GATld)h’ ET IWTENSIFICATION: QIJELQUES REFLEXIONS...
GATld)h’ ET IWTENSIFICATION: QIJELQUES REFLEXIONS ET IN+Il3RRt’GATIO)piS
Pierre-Yves LE GAL
Agronome CIRAD-SAR
ISRA, BP 240, Saint-Louis, SénégaX
Communication présentée à la Journée “Pkrimhres Irriguh”
organisée par le CIRAD-SAR - 3 Septembre 1992 - Montpellier

1
Il’intensification peut titre définie au plan stratégique comme la recherche d’une
amélioration durable de la productivite des systèmes de production à travers la valorisation
des ressources dont disposent les ag:riculteurs (capital, terre, eau et travail)‘. Elle e,st
ctroitement liée à l’irrigation dans l’esprit des initiateurs et concepteurs des proje,ts
d’aménagements hydr+agricoles. Cette position constitue la base de calcul de leur rentabilité
konomique: elle se justifie par le coût élevé des investissements consentis, et par là-même des
charge:; fixes, et par les marges de progrès agronomiques que permet la levée de la contraime
hydrique. Concrètement l’intensification peut se traduire par trois objectifs complémentairesr
t’augmcntation et la regularitt des rendements, l’accroissement du taux d’occupation des sols
2 travek la double, voire la triple culture annuelle, l’amélioration de la qualité des
productions.
De nombreux auteurs ont souligné l’échec économique des grands projets d’irrigation
ii travers l’Afrique sub-saharienne (Arditi, 1986; Blanc-Pamard, 1986; Moris, 1987; Aviron-
Violet et al., 1991.). Rappelons ici quelques-uns des motifs évoqués:
- coût élevt! des infrastructures;
I gestion bureaucratique des filières par des organismes para-publics et faible
participation des utilisateurs;
. . conception teehniciste, productiviste et réductrice de ces projets, ne tenant pas compte
de la diversité des systèmes de production existants;
= nombreux dysfonctionnements des différents cléments amont et aval des filières:
crédit, approvisionnement en intrants, commercialisation et transformation des produits.
Ces constats ont favorise l’émergence durant les armées quatre-vingt de petits
;,menagements en gestion paysanne (Adams & Carter, 1987; Adams, 1990). Dans la moyenne
vallee du fleuve Senégal la floraison des périmetres irrigués villageois a été considérée comme
une réussite par certains (Diemer & Van der Laan, 1987) mais des études plus récentes
montrent leur fragilité technique et économique (Niasse, 1991).
La participation des agriculteurs et du secteur privé dans le fonctionnement des filières
agricoles prend actuellement un nouvel Clan avec le désengagement progressif des Etats. Cette
évolution est fondamentale dans le secteur irrigué moderne, fortement monétarlsé et jusqu’ici
tres encadré. Elle conduit à une multiplication des acteurs responsables et accroit la
complexite des processus de décision. Dans ce contexte la problématique de l’intensification
prend 1.m tour nouveau: quels modes de gestion, quelles relations entre opérateurs, vont
4merger et pour queIs rkultats? Quels savoirs nouveaux seront nkessaires aux acteurs et
comment vont-ils les acqukir?

Les quelques réflexions et interrogations présentées ici sont tirées de recherches menees
dans le Delta du fleuve Sénégal depuis 1987, année où s’est amorcé le désengagement de la
SAED (SociétE nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du delta du Sénégai et
des vallees du fleuve Sénégal et de la Falémé). Organisme para-public chargé du
developpement du secteur irrigué dans la vallée, la SAED couvrait jusqu’alors des fonctions
diverses: aménagement, credit, approvisionnement, prestations mécanisées, gestion de Yeau,
commercialisation et transformation.
r La. définition économique de l’intensification est basée sur l’évaluation des quantités de
facteurs ramenées à l’hectare (capital, travail) ou à l’actif agricole (capital, terre).

