la mauvaise valorisation sur
place des sous-produits et de la faible exploitation du cheptel.
2, Les ateliers d'embouche.
Parallèlement à l'élevage Peul, existe dans le Delta du
fleuve
Sénkgal un
type
d'élevage
intensif'
pratiqué
principalement par des riziculteurs,
d'ethnie Wolof pour la
plupart: les ateliers d'embouche bovine et ovine. Ces ateliers
sont constitués d'un cheptel de quelques animaux, de quatre B une
vingtaine, qui, achetés maigres, sont engraissés pendant quelques
mois pour être revendus. Ce type d'élevage peut être considéré
comme un dérivé de "l'élevage de case" traditionnel' pratiqué par
16

tous les ménages d'agriculteurs:
deux ou trois moutons sont
conservés toute l'annee dans la concession, nourris avec les I
reliefs des repas et éventuellement quelques aliments concentrés,
À des fins d'autoconsommation à l'occasion des fêtes religieuses
(Tabaski, baptêmes, mariages.,.), Ici, l'embouche concerne un
plus grand nombre d'animaux, et ceux-ci sont destinés Bla vente.
a, L'embouche ovine.
L'embouche ovine est pratiquée essentiellement sous forme
d'"opération Tabaski".
Il s'agit d'acheter quelques jeunes
moutons mâles, maigres, et de les engraisser pour les revendre
A l'occasion de la Tabaski,
L'opBration porte sur un nombre
d'animaux variant de cinq B une vingtaine, Les ovins sont achet$s
maigres auprès d'eleveurs Peu1 du Delta ou du Ferlo, La duriée
considérée comme optimale par les éleveurs pour mener ce type
d'opération est
de 3 ou 4 mois,
Au-delà de cette dur&e
d'embouche, l'investissement en aliments pour le bétail devient
trop important. Les animaux sont donc gardés B l'attache dans un
enclôt
pendant
toute la durée de l'opération, et nourris
exclusivement de sous-produits de l'agriculture. Les principaux
sous-produits utilisés sont les mêmes que ceux utilisés par les
Peu1 pour la complémentation de leur cheptel: son de riz, paille
de riz, fane d'arachide, drêches de tomates, Sénal, Rakkal, Des
graminées de type Echinochloa et Brachiaria, ramassées par le
producteur
au bord des marigots ou sur le Diéri
en fin
d'hivernage,
complètent la ration.
Ce type d'embouche est pour le riziculteur une façon de
dégager des revenus supplémentaires grâce B une activité
demandant peu de temps, et valorisant les sous-produits de sa
riziculture, paille et son de riz. D'autres sous-produits sont
achetés pour compléter la ration, Il est à noter que las
connaissances
de ces nko-kleveurs
en matidre de valeur des
fourrages sont incertaines, Il s'ensuit que la ration offerte est
le plus souvent uniquement fonction de ce que l'embaucheur a pu
se procurer, sans considération des besoins des animaux, Cette
méconnaissance entraîne tantôt des gaspillage qui nuisent B la
rentabilité de l'opération, tantôt à des rations insuffisantes
qui nuisent au bon engraissement des moutons. Rares sont les
embaucheurs,
par
ailleurs,
qui se
fournissent
en produits
vétérinaires.
Certains procèdent B d,es déparasitages ou B des
vaccinations,
avec l'aide d'agents de l'élevage. La plupart ne
se soucient de la santé des animaux que lorsque la maladie
apparaît, Il n'est ainsi pas rare de voir la moitié du cheptel
d'un éleveur emporté par une affection qui aurait pu être évit6e
A peu de frais, Les problémes pathologiques le plus fréquemment
rencontrés sont des parasitoses digestives et respiratoires
regroupées sous le vocable de maladie du Waalo.
Les ovins employés pou'r ce type d'opération sont de race
17

Peul,
Touabire
(mouton
maure
de plus grand format,
plus
recherché) ou croisé Peul-Touabire.
