Pourquoi le métayage se maintient-il dans certains pays en développement ? Cas concret de métayage maraicher au Sénégal
INSTITUTSENEGALAIS
DE
RECHERCHESAGRICOLES
CAHIERS D’INFORMATION
POURQUOI
LE METAYAGE
SE MAINTIENT-IL
DANS CERTAINS
PAYS
EN DEVELOPPEMENT
?
Cas concret
le métayage
maraîcher
au Sénégal
P. A. SECK
ISSN 08504798
Vol 4
N” 1
1990

ISRA
Institut
Sén&plais
de RecherchesAgricoles
Rue Thiong
x Valmy
I%I’. 3 120
DAKAR,
Sénégal
m
21 2425/21
1913
‘I’elex - 61 Il7 SC;
l’1,C
220375
Document
réalisé
par
la Direction
des Recherches
sur les Productions
Végétales
Centre de Recherches
Agricoles de Bambey
B.P. 53
Bambey
B
736(-J 50
P. A. SECK, Docteur
spkialité
Analyse et politiques
Economiques
Agricoles
ISRA / Centre de Recherches
pour le Développement
de I’Horticulture
Cuttepuhlication
a Eté r.ali&egrâce
à une~ubvention
du Centra
de Recherches
pour
le D~ueloppementlnternational
(CRDZ),
Ottawa,
Canada
Conception
et réalisation
UNIVALISRA

Dans le cadre de la troisieme
tranche
du projet d’amélioration
de
l’Information
scientilique
et technique
du monde rural mené par le MDRH
au niveau de son centre de documenlalion
et linancé par le CRDI. l’UNIVAL.
Unité d’Information
et de Valorisation
de 1’ISRA. a été chargée de réaliser,
à travers
ses propres
collections,
des publicalions
destinées
au monde
rural et à son encadrement.
Ces documents
se veulent
des supports
d’information
et de vulga-
risation,
ils sont réalisés par les chercheurs
de I’ISRA.

Cahiers d’Information - Vol. 4 - n” 1 - 1990
POURQUOI
LE METAYAGE
SE MAINTIENT-IL
DANS CERTAINS
P’AYS EN DEVELOPPEMENT?
CAS CONCRET
LE METAYAGE MARAICHER
AU SENEGAL
P. A. SECK, Chercheur ISRA
Direction des Recherches sur les Productions Végétales
RESUME
L’objet de cet article est de mieux comprendre en vue de mieux expliquer les raisons
profondes qui justifient le maintien du métayage maraîcher sénCgalais. Il ressort de
l’analyse que ce mode de faire-valoir offre des rendements et une productivité physique
du travail plus importants que dans les exploitations où existe le salariat. En outre, il est
un moyen d’accès à la propriété foncière pour certains métayers et permet l’exploitation
de terres qui ne le seraient pas s’il n’existait que des rapports de production de type
capitaliste. Par ailleurs, une typologie des exploitations maraîchères en situation de
métayage est proposée.
Mots clés : Métayage, maraîchage, mode de faire-valoir.