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Le Delta est une région intéressante à plusieurs titres2: (1) l’irrigation y est
d’introduction récente (35 ans); (2) la ~riziculture irriguée mécanisée forme une composante
majeure des systèmes de production; (3) la densité démographique y est faible et les droits
fonciers, traditionnels peu marqués; (4) le désengagement de l’Etat y a. été rapide pour les
fonctions crédit3, approvisionnement et mécanisation, plus récente pour la gestion de l’eau sur
les amenagements réhabilités (1990) et prévue en 1993 pour la transformation; (5)
l’accroissement du nombre d’organisations paysannes a été spectaculaire, passant de 52
Groupements d’Interêt Economique4 (GIE) en 1985 à 1165 en 1989. La problématique de
i’intensification peut s’y analyser à travers deux phénomènes récents et de nature opposée: le
développement de l’irrigation privée, d”ordre stratégique, d’une part, la conduite de la double
riziculture annuelle de l’autre.
! I 1Jne strat6gie extensive: le dheloppement de l’irrigation privt?e’
Depuis quelques années I’irrigat.ion privée apparait comme un moyen de relancer te
developpement des aménagements hydro-agricoles en Afrique sub-saharienne (Le Moigne &
Rarghouti, 1990). De 1987 à 1991, 517 périmètres de 10 à 100 ha, soit au total 16000 ha, ont
eté amenages dans le Delta par des GIE, sans que 1’Etat ne participe A leur financement ou
leur mise en valeur (
a & Havard, 1992). Cette superficie est à mettre en regard avec les
11000 ha aménagés par la SAED de 1972 à 1985, en compkte maîtrise de l’eau. Ce
mouvement a concerné à la fois des groupes d’agriculteurs autochtones et diverses catégories
sociales: jeunes diplômés, anciens fonctionnaires, commerçants, etc..
Le financement de cette dynamique a été assuré en majeure partie par la CNCAS, les
producteurs devant theoriquement fournir 15% des coûts d’équipement et de fonctionnement.
a ‘banque a. ainsi vu ses encours croitre considérablement (tableau 1). Le pa.rc de moto-
pompes est passé parallèlement de 320 en 1985 <i 1200 en 1991 pour l’ensemble de la VallCe
(Havard, 1990).
Cette évolution a bénéficié de la conjonction de plusieurs facteurs favorables:
l’existence de reserves foncières non ou peu revendiquées, gérées par des structures
eontrôlkes par des représentants des agriculteurs, les Communautes Rurales, et facilement
irrigables le long des cours d’eau;
des ressources en eau permanentes grace à la mise en fonction de deux barrages sur
le fleuve;
la mobilisation par la CNCAS des fonds nécessaires pour aménager, équiper et mettre
---
2 pour plus d’informations, voir: DEVEZE, 1992; LE GAL, 1992a, LE GAL & DIA, 199 1..
3 reprise par une banque semi-privée, la CNCAS (Caisse Nationale de Credit Agricole du
Sénégal).
’ Les GIE constituent une forme souple d’organisation, juridiquement reconnue et comme
telle ayant accès au crédit agricole.
’ Les données présentées dans iette partie sont tirées d’un suivi technico-économique de
6 CIE en 1990 et 1995. Pour plus de détails se reporter à: LE GAL, 1992b,

3
en valeur ces superficies;
- le développement de la motorisation lourde (tracteurs et moissonneuses-batteuses) au
sein d’un itineraire technique substituant largement le capital au travail (semis direct,
fertilisation minérale, désherbage chimique).
A travers cette dynamique ,les agriculteurs ont poursuivi d’abord une Strat@e
‘occupation de l’espace visant à prévenir l’installation de néo-ruraux, voire de firmes agro-
industrielles dans la région. Cette stratégie leur a également permis de rbpartir les risques
&onomYques entre plusieurs aménagements, les participations sur un ou plusieurs perimetres
prives venant s’ajouter aux parcelles possédées par les exploitations agricoles sur les
aménagements SAED.
Mais les résultats de ces aménagements apparaissent médiocres et nettement inférieurs
rt ceux obtenus sur les grands aménagements réhabilités (tableau 2). Parallèlement la CNCAS
accuse un montant d’impayés de 4 milliards Fcfa sur 10 milliards prêtés en quatre ans. Bien
qu’aucune statistique précise ne soit disponible nous avons émis l’hypothese d’une relation
entre cette situation et les mauvaises performances de l’irrigat.ion privée (Bélieres & al., 1991).