Le prix d'achat des animaux maigres varie de 6 000 A 15 OI00
cfa. Le prix de vente au moment de la Tabaski varie de 20 000 A
40 000 cfa. Ce prix de vente est autant fonction de l'état de
l'animal que des conditions du marché, En effet le marché du
mouton de Tabaski est très spéculatif et les prix en vigueur
dependentétroitement des conditions de l'offre et de la demande,
variables d'une année B l'autre. Ces dernières années ont en
effet 6th marquée par un engouement pour les opérations
"Tabaski". Ce
mouvement a
eté largemment
favoris6
par
l'instauration du crédit agricole en 1987, Dbs cette époque, de
nombreux GIE se sont constitués afin de réaliser une opération
Tabaski. L'obstacle principal A la réalisation de ces op8rations
est en effet le manque de moyens financiers pour acqubrir les
animaux maigres. Ce verrou a sauté en 1987, lorsque le Crédit
Agricole,
nouvellement installé B Saint-Louis, a commence B
accorder des prêts bancaires aux GIE. La multitude d'opérations
menées B partir de 1988 et 1989 a conduit B une surproduction
importante. De nombreux animaux n'ont pas trouvé preneur au Prix
escompté, ou ont été cédés B crédit. Outre l'incidence de ce
phénomène sur les remboursements des prêts accordés (dont nous
reparlerons
dans la
partie
consacree
aux
GIE),
cette
surproduct,i.on a entraink de la part des producteurs un mouvement
de defiance a l'égard de ce type d'opération, moins Pri&e
aujourd'hui.
Il faut souligner que le problbae majeur reside non dans la
conduite
technique de l'opération, mais dans la phase de
commercialisation.
Les circuits de commercialisation sont en
effet inexistants et chaque producteur tente de commercialiser
ses animaux au coup par coup,
Le plus souvent la vente des
animaux se fait chez des voisins, dans le village où est menee
l'opération. Quelques rares embaucheurs ont su nouer des liens
de confiance avec des bouchers ou des intermédiaires (Dioulas),
qui leurs assurent
alors des débouchés, Dans ce cas,
les
bénéfices tirés de l'opération sont substantiels et l'élevage est
considéré par le producteur comme bien plus rentable que la
riziculture. Mais dans la majeure partie des cas, le problème des
débouchés et de la commercialisation est le principal auquel les
embaucheurs sont confrontés. Ces problèmes de commercialisation
peuvent transformer une opération Tabaski en une op6ration
financièrement neutre,
voire en une perte sèche de plusieurs
dizaines de milliers de cfa.
L'embouche ovine est surtout représentée parles "opérations
Tabaski". Toutefois certains exploitants pratiquent l'embouche
ovine tout au long de l'année. Le cheptel est alors constitué de
miiles et de femelles et l'atelier d'embouche fait également
office d'atelier de naissage. Les animaux passent dans ce cas
l'hivernage au pâturage, soit en confiage dans un troupeau Peul,
soit sur le Dikri lorsque le village de l'embaucheur est situé
dans une zone proche du Diéri. Dès que le pâturage n'est plus B
même d'assurer l'entretien des animaux (entre octobre et décembre
18

selon les années), ceux-ci sont ramenbs dans la concession, Il
sont dans un premier temps nourris des sous-produits disponibles
gratuitement (herbes de marigot, herbe de Diéri, sous-produits
du maraîchage ou. de la riziculture). Tro.is a quatre mois avant
la Tabaski, la ration est enrichie de sous-produits achet6s (son
de riz,
drêches, mélasse, Sénal...) afin d'engraisser 'les
animaux. En
effet,
même si
l'embaucheur ne produit pas
spécifiqlrement des bêliers de Tabaski, la Tabaski reste pour lui
une période favorable A la vente d'animaux engraissés, dont il
cherche A profiter.
L'embouche ovine, pratiquee essentiellement en vue de la
Tabaski, se présente donc comme une activité menée principalement
par des riziculteurs désireux de se procurer un revenu d'appoi,nt
tout en valorisant les sous-produits de leur culture. Pratiquée
Par des agriculteurs n'ayant qu'une expérience limitée 'de
l'élevage, elle est souvent techniquement mal menée, avec des
rations
mal élabor6es, et une insuffisante attention apx
problkmes pathologiques, Le principal frein B son d6veloppeeent
et à sa réussite réside toutefois dans les difficultés de
commerciaLisation des animaux, du fait de l'inorganisation de la
filière, de la surproduction dans certaines eones et de la
pratique mal maitrisée de la vente B credit.
b. L'embouche bovine,
L'embouche bovine estpratiquhe dans des ateliers d'embouche
comprenant de deux a une quinzaine d'animaux. Cette embouche e,st
pratiquée tout au
long de l'année, sans viser une date
particuliC?re comme c'est le cas pour les ovins avec la Tabaski.