INTRODUCTION
Les études relatives a la commercialisation ont généralement comme point de départ :
le producteur face à sa récolte, alors qu’il devrait être le producteur face a sa décision
de produire. Car la r6colte est l’aboutissement d’un long processus qui mérite d’être
cerné. Mieux encore, comme l’a fait remarquer J.F. SOUFFLET, « le mode de production
connote un mode de commercialisation et un mode de consommation » (1).
A l’heure actuelle, en ce qui concerne les exploitations maraîchères s6négaJaise.s. les
points que voici n’ont pas encore fait l’objet d’investigations :
l
l’effet du mode de faire-valoir sur les rendements et les charges culturales.
l
la variation des prix selon le mode de faire-valoir.
l
l’effet du mode faire-valoir sur la productivité physique du travail.
C’est ce que nous nous proposons de traiter.
Le secteur maraîcher sénégalais comprend trois grands types d’exploitations :
0 les exploitations familiales,
0 les exploitations moyennes,
(B les exploitations agro-industrielles.
Les exploitations
familiales
Leur contribution se chiffre à environ 90 % de la production nationale en légumes.
Elles ont une taille moyenne de 0,2 ha, elles utilisent l’eau de nappe des surfaces grâce
à des c&nes creusées en pente douce. En situation de pluviométrie normale, elles peuvent
fonctionner d’octobre à Juin pour la production de legumes dits t4n type europeen, dans
le cas 6chéant leur saison de culture est beaucoup plus courte, elle s’arrête au mois de
Mars. leur main d’œuvre est familiale mais suivant l’intensit6 des travaux culturaux on
fait appel à une main d’œuvre en complement qui peut être en situation de salariat ou
de metayage.
Les exploitations
moyennes
Elles ont une dimension beaucoup plus grande que les premières. Leur taille varie entre
0,5 ha et 20 ha. Leur système d’exhaure de l’eau est constitue de puits a grand débit,
de forage ou de branchement SONEEB (2) Dans cet ensemble, il faut distinguer :
l
les exploitants appelés « maraîchers du Dimanche », ceux-ci ont une main
d’oeuvre Ctrangère à leur famille, leur contribution pour l’approvisionnement
de Dakar en légumes concerne pour l’essentiel la pomme de terre, les choux
et la tomate d’hivernage;
(1) Soufflet
J.F. «La filitre
et l’analyse
de filibe.
Recherche
sur les fondements
du concept
et de la mbhode,
et les npports
avec l’bmomie
industrielle
et la mkso-analyse».
Station ESR INRA/Dijon,
ENSSAA,
D&z. 1986.
(2) SONFES
= Socit%
Nationale
d’Ekploitation
des l?.aux du SénBgaI.

4
l
les groupements de producteurs, il s’agit de jeunes du même village ou de
plusieurs villages qui ont mis en commun leurs moyens en vue de se lancer
dans la production maraîchère.
Les exploitations
agro-industrielles
Leur superficie est supkieure ou égale a 20 ha, on peut y distinguer les exploitations
paysannales et les sociétés privées. Les secondes sont constituées principalement par les
projets maraîchers inities par 1’Etat en vue de lutter contre le chômage des diplômés de
l’Enseignement Sup&ieur.
Notre Ctude portera sur les exploitations familiales compte tenu de l’importance de
leur contribution pour l’approvisionnement de Dakar en légumes.
METHODE
D’APPROCHE
Lors de nos enquêtes informelles, nous avons relevé deux variantes dans le métayage
maraîcher sénégalais :
0 18re variante
Le propri&aire terrien fournit les « inputs » et le matériel agricole, et fait appel
à des agriculteurs qui sont chargés de la conduite des travaux culturaux, il
s’agit des « sourgas ». Ceux-ci sont logés et nourris ; lorsque les produits de
l’exploitation sont vendus, le propriétaire terrien defalque la valeur des inputs
et partage la somme ainsi obtenue en deux parts égales dont l’une est affectées
aux « sourgas » (métayers).
0 26me variante
Dans cette formule, les « sourgas » ne sont ni logés, ni nourris ; les recettes
sont réparties à Égalité entre eux et le propriétaire terrien sans déduction de la
valeur des inputs fournis par ce dernier. Cependant lorsqu’il s’agit de la culture
de pomme de terre, la valeur des semences est déduite avant partage, c’est
certainement 1iC au fait que ces semences coûtent relativement chères (4 FFiKg).
Pour traiter les points que nous avons souleves, deux prkdables se présentent :
l
le choix des zones de production qui serviront de cadre,
0 les exploitations à retenir.
Le critere qui a guide notre choix est l’importance de la zone pour l’approvision-
nement de Dakar en ltgumes. Son utilisation est possible grâce aux enquêtes que nous
avons menées dans les marchés de gros de Castors et de Thiaroye. Le dépouillement met
en relief pour chaque produit la principale zone d’approvisionnement
mensuel
(SECK, 1985). Pour les besoins de notre étude, nous avons déterminé pour chaque produit
la première et la seconde zone d’approvisionnement
durant notre période d’enquête.
Soit le tableau ci-après :