Celles-ci s’explhquent par une série de facteurs technico-économiques soulignant les
limites de cet,te dynamique, En premier lieu les agriculteurs, dépourvus des fonds propres
nécessaires et en l’absence de prêts à long terme, ont opté pour des aménagements sommaires
peu couteux (de 25000 à SO000 Fcfa/ha non compris l’achat de la moto-pompe). Ces
amenagements, dCpourvus d’un réseau de drainage et non planés, n’offrent qu’une maîtrise trés
partielle de l’eau, Les consequences en sont multiples: mauvaise gestion de la sahnité des sols,
répartition hétérogène de l’eau dans I’amenagement et les parcelles, développement des
mauvaises herbes sur les parties hautes.
Les contraintes d’organisation du travail dues à la taille des attributions foncières, de
l’ordre de 5 à 6 ha par adhérent pour les 6 GIE étudiés, concourent également au
développement incontrôlé des adventices La conduite des semis, des désherbages, et de la
lutte anti-aviaire est en effet délicate sur de telles surfaces, a fortiori lorsque les paysans
doivent répartir leur temps entre plusieurs aménagements. Une deuxième conséquence se
dégage de cette situation: l’étalement du calendrier cultural avec l’apparition d’une campa.gne
dite “d’inter-saison”, intermédiaire entre les deux périodes optimales de riziculture (contre-
saison chaude et hivernage).
Ces Cvolutions reflétent le caractère extensif de cette dynamique et présentent un réel
danger de dégradation du milieu naturel, que ce soit en accélérant les processus de salinisation
des sols ou en favorisant la dissémination des mauvaises herbes. Cependant Iles charges liées
A l’irrigation privde sont elevées car loutre les intrants s’ajoutent aux coûts de l’eau (en
moyenne 100000 FcfaJha) la location de matériels (récolte: 62000 Fcfa/ha - préparation du
sol: 16000 Fcfa/ha) et les frais financiers (27000 Fcfa/ha). Ces charges dépassent même ce:%les
observées sur les grands aménagements où, il est vrai, l’amortissement des investissements n?e:;t
pour l’instant pas supporté par les agriculteurs. Cette situation originale, associant strategie
extensive et forte mobilisation de capita.l, conduit à des coûts de production proches du cou:s
a.ctuel du paddy (85 Fcfa/kg).
ans le nouveau contexte de diisengagement de I’Etat les agriculteurs du Delta ont
profité des ressources mises à leur disposition pour développer leurs stratégies d’occupation
des terres et d’augmentation de leurs revenus à travers une approche extensive de Yirrigatlon,

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11s se sont alors heurtés à des contraintes techniques, économiques et écologiques dépassaut
leurs propres capacités de gestion et mettant en péril l’équilibre des filieres irriguées. Le
“‘modèle” mis en place trouve aujourd’hui ses limites avec le déficit de la CNC.AS, conséquence
des déficits cumules de certains GIE, et la dégradation du milieu naturel.
Pour autant la responsabilité de cette situation ne peut leur être entièrement attribuee:
1’Etat n’a joue qu’un rAle tres minime,da.ns la gestion régionale des terres et de l’eau, alors qkte
la SAED s’est peu investie dans l’appui-conseil auprès de ces initiatives éloignées de ses cadres
habituels d’intervention, La CNCAS, en acceptant rapidement de financer de nombreuses
demandës, sans en Ctudier la rentabilité, a pris des risques élevés d’autant que les garanties
présentées par les GIE etaient pratiquement nulles.
Dans les conditions naturelles du Delta, où le pompage est une nécessite et la salinité
in problème permanent, l’irrigation de surface. ne peut se pratiquer sans maîtrise totale de
l’eau. Celle-ci a un coQt dont la rentabilisation passe par une intensification des systèmes
production, independamment des modes’ de gestion et d’organisation choisis. Mais comme nous
allons le voir à travers, l’exemple de la double culture annuelle sur les grands aménagements
rehabihtés, celle-ci pose justement de nombreux problèmes de gestion et d’organisation.