Les animaux sont des z6bus Gobra ou Peul, mâles de préférence,
et femelles. Ils sont achetés B des Peu1 dans le Delta ou dans
le Ferlo, maigres, afin d'être engraissés et revendus gras.
L'embouche bovine était traditionnellement peu développ6e
dans le Delta. Elle connaît cependant une certaine vogue depuis
la fin des années 1980, lorsque les op6rations Tabaski se sont
révélées aléatoires du fait de la surproduction de bêliers
embouchés. De nombreux embaucheurs qui avaient initialement opté
pour l'embouche ovine de Tabaski se sont ainsi reconvertis dans
l'embouche bovine, dont le caractère non saisonnier limite les
risques tout. en répartissant au long de l'année les dépenses &
consentir pour l'achat d'animaux et les gains réalisés par leur
vente.
L'achat des animaux se fait surtout vers les mois de février
ou mars, lorsque les animaux élevés par les Peu1 commencent B
connaître une pénurie alimentaire et que les prix des animaux
sont au plus bas, La revente se fait pr6férentiellement en fjn
de saison sèche, vers le mois de juillet, alors que les prix
connaissent un mouvement à la hausse. Ces observations traduisent
19

une tendance genérale mais n'ont rien de systématique, et les
achats comme les ventes peuvent se faire B n'importe quelle .
période de l'année. Les ventes surtout sont étal6es tout au long
de l'année:
la part la plus importante des ventes se fait en
effet directement de l'embaucheur au particulier, et celui-ci
achète généralement l'animal pour le consommer immédiatement, B
l'occasion d'une fete religieuse (Korité, baptême, mariage.,,).
Ce type d'embouche étant pratiqué tout au long de l'année,
les animaux sont envoyés au pâturage pendant l'hivernage, lorsque
ce dernier est satisfaisant. Les animaux sont alors soit confi6s
A des Peul,
soit pris en charge par un berger rémunéré par
1. 'emboucheIlr. Le retour à l'attache a lieu dès que l'herbe vient
R manquer,
entre octobre et décembre.
Comme les ovins, les
animaux sont, gardés à l'attache le reste de l'année et nourris
de sous-produits des cultures de l'éleveur auxquels s'ajoutent
des sous-produits achetés.
L'animal est acheté âgé d'environ deux ans, c'est tout au
moins ce que les éleveurs considèrent comme un âge pr&férable
pour débuter l'embouche, Dans la réalité, l'achat va de jeunes
animaux (A partir de six mois) à des bovins âgés de quatre ans.
Le prix d'achat est très variable selon l'état du marché, la
période de l'année et l'état de l'animal, Il se situe dans une
fourchette allant de 25 000 à 80 000 cfa, pour une valeur moyenne
de 35 000 cfa. La vente de l'animal intervient après 4 mois
d'embouche ou plus, à un prix compris entre 50 000 et 150 000
cfa, avec une valeur moyenne de 75 000 cfa.
L'embouche bovine ne connaît pas
les phénomènes de
surproduction comme ce peut être le cas pour les opdrations
Tabaski. Par contre, comme dans le cas de l'embouche ovine, le
problème des débouchés et de la commercialisation des animaux se
révèle être la principale difficulté B laquelle se heurte cette
spéculation. Les filières de commercialisations sont ici auslsi
inexistantes. Certes les situations sont variables, surtout en
fonction de la proximité des centres urbains que sont Sain;t-
Louis, Ross-Béthio et Richard-Tell.