5
Tableau 1 : Les deux premikres zones d’approvisionnement
par produit
Spéculations
lère zone
2ème zone
d’approvisionnement
d’approvisionnement
carotte
Loumpoul
Fass Boy
Navet
Niague
Fass Boy
Chou
Mboro
Cayar
Oignon
Gandiole
Niague
Pomme de terre
Mboro
Niague
JaXatll
Diogo
Fass Boy
Manioc
Tivaouane
Thiès
Patate douce
Mbom
Diogo
Piment
Cayar
Thiks
Tomate
Fouloume
Dagana
Haricot
Niakne
Kounoune
Gombo
Malicka
Mboro
Aubergine
Mbawane
Nota
Nous avons affect6 chacune des zones ci-dessous d’un poids:
* 1 s’il s’agit de la Premiere zone.
* 0,5 s’il s’agit de la deuxieme zone.
Ce qui nous a permis de les classer tout produit confondu. Pour des raisons de moyens
les trois premières zones ont Cte retenues:
0 Mboro
8 Fass Boy
49 Diogo.
Les premières enquêtes faites dans ces zones nous ont fait constater que les pro-
ductions de Saw, de Béti Gueye et de Lompoul sont generalement amentks à Mboro, à
Diogo ou à Fass Boy avant leur acheminement vers les marchés de gros. Ce qui nous
a conduit a ajouter ces zones de production à notre univers d’étude en vue de tenir compte
de ce constat qui n’apparait pas dans nos enquêtes. Avec cette couverture géographique,
nous avons la totalité de la zone d’intervention du projet de Mtkuane qui s’étend de Saw
à Beti Gueye. Le secteur de Méouane représente les 2f3 de l’activité maraîchère dans la
zone des Niayes. La contribution de la zone des Niayes pour l’approvisionnement
du
Senégal est estime a environ 90 % (Minist&re du Developpement Rural du Sénegal). Par
consequent, les criteres que nous avons utilisés pour le choix de notre univers d’étude
conduisent aux mêmes résultats que ceux qu’on aurait obtenus si on s’était base sur les
statistiques officielles.

6
Pour éviter des conflits de responsabilité, comme c’est souvent le cas en milieu rural,
nous nous sommes prksentks devant les responsables du projet Méouane en vue d’expli-
quer la raison de notre enquête dans cette zone. Les objectifs que nous nous assignons
rencontrant les préoccupations du projet, six enquêteurs ont été mis à notre disposition
pour les besoins de notre étude. Ceux-ci ont été affectés en fonction de leur connaissance
de chaque zone et chacun d’eux chargé d’enquêter dans 30 exploitations durant les cam-
pagnes maraîchères 1985/1986/1987.
RESULTATS
RENDEMENT
ET CHARGES
CULTURALES
SELON LE MODE DE
FAIRE-VALOIR
Les enquêtes effectu6es montrent que le rendement par produit et par hectare est géné-
ralement moins élevC dans les exploitations où existe le salariat en comparaison à celles
où le mode de faire-valoir est le métayage (voir tableau 2). En outre, les dkpenses faites
pour l’achat de semences, de produits phytosanitaires et d’engrais sont plus importantes
dans le premier cas que dans le second.
Tableau
2 : Rendement
et charges culturales selon le mode de faire-valoir
(moyenne des trois années d’enquête)
I-
MODEDEFAIRE-VALOIR
Métayagepremihevariante
vïétayagedeuxi&mevariante
Salariat
Spéculations
Rendements
Charges cultu-
Rendements
Charges
cultu-
Rendement
Charges
cultu-
entlha
rales en F/CFA
ent/ha
rales en F/CFA
en t/ha
rales en FICFA
carotte
21
138 436
21
143 512
20
168 OLKI
Navet
11
83 000
115
84 100
10
95 100
chou
21
115ooo
21
115005
24l
148000
Oignon
23
94000
233
93 758
22
123000
Pomme de ten;
19
512000
19
513 100
18
533 oeil
Jaxatu
12
145ooa
12
145ooo
10
153 ooo
Patatedouce
21
95ooa
2OJ
95 300
20
115ooo
FGm?nt
7
154ooo
7
154ooo
6
183000
Tomate
25
95ooo
25.1
99 512
25
110100
HalicOt
7
155ooo
6.9
155200
6
183OGïl
Gombo
6
93 ooo
6
93000
5
121 ooo
Aubergine
25
87000
25
87006
22
142000
i-
: Auteur