2. L’intensification: un processus complexe6
Dès lors que des ressources Per:manentes en eau sont disponibles, la double culture
devient possible. Vu sous l’angle des amenagistes et economistes elle permet
charges fixes à l’hectare cultivé et d’ameliorer ainsi la rentabilité des aménagements. Dans la
vallee du fleuve Sénégal cette possibilité; a Cte développée depuis de nombreuses années, avec
des succtss divers (Jamin, 1986). Les problèmes identifiés relevaient sur un plan t.echnique de
la gestion du calendrier cultural, sur urr plan économique de la concurrence entre plusieurs
activités au sein des exploitations agricoles.
Dans le Delta la double culture est envisageable depuis 1985 avec la mise en fonction
du barrage de Diama, qui bloque la remontée de la langue salee en saison sèche. Ia
succession la plus fréquente, riz de saison sèche chaude - riz d’hivernage, couvre depuis 1988
entre 500 et 2000 ha, principalement sur les aménagements en totale maîtrise de l’eau
réhabilités par la SAED et passés depuis lors en gestion paysanne. Au delà des potentialités
techniques qu’offrent ces périmètres, cette relation s’explique par la “pression morale’” que la
S&D et les bailleurs de fonds exercent ‘auprès des organisations paysannes responsables dans
un souçi de rentabilisation des investissements effectués.
Le problème du calendrier cultural se pose en termes simples: il s’agit de réaliser la
récolte du riz de saison sèche chaude puis l’installation du riz d’hivernage dans un intervalle
de un à deux mois (mi-juin a. mi août), alors que les pluies menacent. Ce probleme rela3ve
globalement de l’organisation du travail, ensemble des choix effectués dans la nature ct
Yenchainement des opérations (Papy & al., 1990). Concrètement cette organisation $‘aCalt
intervenir dans le Delta:
fi Les travaux présentés ici font partie d’une recherche doctorale portant sur l’analyse des
processus collectifs de décision et l’organisation du travail en double riziculture irriguée. Elle
concerne deux aménagements réhabilités cultivant en 1992 pour l’un 200 ha en double
riziculture (village de Diawar), pour l’autre 300 ha (villages de Thiagar et Ndiethene).

- des acteurs dkidant et agissant individuellement ou collectivement. 1,“organisation
collective est en partie régie par la structure physique de l’aménagement, l’individu se trouvarit
pris dans un faisceau d’interactions sociales dont il doit généralement tenir compte pour
élaborerses choix. On retrouve dans ce jeu des acteurs des probRmes rencontrés dans les
organisations administratives et industrielles (Crozier & Friedberg, 1977; Cour
- des equipements, tracteurs et,moissonneuses-batteuses, possédés par les organisations
paysannes ou le plus souvent par des prestataires extérieurs, dont les Strat@es et les modes
de gestion peuvent différer des leurs.
, L.
. un espace, l’aménagement, avec ses contraintes hydrauliques, édaphiques et physiques.
I cs réhabilitations ne remettant pas en cause la conception initiale des périmètres l’adaptation
des infrastructures auy modes actuels de mise en valeur (double culture et mécanisation
notamment) est très variable.
- du temps dont disposent les agriculteurs pour réaliser les opérations avant une
certaine date au delà de laquelle les semis d’hivernage deviennent hasardeux (risque de
stérilité). Les agriculteurs fiient eux-même cette date buttoir, variable selon les varietes
cultivées et les individus. Au temps peut être associé le climat, pluies et températures qui
influenceront l’humidité des sols en cours de dessèchement et la longueur des cycles cu1tura.r~.
,. un environnement socio-konomique composé des entrepreneurs agricoles, du crédit
agricole,, indispensable vu les coûts de la riziculture irriguée dans ces conditions, des
fournisseurs d’intrants, et des structures de transformation, aujourd’hui la. SAED, demain des
riziers privés ou paysans.