Un embaucheur péri-urbain
pourra avoir passé un accord avec des bouchers citadins pour les
approvisionner
régulièrement en
animaux,
Dans ce
cas,
l'hypothèque de la commercialisation étant levée, la rentabilité
de l'embouche apparalt remarquable, et bien supérieure B celle
de la riziculture. Mais ce. cas reste exceptionnel; la vente se
fait le p.lus souvent dans le village oh se trouve l'atelier
d'embouche, chez des voisins ou des parents. Lorsque l'embaucheur
pratique depuis plusieurs années et commence B être connu au-delà
des limites de son village, les ventes peuvent se faire dans un
rayon
plus
étendu, et
l'acheteur peut
venir
trouver le
producteur. Il peut alors s'agird'unparticulier, mais également
d'un Dioula, ou intermédiaire,
qui
revendra l'animal B un
boucher, L'acheteur peut également être directement un boucher,
avec qui l'embaucheur entretient des relations suivies d'une
année à l'autre. Ce dernier cas, minoritaire, est le fait des
20

ateliers les plus importants, qui existent déjà depuis plusieurs
années et qui sont réputks pour la qualité de leurs produits. Ce
CAS le plus courant reste celui d'une vente au coup par coup: un
voisin vient proposer un prix pour l'un des animaux de L'atelier,
et la vente se
fait si
le prix est
jugé
satisfaisan,t,
Inversement, en cas de besoin d'argent,
l'embaucheur peut
chercher à vendre un animal, il le fait alors savoir autour de
lui afin de trouver un acheteur. Le prix de vente est dans ce cas
souvent infkrieur à ce qu'il aurait été si la démarche était
partie de 1 acheteur, Dans un cas comme dans l'autre, il faut
remarquer que le moment OCI l'animalest vendu est assez aléatoire
et déterminé non pas par la durée d'embouche ou l'état
d'engraissement de l'animal, mais par le fait que "l'occasion se
présente" de vendre ou qu'un besoin d'argent oblige l'embaucheur
à
céder un
animal.
Malgré des
motivations différentes B
1. 'origine, on retrouve en somme ici la fonction de "capital",que
représente l'animal
pour l'éleveur Peul. La stratégie de
commercialisation est donc, on le voit, des plus aléatoires. Cet
état de fait nuit fortement à la rentabilité de ce type
d'embouche.
Il est imputable B l'inorganisation des filières de
commercialisation,
mais également B la gestion peu rigoureuse de
la durée d'embouche par l'éleveur, Il semblerait en effet que
pour des animaux achetés maigres et âgés de deux ans, la durée
d'embouche optimale soit de quatre mois, et qu'au-delà de six
mois l'opération devienne déficitaire. Or il est bien rare que
les embaucheurs enquêtés respectent ces durées, Bien souvent, on
a pu se trouver en présence d'animaux "a l'embouche,, depuis plus
d'un an. Cette gestion deficiente tient en partie au fait que
l'embaucheur n'a qu'une notion floue du bénéfice tiré de
l'opération, qu'il apprécie le plus souvent B l'aune du seul prix
de vente, sans tenir compte des intrants employés, au premier
rang desquels se trouvent les aliments du bétail, Cela est
explicable en partie par l'absence de toute comptabilité écrite
dans ce type d'exploitation familiale. Le manque de lucidité de
certains
embaucheurs
sur la réalité des revenus tirés de
l'embouche est tout B fait remarquable,
L'embouche bovine dans le Delta, 8 l'instar de son homologue'
ovine,
est
menée
sous forme d'ateliers conduits par des
riziculteurs
d6sireux
d'augmenter
leurs
revenus
tout en
valorisant leurs sous-produits. Si elle ne connaît pas - pour
l'heure - de surproduction, sa rentabilité est difficilerent
appréciable du fait des durées d'embouche très élastiques, qui
sont conditionnées non par des choix techniques, mais par les
besoins du vendeur ou la présence opportune d'un acheteur. Si
quelques
embaucheurs
jouissent d'une
situation privilégibe
(ateliers péri-urbains, relations stables avec des bouchers ou
des dioulas), la commercialisation reste la plupart du temw
aléatoire,
les filières d'koulenent btant inexistantee. Yi
techniquement,
l'embouche bovine donne souvent des résultats
satisfaisants en dépit d'une stratégie alimentaire peu raisonnée,
et
valorise
efficacement
les
sous-produits
des
cultures
irriguées,
financidrement son intérêt reste suspendu B une
commercialisation mal organisée.
Pour conclure sur les activités d'embouche, on peut dire que
21

celles-ci sont considérées par les agriculteurs comme beaucoup
Plus rémunératrices que la riziculture, mais également beaucoup
plus aléatoires quant R leur réussite,
3. Les GIE dans la filière élevage: esquisse d'un bilan,
Les Groupements d'intérêt Economique sont une forme
,juridique d'association qui A été inaugurée au S&négal en 1985.
L'intérêt principal de cette forme de regroupement des acteurs
6conomiques est de pouvoir acckder au crhdit bancaire, Les GIR
ont connu depuis bientôt une décennie un développement intense
RU Sénégal,
au point d'être présents aujourd'hui dans tous, les
secteurs de la vie économique, production, commerce, services.,.
Ce développement a bien entendu touché tout le secteur
agricole, Dans la filière élevage, et dans la région du Delta,
les GIR ont suscité un engouement remarquable 8 partir de 198'7,
lorsque l'installation d'un Crédit Agricole B Saint-Louis a
ouvert à ce type de structure
l'accès aux prêts bancairels.