7
A notre avis, les éléments explicatifs sont les suivants :
l
Memyers et propriCtaires terriens ont des intérêts étroitement lies car la part que
perçoit chacun d’eux dépend des résultats économiques obtenus par l’exploi-
tation. Par contre, dans les exploitations où existe une main d’œuvre salariée,
les « sourgas » sont conscients du fait qu’ils percevront à la fin de chaque mois
leur salaire, celui-ci n’étant pas directement lié au produit de la r&olte. En
outre, lorsqu’ils ont un propriétaire terrien qui n’est pas d’origine paysanne, ils
n’hésitent pas a gonfler les charges en vue d’kcouler a leur propre compte
certains inputs. Autrement dit, tout ce qui est d6clare avoir et6 utilisé par les
« sourgas » pour produire une spéculation donnée, ne l’est pas nécessairement
lorsqu’il s’agit d’exploitations en situation de salariat.
l
Dans les exploitations où existe le métayage. les propriétaires terriens sont
généralement des maraîchers qui disposent d’autres terres qu’ils mettent en
valeur grâce a un faire-valoir direct. Ils sont donc à même de contrôler les
«sourgas» avant la r6colte grâce à un suivi quotidien et à la r6colte en com-
parant les rendements obtenus en faire-valoir direct et en métayage. Les
« sourgas » peuvent donc difficilement
faire des recoltes à l’insu du pro-
priétaire terrien lorsque la production arrive a maturité.
l
Certains propriCtaires terriens logeant dans une localite Cloignee de celle où se
trouve leur champ, ont parfois des pertes importantes dues au fait qu’ils ne
peuvent pas mettre a la disposition de leurs « sourgas » les produits phytosa-
nitaires ou les engrais dont ils ont besoin pour faire face à un problème
ponctuel qui se pose dans l’exploitation. Tel n’est pas le cas dans le système
du metayage car metayers et propriétaires terriens partagent généralement le
même toit.
l
Le choix des semences a mettre en place revêt une irn,&ance capitale pour
la reussite d’une culture maraîchère. Ces semences peuvent être d’un coût onereux
sans donner des rendements importants si elles sont inaptes pour la période de
culture choisie ou si les autres facteurs de production font defaut. Par
conskquent, dans les exploitations à salariat où le propriétaire terrien est un
fonctionnaire sans expkience de culture, on risque d’obtenir des produits de
faible productivité si le choix des semences relève de ses attributions.
Ces différents facteurs expliquent pourquoi en métayage on investit moins pour
r6colter plus. Ce qu’il faut surtout noter c’est la convergence des intérêts économiques
entre métayers et propriCtaires terriens, et la surveillance qui est assurée par ces derniers
pour un correct déroulement de l’opération de production. Ce qui n’est pas toujours le
cas lorsqu’il s’agit d’exploitations en situation de salariat. Cela nous a pousse a nous
interroger sur le statut social des propri&aires terriens qui ont opti pour le salariat.
Sur un 6chantillon de 200 exploitations en salariat, on a pu construire le tableau
suivant :