Ces différents elements interfknt à des degrés divers dans le bon déroulement des
opdrations. Problème 3. l’origine essentiellement technique, l’organisation du travail bute ainsi
sur des contraintes d’ordre biophysique, technique, économique et social. Nous a?lons illustrer
cette situation complexe par l’exemple de la récolte mécanisée, opération an coeur du goulot
d’étranglement identifié.
Les acteurs en présence sont organisés selon quatre niveaux emboités: les parcelles,
@rées par des paysans individuels; les mailles hydrauliques, gérées par les GIE: les villages,
regroupant tous les GIE qui en sont originaires; l’Union des GIE regroupant tous les
groupements dépendants d’une même station de pompage et d’exhaure. Cette Union regroupr:
des villages différents.
Chaque niveau joue un role particulier dans l’organisation des récoltes, S”y ajoutent les
propriétaires des moissonneuses-battenses, qui interviennent dans les prises de deeision car ils
contrôlent la gestion de leur matériel, directement ou par divers intermédiaires: chauffeurs,
mécaniciens, “pointeurT7. C’est ainsi qu”à Diawar 85 personnes sont impliquées
en double culture et 5 moissonneuses-batteuses.
L’organisation des récoltes est coordonnée au niveau village et GIE par les présidents
des groupements Ses performances dépendent de trois composantes: la date de demarrage des
chantiers, le nombre de machines disponibles et les performances quotidiennes des machines.
--
J
7 les pointeurs sont chargés de relever les quantités récoltees par paysan, dont 15% seront
prélevées pour rémunération de la prestation.

6
R risque pluviométrique doit être également pris en compte, en relation. avec l’état hydrique
du sol et le type d’équipement choisi.
Chaque composante fait intervenir des acteurs différents dont les decisions à un
moment donné tiennent compte ou non des relations de dépendance entre les différents
cléments du système. Ainsi les performances des machines varient largement chaque jour et
d’une machine à l’autre: (figure 1). Ces clifférences s’expliquent par leur $ge et leurs modes de
crestion (fréquence des pannes et déplacements improductifs en cours de journée), et par l’état
Ç3
des parcelles recoltees.
Les pannes dépendent du nombre total d’heures travaillées par la machine et de la
qualité de son entretien, sous la responsabil.ité des gestionnaires et mécaniciens. Cette
opération suppose une certaine programmation technique (stock de pièces détachées) et
economique (disposer de la trésorerie necessaire pour les achats imprévus). Ces fonctions étant
mal remplies il est frequent de trouver des machines indisponibles au démarrage des récoltes
ou immobilisées plusieurs jours en plein chantier. Le nombre de machines en opération chaque
iour est ainsi tres variable (figure 2). Les agriculteurs ne disposant d’aucune garantie quant à
-la fiabil:ite de ces équipements il leur est difficile d’asseoir leur programmation sur des données
stIres pour l’ensemble de la récolte.
Eux-mêmes ont leur part de responsabilité dans Iles problemes rencontrés. Les
moissonneuses-batteuses demandent pour être performantes de grandes parcelles homogènes.
fa taille et la forme des parcelles sont des variables fixées à la conception de l’aménagement
sut lescruelles les paysans ont peu prise. Par contre ils contrôlent, à travers les relations miheu-
peuplement vegétal-pratiques culturales, I?ntensité de la verse et des adventices qui freinent
r’avancement des machines, et l’evolution du couple portante du sol-maturite du paddy dont
depend le déclenchement de la récolte. Ce couple est très variable un jour donne sur un
aménagement pour trois raisons:
- l’étalement des semis, lui-mêm’e dépendant de la durée de la mise en eau (environs
trois semaines sur 200 ha).
le choix vari&al: si la plupart des paysans adoptent la même variété de cycle court,
certains lui préférent des vari.étés de cycle moyen arrivant à maturité 20 à 30 jours plus tard
cn saison chaude, alors que la probabilité de rencontrer une pluie augmente.