Plusieurs dizaines de GIE élevage se sont ainsi constitués entre
1987 et 1990. Les activitks développées par ces OIE étaient
principalement
L'embouche ovine sous la forme d'opération
Tabaski, et plus rarement l'embouche bovine, Venaient ensuite 'la
mise sur pied de magasins d'aliments et de magasins de produits
vétérinaires. L'obstacle majeur B la réalisation d'une opération
Tabaski, qui résidait dans le manque de moyens financiers pour
assurer la mise de fonds initiale servant à l'achat des animaux
maigres, se trouvait ainsi levé; cela permit alors B de nombreux
kleveurs Peu1 et riziculteurs Wolofs de satisfaire leur volonlté
de réaliser une
opération Tabaski,
activité perçue
comme
particulièrement motivante financièrement.
Les GIE créés entre 1987 et 1990 étaient soit familiaux (de
moins d'une dizaine & une vingtaine de membres), soit résultant8
de l'association de quelques riziculteurs entre eux,
sost
villageois (comptant alors plusieurs dizaines voire centaines de
membres). Ces GIE ont pris naissance tant en milieu Peu1 qu'en
milieu Wolof,
Chez les Peul,
ils étaient le plus souvent
villageois, et regroupaient tous les éleveurs d'un campement et
leur famille.
La plus grande partie
de ces C+IE obtint sans aucune
difficulté un crédit de la CNCAS, pour des montants allant de 200
000 À 1 million ce cfa. Certains GIE préférèrent faire appel B
des ONG plutôt qu'8 la banque pour trouver un financement.
Plusieurs
furent
ainsi
financés
par
l'organisation
Plan
International.
La création de ces GIE fut parfois spontanée, mais trbs
souvent elle fut pilotée par des agents extérieurs, tels que les
ONG, mais également l'ISRA, qui s'investit alors fortement dans
l'encadrement des CIE. L'aide apportée par les agents de 1'ISRA
22

consista en une aide technique pour le montage des dossiers de
création des GIE, des dossiers de demande de prêt auprès de la
CNCAS, en une aide logistique pour accéder aux sous-produits et
nllx médicaments dans le cas de magasins d'aliments et de produits
vétérinaires,
et en une aide sous forme de conseil pour la
conduite des opérations d'embouche.
Les
opérations
montées
alors
étaient
relativement
ambitieuses, portant sur de gros effectifs d'animaux: certaines
opérations Tabaski ont compris jusqu'aune soixantaine de bêliers
3 l'embouche (opérations réalisées par des GIE villageois),
tandis que des opérations d'embouche bovine comptaient jusqu'a
une trentaine de têtes.
L'espoir mis par de nombreux éleveurs et riziculteurs dans
les GIS nouvellement crkés fut dans une large mesure concrétisé
par des résultats encourageants lors des premihres opdrations
menées, en 1987 et 1988. Rapidement toutefois, des difficultés
vinrent contrarier l'enthousiasme initial,
Des problèmes de gestion se firent rapidement sentir au sein
des GIE; des conflits de personnes Eclatèrent parfois autour des
orientations à donner a la marche du GIE, dans un milieu
traditionnellement individualiste quant B la conduite de son
cheptel.
L'argent
alloué par la CNCAS fut dans quelques cas
utilisé peu rationnellement, voire détowrné par des individus
plus soucieux d'enrichissement personnel que de réussite d'une
opération collective.
Par ailleurs, si grâce B l'aide extérieure apportée tantôt
par les ONG,
tantôt par l'ISRA, les résultats des opérations
Tnbaskiétaienttechniquementsatisfaisants, la commercialisation
s'avéra rapidement problématique. Nous revenons ici au probli&me
de l'inorganisation de la filière 6levage dans le Delta, dCrja
évoquée par ailleurs dans ce document. Dbs 1990, les difficultbs
à trouver des débouchés aux produits de l'ambouche se firent
sentir.
La pratique
de la vente B cr6dit se généralisa,
tandisqu'une surproduction due au trop grand nombre d'opérations
menées
simultanément
faisait
chuter les prix des animaux
embouchés.
