REVUE D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE...
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
EXTRA11
VIGOT FRÈRES, ÉDITEURS, 23, rue de l’École-de-Médecine, PARIS-ô’

Sur une évolution atypique de la peste équine
particulière à 1’A. 0. F.
par P. MORNET
L
h
A peste équine sévit à Dakar presque chaque
des signes généraux d’inappétence et d’abattement
année avec plus ou moins d’intensité, suivant qu’elle
(stupeur), de 1,‘hémoglobinurie.
est alimentée par des chevaux ou mulets importés,
La maladie gagne en intensité et, sur les 70 chevaux
très sensibles, ou des animaux indigènes, plus
de l’effectif, 32 sont atteints, dont 11 morts et 21
résistants.
guéris.
Au cours de l’épidémie de 1942, qui débute en
Le tableau ci-dessous (voir page suivante)
Mars, les seuls animaux atteints sont des animaux
condense le bilan de l’épizootie.
indigènes. Aucun cheval (arabe ou barbe) ou mulet,
De ce tableau il découle diverses constatations :
appartenant à 1’Administration militaire, seul déten-
1” l’âge des animaux n’a d’influente ni sur la
teur à cette époque de sujets importés, ne contracte
réceptivité des sujets, ni sur l’évolution de la maladie;
la maladie.
20 l’affection évolue de façon régulière : sévère
Première particularité d’une épidémie à forme
au début, elle décroît en malignité assez rapidement.
.
symptomatologique inaccoutumée.
A partir du 3 Avril en effet, la plupart des animaux
Sans prodromes, en pleine saison seche et froide,
guérissent;
l’affection éclate le 3 Mars et se manifeste par la
30 la température ne dépasse jamais la normale.
l
mort presque foudroyante de deux chevaux appar-
Bien plus, certains sujets ne dépassent pas 3ô05 C.
tenant au Cercle de 1’Etrier.
Ils sont « froids » d’emblée;
L’autopsie révèle une congestion généralisée :
4” outre cette absence de fièvre, on note fréquem-
les vaisseaux sont gorgés d’un sang noir et poisseux,
ment de l’hémoglobinurie (7 cas), des accès nerveux
la conjonctive et la muqueuse buccale sont jaunes
(5 cas), une odeur fétide caractéristique qui semble
safran, le foie couleur feuille morte, la vessie pleine
s’exhaler du corps de l’animal et surtout des naseaux
d’une urine hémoglobinurique.
(6 cas);
Les prélèvements en vue d’examens bacterio-
.5” les symptômes cardinaux de la peste equine :
logiques et parasitaires permettent d’éliminer la
inappétence, stupeur, congestion des muqueuses
coexistence d’une maladie infectieuse a virus figuré
safranées, accélération des grandes fonctions,
ou d’une hématozoose.
existent, quoique la présence d’œdèmes n’est point
Il s’agit bien de peste équine, connue en A.O.F.
relevée.
et à Dakar depuis de longues années, évoluant sous
Au cours des autopsies pratiquées, des lésions à
la forme suraiguë.
peu près constantes sont notées : sérosité nasale
Sur un effectif de douze chevaux, seuls ces deux
souvent teintée d’hémoglobine;
ictère intense
4
cas sont relevés.
apparaissant dès l’incision cutanée; fortes arbori-
C’est alors qu’un nouveau foyer apparaît aussi
sations vasculaires du conjonctif sous-cutané; con-
brutalement, le 20 Mars, au Ranch de 1’Eperon
gestion généralisée; sang noir et poisseux; poumon
(Etablissement situé à 2 kilometres du précédent,
congestionné, de même la nappe épiploique; rate
qui loue des chevaux aux amateurs d’équitation),
hypertrophiée, souvent congestive; foie générale-
foyer dont l’évolution mérite d’être relatée.
ment hypertrophié, cirrhotique, dégénéré; muscles
La maladie atteint d’abord les chevaux noB 1 et 2,
infiltrés, jaunâtres. La vessie, souvent conges-
venus huit jours auparavant du village de Malika,
tionnée, recèle une urine foncée, parfois hémoglo-
situe à une quinzaine de kilomètres de Dakar. Le
binurique.
premier est touché le 20 Mars 1942, le second, le 21.
Dans plusieurs cas, l’encéphale est congestionné;
Ils meurent tous les deux dans les 24 heures, apres
il y a infiltration sous-arachnoidienne et de la serosité
que la propriétaire du Ranch ait constaté, en dehors
dans les ventricules latéraux.
i
loi
3
-- -.-,
-- - --