I le drainage des parcelles avant récolte qui permet de contrôler l’humidité du sol aux
pluies pres. Les regles et indicateurs déclenchant cette décision varient d’un individu à l’autre,
la tendance etant, cependant a repousser les drainages afin de “récupérer” la plupart des
panicules tardives.
s parcelles Ctant pour certaines mal planées ou influencées par des nappes peu
profondes, il en resulte des risques d’embourbement des machines, dommageables à letus
performances globales et ponctuelles.
Cette rapide description des inter-relations entre milieu biophysique, performances des
chantiers et decisions des acteurs, illustre la complexité de réalisation pratique de la double
culture Cette complexité relève d’une double origine: la multiplicité des intervenants, que ce
soit aux niveaux individuels ou collectifs, et leur faible maîtrise des difftkents ClCments du
système de production, La multipli& des intervenants est un phénomène incontournable du
fait de la conception des aménagements et de la taille des exploitations. Structurellement

7
dépendants, les différents acteurs doivent prendre leurs décisions dans un. contexte de
négociations permanentes, dont les règles ne sont pas figées mais kvoluent avec- l’expérience
accumulée chaque campagne. Cependant le fait que les acteurs aient des activités et des
ressources extérieures à l’organisation leur permet de développer des stratégies propres dont
la mise en oeuvre peut aller à l’encontre de l’objectif collectif.
Cette situation serait déjà complexe à gérer si chaque individu maîtrisait son domaine
d’intervention. Tout montre qu’il n’en est rien: les paysans patiennent difficilement à obtenir
des parcelles homogCnes, les prestataires ne peuvent garantir le bon fonctionnement de leurs
machin&, les retards dans la commercialisation du paddy ne permettent pas un refinancem.ent
rapide des activités. Dans ces conditions d’incertitude globale qui s’ajoute au risque
pluviométrique les agriculteurs se trouvent dans l’incapacité! de programmer précisément leurs
chantiers et prennent leurs décisions sur la base d’ajustements successifs, fonction des
problèmes et opportunit6s rencontrées’. La réussite de la double culture, et plus généralem.ent
de systèmes intensifs, demeurent dans un tel contexte aléatoire.
3. Conclusion
Ces deux exemples soulignent que la relation entre irrigation et intensification
n’apparait pas de façon évidente pour les opérateurs aujourd’hui impliqués dans le secteur
irrigu& Les contradictions souvent soulignées par le passé entre logique d’Etat et logique
paysanne tendent à perdurer avec deux changements majeurs: 1’Etat ne contrijle plus
directement certains leviers à même d’inciter les paysans à l’intensification (crkdit et bieratot
transformation), ces derniers et le secteur privé se trouvent placer devant leurs responsabilités.
La complexité de I’intensificationL dans le secteur irrigué tient aux interactions entre de
nombreux facteurs et acteurs et aux incidences multiples d’une défaillance ponctuelle. La
nkessaire maîtrise de ces Cléments concerne aussi bien 1’Eta.t à travers sa politique agrkole
globale (incita.tions économiques, législation, recherche, gestion régionale des ressources), les
npkateurs privés chargés de l’amont et de l’aval des filières, et les paysans dont les
comportements stratégiques et tactiques finaliseront ou non la réussite de l’ensemble.
.a situation présente ouvre pour la Recherche des voies intéressantes. Un objectif
majeur serait d’aider les agriculteurs et leur environnnement socio-économique à mieux
maîtriser des domaines aussi divers que la conduite des cultures, la gestion de l’eau,
l’organisation du travail et la mtkanisation, la gestion économique et sociale des organisations,
la, gestion de l’espace. Une place privilégiée devrait être faite à la conception de systèmes
d’irrigation
intégrant divers objectifs, dont la conjonction est d’ailleurs loin d’être évidente:
compression des coûts d’investissements et de fonctionnement, maîtrise de l’eau, adaptat.ion
& des niveaux variables de mécanisation, possibilités de diversification des cultures, réduction
de la dépendance des acteurs.