8
Tableau 3 : Origine des propriétaires terriens dans des exploitations maraîché-
res en salariat
Origine
Importance relative
Fonctionnaires
62%
Maraîchers
17%
Commerçants
20%
Autres
1%
Ce tableau renferme sa propre interpr&ation : dans les exploitations où on a une main
d’œuvre salariée, les propri&aires terriens sont en majorid des fonctionnaires ou des
commerçants. Le faible pourcentage des maraîchers optant pour le système de salariat
est dû, entre autre, à l’étroitesse de leur surface financi&re pour assurer mensuellement
le salaire des « sourgas », contrairement a certains fonctionnaires et commerçants qui
sont en mesure d’y faire face grâce a des injections modtaires extra-agricoles.
LES PRIX SELON LE MODE DE FAIRE-VALOIR
Ici, nous constatons (tableau 4) que les prix moyens à la production sont plus élevés
en salariat qu’en métayage. Ceci pourrait s’expliquer par la différence de qualité des
produits entre ces deux modes de faire-valoir. En effet, dans la gamme des exploitations
en métayage, on en rencontre beaucoup qui utilisent les bas fonds des Niayes, l’irri-
gation se fait par capillarité naturelle, les rendements sont élevés mais la conservation est
difficile et les produits de mauvais goût, ce qui déprécie leur valeur commerciale.
Tableau 4 : Les prix à la production selon le mode de faire-valoir en FCFNKg
(moyenne des trois années d’enquête)
Spéculations
Métayage
Métayage
Salariat
lère variante
2ème variante
Carotte
50
50
65
Navet
40
45
55
Chou
65
65
70
Oignon
66
66
70
Pomme de terre
90
90
95
JaXatll
125
125
145
Patate douce
50
53
60
Piment
170
174
83
Tomate
60
60
65
Haricot
60
160
200
Gombo
200
200
230
Aubergine
35
40
50
Source
: auteur

9
PRODUCTIVITE
PHYSIQUE DU TRAVAIL ET MODE FAIRE-VALOIR
Dans le tableau 5, nous avons degagé en fonction du mode de faire-yaloir et par produit,
la productivitk physique du travail en tonnes/personne :
Tableau 5 : Productivité physique du travail selon le mode de faire-valoir
(en tonnes/personne)
Spéculations
Métayage
Métayage
Salariat
lère variante
2ème variante
carotte
z1
291
1966
Navet
157
1,43
1
Chou
2,33
2,33
2
Oignon
w9
2,32
2
Pomme de terre
199
1,72
195
Jaxatu
1,33
1,33
1
Patate douce
262
2,56
2,5
Piment
097
097
0.54
Tomate
2.5
2,78
2,08
HXiCOt
0,63
0,62
0,54
Gombo
O,M
056
095
Aubergine
25
2,5
22
Source : auteur
Deux constats majeurs peuvent être faits :
l
la productivité physique du travail est plus élevée en métayage qu’en salariat ;
l
pour un même mode de faire-valoir, la productivité physique du travail varie
en fonction des spéculations.
QUELLES EXPLICATIONS
RETENIR 7
Le fait que la productivité physique du travail soit plus élevée en métayage qu’en
salariat tient a la nature du sol de culture. En effet, « suivant la nature des sols, tourbeux
à hydromorphie
temporaire,
ou sols diors sableux des flancs dunaires,
l’arrosage
est
quasi-absent ou très important. L’arrosage tel qu’il est réalisé traditionnellement en sols
sableux est un poste de travail mkessitant des besoins importants en main d’œuvre. Il a
Cté estimé que le puisage, le transport et l’arrosage proprement dit représenteraient en
moyenne 60% du temps des actifs nécessaires a une culture » (3). Comme note dans ce
(3) Navez S. Q Situation-Organisation-Production
et perspectives des cultures maraîchères au
Sénégal )D, ISRA/FAO, 1983.