BILAN DE L’ENZOOTIE DU RANCH DE L’ÉPERON
1
‘KJMERO ’

D U R É E
I
TERho
lu cheval / AGE
/
dr 1amaIadie :
SYMPTOMES CARDlNAUX
/

NAISC
1
6 ans i 1 jour / Inappétence, tristesse, abattement, hémoglobinurie, pas de fièvre. ; Mori
-
-
.---..- ~. ..__..-_ __~
~-----
2
4 ans /
1 jour
_ d” -
/
Mori
1
/
3
6 ans 10 jours Inappétence, tristesse, abattement, muqueuses safranees, avec pété- Mort
chies, T. 3705, violents accès nerveux.
- - do _
(
Guér
/Inappétence, tristesse, abattement, muqueuses conjonctivale et buccale
~
/
congestionnées, safranées. Violents accès nerveux : bondit, se jette
,
contre les parois du box ou sur sa ration puis s’arrête pantelant.!
5
10 ans, 20 jours / Accès plus fréquents la nuit que le jour. A partir du 81’ jour de la ma-’ Guer

l
ladie, actes espacés, apparition de troubles oculaires, l’animal semble
aveugle. Le 2Oc’ jour, entre en convalescence mais reste peureux pen-
i
/
1
dant un certain temps. Pas de fievre.
!
-~. -
-
-
-
6
4 ans
4 jours
Anorexie, tristesse, abattement, conjonctive rouge safran, hémoglo- Mort
binurie, pas de fièvre, odeur fétide exhalée par l’animal.
-
-
_----.--.------. ..-.
7 / Gan:1 3jours 1
Mêmes symptômes plus hémoglobinurie.
I
Mort
---.-.- --.-
8
8 ans
2 jours ’
- do -
/
Mort
/

I -
9
5 ans 14 jours
_ du -
Mort
/

!
---~--
- - - ---.--
I
10
4 ans i 3 jours
- do -
I
Mort
1
-
-
1 1 j?ansi 1 jour /Appétit conservé. Pas de fièvre. Muqueuses congestionnées safranées. / Mort
- -
- -~ - -
12
i
6 ans I 4 jours !’~
nappétence,
tristesse, abattement, pas de fièvre, muqueuses safranées’
avec pétéchies, odeur fétide caractéristique, hémoglobinurie.
Guér
-
_-- ..~
-
13
13 ans 13 jours ’

Guér
14
?
i
8 jours I
Guér.
15
?
/ 8 jours Tous ces animaux présentent la même symptomatologie :
Guér.
16
?
8 jours Inappétence, abattement, congestion des muqueuses safranees, pas de, Guér
17
?
8 jours
fievre
Guér.
18
?
8 jours
Guér:
19
?
13 jours
/
Guér:
.~-~
- - - .-- ..~
- -
-
‘Inappétence, abattement, congestion des muqueuses safranées, pas de 1
20
1
? illjours
fièvre, violentes crises nerveuses entraînant l’obligation de sacrifier i Mort
i
1 ‘animal.
l
1
~-.--
21 / ?
/
11 jours
Guén
22
?
11 jours Inappétence, abattement, congestion des muqueuses safranées, pas de Guéri
23
?
11 jours
fièvre.
, Guéri
- - - - - - - - .
JInappétence,
abattement, congestion des muqueuses safranées, pas de’
24
?
8 jours
fièvre, violentes crises nerveuses entraînant l’obligation d’abattre Mort
:
l’animal.
- - ----.- ~-. --.. -.
- ---~---. ~_-
te 25
‘Inappétence,
abattement, congestion des muqueuses safranées, pas de’ Tous
à32
?
6 jours
fièvre.
, Guéri:
/
I
102