Cette situation entraina des gains beaucoup plus
faibles que
ceux
escomptés,
voir des pertes sèches,
qui
contribuèrent B retarder considérablement le remboursement des
prêts obtenus. L'absence de garanties réclamées lors de l'accord
des pr6t.s par la CNCAS se fit ici durement sentir. Ainsi, dès
1991, de très nombreux retards de remboursement de prêts furent
& signaler. L'encours de la CNCAS se .gonflant démesurément, la
banque décida en 1992 de suspendre presque totalement l'octroi
de prêts à l'élevage dans la région du Delta. Ce tarissement de
1.a manne constituée par le crédit agricole mis un brusque coup
de frein au foisonnement des GIE élevage dans la zone.
23

Force est de constater aujourd'hui que l'espoir plac6 dans
la creation des GIE de la filière élevage, celui de voir se .
développer
rapidement un
secteur
d'élevage
intensif,
techniquement performant et valorisant bien les sous-produits
disponibles dans la zone, a été en grande partie déçu,
Sur les 15 GIE élevage suivis en 1990 par l'équipe Systèmes
de L'XSRA Saint-Louis, un seul fonctionne encore en 1993, aux
prises qui plus est avec des difficultés d'ordre technique. Si
1. e s
GIR
ont
disparus en
tant
qu'entités
fonctionnelles
participant a la production, de nombreux producteurs adhérents
des
GIE défunts,
tirant
les
leçons de
ces
expériences
malheureuses et gardant intact leur int&rêt pour l'élevage, se
sont lancés à leur tour et B titre personnel dans des opérations
d'embouche, avec des moyens certes beaucoup plus modestes.
L'encadrement assuré par 1'ISRA auprès des 15 GIE suivis a
cessé fin 1991, du fait du départ du chercheur responsable du
secteur élevage. L'arrêt du soutien apporté par 1'ISRA a nuit
fortement à la bonne marche de ces GIE, qui se sont brusquement
trouvés aux prises avec des difficultés d'ordre technique et
oraganisationnel.
L'aide apportée par 1'PSRA masquait en fait la
diificulté pour ces GIE de s'organiser et de se gérer de façon
autonome, à l'heure même où le contexte défavorable (arrêt des
prêts CNCAS) commandait une gestion rigoureuse et efficace.
Six ans après un démarrage en fanfare, l'activité des GIE
dans la
filière
élevage,
principalement
sous la
forme
d'opérations d'embouche bovine et ovine, s'est consid6rablerent
ralentie. L'arrêt en 1991 de l'octroi de prêts par la CNCAS en
est la cause premikre. La surproduction qui a touché la filiare
de production des bêliers de Tabaski, con;iuguée B des stratégies
de commercialisation aléatoires, B un déficit de compétences et
FT des problkmes organisationnels après le retrait du soutien de
I'ISRA, ont également leur part dans la gendse de cet 6chec.
24

TII. LES PRODLEMATIQUES DE RECHERCHE A PRENDRE EN COMPTE,
La situation de 1'6levage dans le Delta, telle que les
enquêtes menées la révèlent, et telle qu'elle apparaît dans les
pages qui précèdent, permet de d6gsger des problématiques de
recherche pour l'immédiat et pour les années B venir. Il convient
de distinguer le cas de l'élevage Peu1 et celui de l'élevage
d'embouche,
chacun
connaissant
des problèmes qui lui sont
spécifiques.
Dans un cas comme dans l'autre toutefois, le fil
conducteur qui doit guider les recherches futures réside dans la
contribution à une meilleure intégration de l'élevage dans les
aménagements hydro-agricoles du Delta. Nous pouvons donc dégager
les axes suivants comme dtant prioritaires:
En milieu Peul, la recherche doit s'atteler B determiner les
conditions
d'une
plus
grande,
intensification du
système
d'élevage.
11 s'agit pour cela de cerner les obstacles B un'e
exploitation plus
rationnelle et
intensive du cheptel, La
dimension sociale et culturelle que comporte une telle recherchme
ne devra pas être négligbe. Il faut par ailleurs étudier plus
précisément le fonctionnement des filières de commercialisation
des sous-produits de la culture irriguée, afin d'en favoriser
l'organisation dans le sens d'une plus grande disponibilité de,s
sous-produits pour les pasteurs Peul. Il conviendrait également
de mener des recherches approfondies sur les cultures fourragères
irriguées praticables dans le Delta, Celles-ci pourraient en
effet pallier en partie au manque de fourrages naturels. Bien que
quasiment inexistantes dans le Delta aujourd'hui, elles sont
fréquemment citées par les éleveurs Peu1 comme une solution aux
actuels problèmes de disponible fourrager.