10
qui pr&Me, dans les exploitations en métayage la plupart utilisent les bas fonds des Niayes
et se passent des travaux d’irrigation. Elles ont donc besoin de moins de main d’œuvre.
En outre, comme elles ont un rendement plus tlevé (voir tableau 2 page 6), la productivité
physique du travail exprimée en tonnes/personne est nécessairement plus grande en
métayage qu’en salariat.
La variabilité de fa productivité physique du travail en fonction des spéculations
pour un même mode de faire-valoir, quant à elle, dépend du temps de travail nkces-
saire pour les differentes opérations culturales. Pour étayer ce propos, nous pouvons nous
appuyer sur les résultats d’essais meds en Station par le Centre pour le Développement
de 1’Horticulture pour l’oignon, la pomme de terre, le chou et la tomate. Ces résultats
sont les suivants :
POMME DE TERRE
a) Préparation du terrain
* Epandage des fumures, labour, nivellement, piquetages planches,
.
passages et lignes de plantation : 190 heures
b) Plantation
: 150 heures
c) Buttage
: 150 heures
d) Travaux d’entretien
: 150 heures
e) Travaux phytosanitaires
: 50 heures
f) RBcolte
: 670 heures
g) Nettoyage du terrain
: 110 heures
soit 1 470 heureslha
TOMATE
a) Préparation du terrain
: 170 heures
b) Plantation
: 170 heures
c) Travaux d’entretien
: 150 heures
d) Fumures minérales d’entretien
: 60 heures
e) Traitements phytosanitaires
: 110 heures
f) Rholte
: 590 heures
g) Nettoyage du terrain
: 130 heures
soit 1 380 heuredha

11
OIGNON
a) Préparation du terrain
: 350 heures
b) Plantation
: 630 heures
c) Travaux d’entretien
: 450 heures
d) Epandage fumure d’entretien
: 60 heures
e) Traitements phytosanitaires
: 50 heures
f) Nettoyage du terrain
: 110 heures
soit 1 650 heures/ha
CHOU
a) Préparation du terrain
: 225 heures
b) Plantation
: 175 heures
c) Travaux d’entretien
: 220 heures
d) Fumure d’entretien
: 60 heures
e) Traitements phytosanitaires
: 100 heures
f) Rkcolte
: 150 heures
g) Nettoyage du terrain
: 140 heures
soit 1 070 heures/ha
Ces différents résultats d’essais nous permettent de noter que pour les quatre spé-
culations considérés, le temps de travail nécessaire pour la conduite des travaux culturaux
est variable suivant le type de culture considért. 11 reste entendu que dans le secteur dit
traditionnel, ces chiffres ne sauraient être appliques du fait que le temps de travail n’est
pas gCr6 rationnellement.
TYPOLOGIE
DES PROPRIETAIRES
TERRIENS EN MJ3TAYAGE
En utilisant comme critère d’élaboration d’une typologie des propriétaires terriens en
metayage, l’importance de leur participation aux prises de décision, on peut distinguer :
* Les propriétaires
terriens
d’origine
paysanne
et initiés
aux travaux
culturaux
Dans ce cas, les propriétaires terriens participent aux prises de décision suivantes :
l
choix des cultures à mettre en place ;
l
choix des inputs ;
l
détermination de la date optimale de récolte ;
l
fixation des prix de vente a la production.