c
L’étude histopathologique de la glande hépatique,
d’une forme nerveuse, complication, à notre avis,
.
organe toujours atteint, montre une congestion
de l’affection, plutôt qu’entité morbide.
c
intense, une cytolyse des cellules hépatiques dans
En ce qui concerne la dénomination de cette sévère
la zone centra-lobulaire, une dégénérescence
maladie, appelée successivement par les auteurs
graisseuse périlobulaire, la présence de pigments
français, fièvre typhoïde bilieuse, fièvre pernicieuse,
(hémosidérine) dans les espaces portes, une sclérose
typho-malaria, typhus amaril équin, expressions
des espaces portes et de la capsule de Glisson.
imagées qui valent bien le nom actuel et passe-partout
En dehors de cette épidémie, plusieurs cas chez
de peste @quine, et tenant compte de la lésion
d’autres chevaux indigènes sont signalés mais ne
hépatique constante, responsable, apparemment, de
peuvent être suivis, sauf un, dont nous parlerons
toutes les autres, on pourrait aussi bien admettre le
brièvement.
terme d’ictbre grave tropical infectieux du cheval,
Cheval, 10 ans, présenté a la clinique le 22 Avril
qui répond., selon G. Roussy, pour l’ictère grave
avec les commémoratifs suivants : inappétence,
infectieux de l’homme, à une insuffisance fonction-
adynamisme, urine foncée, Température 36~~9,
nelle de la glande hépatique se traduisant par de
prostration,
respiration lente et profonde, dos
l’ictère, des hémorragies, des troubles nerveux et
voussé;
conjonctive
safranée
avec pétéchies,
un état adynamique prononcé entraînant la mort
muqueuse buccale ictérique, salivation abondante,
à plus ou moins brève échéance.
hémoglobinurie. Il meurt le lendemain.
Au début de cet article, nous notons deux faits
Examen nécroptique : l’aspect général du sujet,
épidémiologiques particuliers à l’épizootie décrite :
après dépouillage, est jaune safran.
a) l’affection n’évolue que chez les chevaux indi-
Cavité thoracique : léger œdème du poumon,
gènes, de race locale, jouissant ordinairement d’une
spumosités à la coupe, cœur présentant une myocar-
immunité partielle ;
dite hypertrophiante.
b) elle apparaît en pleine saison sèche et froide
Cavité abdominale et pelvienne : congestion de
alors qu’il est devenu la règle de constater la maladie
tous les viscères, hépatomegalie,
splénomégalie,
en fin de saison des pluies, d’octobre à Décembre.
suffusions sanguines sur la muqueuse gastrique,
Cette période de transition, qui précède la saison
.
meloena.
sèche, se caractérise par une chaleur et une humidité
Vessie fortement distendue, hémoglobinurie.
débilitantes et la présence constante d’insectes
Pyélite sérofibrineuse.
piqueurs, incriminés comme vecteurs de la maladie.
s
Le sang noir donne un caillot mal rétracté exsudant
une petite quantité de serum hémolysé.
Conclusion. - Au cours d’une épizootie sévère
de peste équine, ayant sévi à Dakar en 1942, nous
Discussion. - Si les premiers cas et le dernier
avons souhgné des faits épidémiologiques impor-
cités au cours de cette étude se rattachent dans les
tants et inhabituels :
grandes lignes au tableau clinique de la HORSE-
10 apparition de la maladie en saison sèche et
SICKNESS aiguë classique, e foyer du Ranch de
froide, coïncidant avec la disparition des insectes
1’Eperon en diffère assez nettement par la fréquence
piqueurs, vecteurs du virus;
des signes nerveux graves et l’apyrexie constante.
20 atteinte grave et exclusive de chevaux de race
Il apparaît d’ailleurs que, hors d’Afrique Occi-
locale, considérés généralement comme assez
dentale Française, ces signes nerveux n’ont pas eté,
résistants.
à notre connaissance, signalés. Et pourtant, dès 1896,
Par ailleurs, nous insistons, du point de vue
Pierre en fait état, de même Monfrais (1923). Et si
symptomatologique, sur la constance de l’apyrexie,
Didier, dans sa thèse (1934) ne souligne pas cette
la fréquence de l’hémoglobinurie, des troubles
particularité, pas plus qu’advenier, dans la sienne
nerveux, dont les auteurs étrangers à l’A.O.F. ne
*
récente (1946), Curasson, par contre, propose
font pas état.
d’ajouter une forme nerveuse à la classification de
(Laboratoire Central de YElevage, Dakar),
Theiler (1930).
La classification de l’affection en diverses formes
BIBLIOGRAPHIE
semble, en A.O.F., un peu artificielle, car la coexis-
HENNING (M...W.). - Animal dîseases in South Africa. 1932.
tence de symptômes variés est fréquente,
DIDIER (L.). -. Peste équine ou typhus anaril du cheval. Thèse
Lyon, 1934.
Nous ne sacrifierons pas au souci de systémati-
CURASSON (G.). - Traité de pathologie exotique vétérinaire
sation didactique pour réclamer l’élargissement de
et comparée. 2r édition, T.I., 1942.
la classification généralement admise par la création
ADVENJER (C.). - Contribution à l’étude de la peste équtne.
T h è s e Alfort, 1946.