Cette conjonction
entre l'inthrêt technique que semblent présenter ces cultures et
1.a demande qui en existe d'ores et déjà chez les eleveurs laisse
penser que leur introduction dans les systdmes agraires existants
pourrait se
faire relativement aisément. La recherche doit
s'attacher à déterminer les conditions d'une meilleure insertion
de l'élevage Peu1 dans le circuit Economique, dont il est pour
le moment peu ou prou exclu du fait de la persistance de la
conception du cheptel comme un capital, et de sa faible
exploitation.
En milieu Wolof,
le but de la recherche doit être
d'améliorer la rentabilité des ateliers d'embouche tels qu'ils
existent actuellement. Cet objectif passe par la rationnalisation
de l'utilisation des sous-produits disponibles, les embaucheurs
6tant souvent profanes en matière d'élevage et ne maîtrisant pas
les aspects techniques de la conduite du troupeau, que ce soit
nu point de vue stratégie alimentaire ou couverture sanitaire,
L'autre point primordial consiste en l'organisation des filières
de commercialisation des produits de l'embouche. L'obstacle
principal à la rentabilité de cet élevage btant B l'évidence, et
de l'avis même des éleveurs concernés, l'inexistence des filières
d'écoulement des produits,
Une meilleure gestion des flux
d'animaux et des durées d'embouche doit être visée, ainsi qu'un
25

accès plus facile aux produits v8térinaires. L'ensemble de la
démarche doit viser B rendre ce type d'élevage plus performant, .
et À développer l'utilisation des sous-produits agricoles emt
Cagro-industriels du Delta in situ, L'objec=tif final, ici aussi,
est bien de renforcer l'intégration entre dlevage et agriculture,
ce qui semble la seule façon de permettre la persistance et le
developpement des productions animales dans une zone où depuis
trente ans tous les efforts ont été diriges vers l'agriculture.
26

CONCLIJSION: LES AXES DE RECHERCHE RETENUS.
Compte tenu de ce qui précède et des moyens de recherche
disponibles dans le cadre du programme Gestion des Ressourceps
Naturelles et des Systèmes de Production mené au centre ISBA de
Saint-Louis, il m'a sembl6 judicieux de focaliser mes recherches
en tant que VSN zootechnicien intégré au programme suscité sur
les problèmes rencontrés par les ateliers d'embouche bovine qt
ovine. Ce
type d'élevage
représente en
effet
une
forme
relativement intensive de production animale, compatible avec
l'organisation présente des aménagements hydro-agricoles et sa
vocation rizicole. Il peut être consid&ré comme une préfiguration
de l'aven.ir des productions animales dans le Delta, Les ateliers
d'embouche pr&sentent en outre une facilité d'accès et de suivi
qui n'est pas de mise avec l'élevage extensif Peul. Dans ce
dernier
milieu, une étude appro,fondie eut suppos6 des moyens en
temps
et en
déplacement
plus
importants,
difficilement
mobilisables dans le cadre de la tâche qui m'est affectée au CRA
de Saint-Louis. 'Je me suis fixé comme objectif d'aborder les
différents points sur lesquels les ateliers d'embouche achoppent
Fr l'heure actuelle, à savoir:
- l'utilisation des sous-produits agricoles et agro-
industriels dans les rations utilisées, Pratiques actuelles et
possibilités d'optimisation.
performances
zootechniques
réalisées et
problèmes
pathologiques rencontrés. Diagnostic des résultats obtenus.
- filières d'accès aux sous-produits,
Etat actuel des
filières, points de blocage, possibilit6s d'am6lioration.
- filières de commercialisation des produits de l'embouche.
Etat actuel des filières, points de blocage, possibilité,s
d'amélioration.
Ces différents aspects du fonctionnement des atelier3
d'embouche devront être abordés dans le détail, Pour cela, un
suivi d'ateliers d'embouche représentatifs des pratiques en
vigueur dans la zone du Delta sera réalisé, Ce suivi sera
hebdomadaire et couvrira les différents points énumérés ci-
dessus. Il concernera des ateliers d'embouche ovine et bovine e,t
devra couvrir au minimum la durée d'une op6ration d'embouche
complète,
soit six à huit mois dans le cas des opérations
d'embouche bovine, et une opération Tabaski menée B son terme
dans le cas de l'embouche ovine,
27