12
La conduite des travaux culturaux relbve des attributions du métayer mais celui-ci
fait l’objet de contrôles fréquents.
* Les propriétaires
terriens
non initiés
au-maraîchage
Ici, c’est le métayer qui expose la strategie a adopter pour rentabiliser l’opération de
production, le propriétaire terrien donne son accord ou recommande une culture donnée
compte tenu des possibilités qui s’offrent à lui pour trouver un acquéreur lorsque la pro-
duction arrive à maturité.
La participation du propriétaire terrien aux prises de décisions concerne généralement
le choix des cultures et les prix de vente à la production. D’autres élements nécessitant
une connaissance en maraîchage (planning des opérations culturales : désherbage, iden-
tification des ennemis des cultures et traitements à appliquer, date de récolte...) sont du
champ des prérogatives du métayer. La presence du proprietaire terrien est moins
fréquente que dans le premier cas.
Les propriétaires terriens du premier sous-ensemble sont beaucoup plus nombreux
(environ 80 %), leurs métayers sont, soit :
l
des membres de leur famille ;
l
des paysans sans terre ;
l
des paysans ayant immigre du bassin maraîcher en contre-saison des grandes
cultures (riz, mil, maïs...) ;
l
d’anciens salariés agricoles.
Par ailleurs, nos enquêtes ont permis d’identifier les moyens pour accéder à la pro-
priété foncière. Nous avons note les éléments suivants :
Tableau 6 : Moyens d’accès à la propriété fonciere
Moyens
Héritage
Don
Achat
Autres
Importance relative
53 %
6%
31 %
10 %
Source : auteur
* Héritage
: H s’agit de fils de propriétaires terriens
* Don : Nous avons classé dans cette rubrique les dons faits par des propriétaires
terriens à leurs fils, membres de la famille ou d’anciens métayers.
* Achat : Les terres vendues par des maraîchers à des fonctionnaires
commerçants
ou métayers.
* Autres : Les terres relevant du domaine national et mises en valeur.

13
Ce qu’il y a lieu de retenir c’est le fait que des métayers aient pu accéder a la propriéte
grâce a un don de leur ancien propri&aire terrien ou par achat. Le métayage permettrait
donc 3 des métayers de thésauriser en vue d’acc&ier à la propriCté. De tels métayers,
selon nos enquêtes non directives, optent pour le métayage ou pour un faire-valoir direct
pour l’exploitation des terres acquises. En outre, ils essaient, dans la mesure du possible,
de diversifier leur source de revenu en tenant un petit commerce en milieu rural (ciga-
rettes, the...) ou maintiennent leur statut de métayer en travaillant dans une autre ex-
ploitation.
CONCLUSION
Le métayage apparaît dans le contexte actuel du maraîchage sennégalais comme une
@onse face à la situation particulière que connaissent certains ruraux : détention de
terres et insuffisance de trésorerie pour satisfaire les besoins de l’exploitation, tout au
moins en ce qui concerne les dépenses de main d’oeuvre. Il présente des avantages qui
méritent d’être soulignes :
l
il permet l’exploitation de certaines terres qui ne le seraient pas s’il n’existait
que des rapports de type capitaliste dans le secteur maraîcher sénégalais ;
l
il offre des rendements plus élevés et une productivité physique du travail
plus importants que dans les exploitations en situation de salariat ;
l
il est un moyen d’accès a la propriété fonciere pour certains agriculteurs.
Son inconvénient majeur est la faiblesse de la rémunération du capital qui autorise-
rait difficilement
la matérialisation de certains investissements permettant de lutter
contre la pénibilité du travail dans les exploitations maraîchères dites traditionnelles.
Sa disparition n’est pas aussi -évidente qu’on le prédit, il faudrait :
l
d’une part que les propriétairèsterriens soient en mesure de faire des investis-
sements en vue d’une meilleure maîtrise de l’eau ou qu’on revienne à une plu-
viométrie normale ;
l
d’autre part, que les propriétaires terriens puissent faire des avances de trkso-
rerie pour la rémunération de la main d’œuvre et qu’ils puissent acquérir des
inputs de qualite sans que cela n’entrave la bonne marche de l’exploitation.
Nous sommes tentés d’être plus affirmatif car le métayage n’existe pratiquement pas
dans les exploitations caractérisées par une trésorerie suffisante et par une maîtrise de
l’eau.
REMERCIEMENTS
L’auteur remercie Mr J. F. SOUFFLET, Enseignant d I’Ecole Nationale Supérieure
des Sciences Agronomiques de Dijon, qui a bien voulu commenter la première version
de ce document.

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BIBLIOGRAPHIE
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Tome 2. Analyses des débarquements dans les marchés de gros, détermination
des zones d’approvisionnement
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