Emploi du vaccin lanoliné antipéripneumonique
en milieu sain. Valeur antigénique
par R. TESTU
L E vaccin utilisé est constitué pclr de la sérosilt; pleurale enrobée
Ces treize sujets sont suivis du 6 Février au 10 Avril.
dans un mélange de lanoline et d’huilo d’arachldc.
Seul, le no XI fait une poussée thermique pendant
L
a
n
o
l
i
n
e
5 gr.
S é r o s i t é p l e u r a l e
2 cc.
cinq jours. L’animal tousse; appétit nul et rumination
H u i l e d ’ a r a c h i d e stknlisée.
CI.~. pour 20 cc.
irrégulièr-e. A partir du 4 Mars la température
Le troupeau de bœufs producteurs de sérum du
s’abaisse et, le 7 Mars, la mort survient en hypo-
centre est immunisé dans les premiers jours du mois
thermie.
d’octobre (2 cc. vaccin par animal).
Signes nécropsiques. - L’autopsie révèle une
Réaction vaccinale locale, débutant trente-six à
péripneumonie classique : lésions bilatérales,
quarante-huit heures après l’injection sous-cutanée.
adhérences de la plevre, surabondance de liquide
L’oedème se développe dans les trois à quatre jours
pleurétique, avec nombreuses membranes.
qui suivent, puis reste stationnaire. Vers le neuvième
Le bouvillon témoin succombe le 9 Mars, mais sans
ou le dixième jour, on note une résorption lente de
avoir présenté de signe apparent. Congestion pulmo-
l’oedème avec induration persistante qui, deux mois
naire avec œdème. Aucune lésion péripneumonique.
après, a la grosseur d’une noix (il est visible quatorze
Cette première expérience pourrait faire conclure
mois plus tard sur la plupart des sujets vaccinés).
à l’efficacité réelle du vaccin lanoliné : douze sujets
Réaction identique observée sur les animaux du
sur treize résistent à une dose virulente de sérosité
troupeau du village de Boghé, vaccinés en Novembre.
pleurale et pulmonaire.
A la date du 20 Février 1944, aucun cas de péripneu-
Néanmoins, nous devons faire la part et de la résis-
monie ne s’est encore déclaré dans ces troupeaux.
tance naturelle des jeunes et de nombreux facteurs
Ne pouvant encore conclure à l’efficacité ou à
mal connus à ce jour. Ces réserves s’imposent.
l’inefficacité du vaccin, il était nécessaire d’éprouver
En Juin suivant, la péripneumonie se déclare, une
les sujets vaccinés (contamination expérimentale
fois de plus, dans le troupeau du Centre sérumigène.
ou directe).
La totalité de l’effectif avait été pourtant vaccinée
Sept sujets (marqués des lettres XE et numérotés
huit mois plus tôt. De Juin à Octobre nous observons
de 1 à 7’) ayant reçu une dose vaccinale début
de nombreux cas typiques dont onze morts : quatre
Octobre, reçoivent, cinq mois plus tard, 5 cc. de
bœufs producteurs de sérum, sept bouvillons réfrac-
sérosité pleurale et pulmonaire dans le tissu con-
taires a la peste bovine.
jonctif sous-cutané en arrière de l’épaule.
Lésions de pér-ipneumonie classique (bilatérales
De même six autres sujets vaccinés à la même date
en majorité). Ces résultats montrent la réceptivité
(marqués des lettres XCH et numérotés de 1 à 6) sont
des sujets vaccinés après un délai de sept à huit mois.
inoculés au chanfrein (4 cc. de sérosité virulente).
Un bouvillon non vacciné est inoculé comme témoin.
Conclusions. - Les observations faites permet-
Ces quatorze sujets sont des bouvillons de 2 ans Ii2 à
tent de formuler les conclusions suivantes :
3 ans 112 choisis tels afin que les résultats de l’expé-
a) innocuité absolue du vaccin lanoliné en milieu
rience ne soient pas faussés par une atteinte anté-
indemne ;
rieure toujours possible en zone d’endémicité.
b) il semble qu’il y ait immunité active après
Les treize sujets inoculés font une légère hyper-
vacc’inaiion;
thermie, puis tout rentre dans l’ordre.
c) cette immunité serait assez lente à s’établir
La réaction locale est assez légère sur dix d’entre
(un mois et demi à deux mois);
eux, et régresse rapidement quatre à cinq jours
d) l’immunité conférée est de courte durée (infe-
après son apparition: par contre, sur les trois autres,
rieure à sept mois);
l’engorgement est plus accusé mais sans prendre
e) la vaccination préventive n’atténue pas les
toutefois une allure envahissante. Il persistera une
réactions consécutives à une nouvelle contamination
dizaine de jours.
naturelle au-delà de la limite d’efficacité du vaccin.
104
ii