Ces travaux devraient déboucher sur l’élaboration d’outils d’aide 2 la décision à même
de stimuler la réflexion des agriculteurs sur leur propre situation % travers un processus
d’apprentissage (Attonaty & Saler, op.ct.) et de simuler les effets de nouvelles technologies 011
’ Ce résultat ne sera pas développei ici bien qu’il soit important aux plans théorique: et
pratique. Ces comportements de niveau essentiellement tactique rejoindraient ceux des
agricukeurs français qui. au plan cette fois stratégique, doivent apprendre ü gérer dams
l’incertain (Attonaty & Soler, 1991).

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de modes différents d’organisation (Attonaty & al., 1990). Durant leur phase d’élaboration, de
ti:ls outils permettent d’associer autour d’une problématique commune les disciplines relevant
des sciences biophysiques et des science.s humaines.
Ils donnent également un tour nouveau à la fonction de conseil en privilégiant 1~1.
confrontation des connaissances et représentations des décideurs et intervenants extérieurs,
plutôt que la fourniture de solutions plus ou moins standardisées. Suite à. nos travaux actuels
s’appuyant sur un logiciel conçu par I’INRA-ESR et -SAD - Grignon concernant l’organisation
du travail dans les exploitations agriooles de grande culture (OTELO), ces outils nous
paraisse& tout à fait adaptes dans leur principe à la complexit6 des situations rencontrées par
les a.grit:ult:eurs dans la gestion des aménagements hydro-agricoles. Ils demanderont néamo’ins
des adaptations du fait de la spkificité des processus de décision observés: confrontation entre
décisions individuelles et collectives notamment, et phase d’élaboration de modéles d’a,ction
plutôt que mise en oeuvre de modèles stabilisésg.
Au delà des probkmes évoqués jusqu’ici, l’intensification des systemes irriguCs pos&de
une dimension culturelle centrke sur la notion de profit économique à travers la valorisation
des facteurs de production investis. Il en découle des valeurs et représentations spCcifiques en
terme de gestion du temps, du capital et de l’espace. Dans quelle mesure les sociétés loca.les
désirent-elles ou peuvent-elles adapter leurs cultures à ce mode de production exogéne?
Certains auteurs ont mont.r6 les relations existant dans l’industrie entre pratiques de gestion
et traditions nationales (d’Iribame, 1989). Il serait intéressant de développer une analyse
similaire des processus d’adaptations croisées entre cultures traditionnelles et irrigation
moderne afin notamment de mieux cerner la réalité de la demande des sociétés locales en la
mati&re, De cette réalité dCpend en effe:t l’interêt des recherches qui seront menées dans l.es
domaines techniques et économiques, et plus globalement la nature des systémes irrigutSs qui
pourront être développés.
Ces réflexions ne portent que sur une petite région d’Afrique de l’Ou.est, qui plus est
originale. ‘Des analyses comparées avec d’autres parties du continent mais également de<;
périm&tres modernes en Asie et Amérique Latine permettraient d’élargir notre perspective
dans un objectif d’enrichissements scientifique et technique. Le développement des recherches
sur les systémes de production irrigués au CIRAD pourrait aller en ce sens
d
--
’ pour une présentation du concept de modèle d’action, voir Sébillotte & Mer, 1990.

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11
Tableau 1
Evolution des prêts aIlou& par la CNCAS et de leur taux de remboursement
an ler Avril 1992
, *.
* campagne d’hivernage seulement
Source: CNCAS
Tableau 2
Comparaison des rkultats obtenus sur les aménagements privés
et les grands amhagements par les mêmes agriculteurs
‘-
Rendemen
T/ha
-grand aménagement
596
ta*)
<-
(*) moyenne sur 6 GIE et deux années (1990 et 1991)
Source: Le Gal, 1992b
(* *) moyenne sur 12 parcelles et une année (1991)

Figure 1
NOMBRE DE MOISS-BATT PAR JOUR CALENDAIRE
Dlawar - Hivernage 1991
0
1
2
3
4
nombre mOl~OnneUSeS-batteUSe8
Figure 2
Performances journali&es par moissonneuse-batteuse
Diawar - Hivernage 1991
Moissonneuse-Batteuse no 1
Moissonneuse-Batteuse no 2
ip---
-
1
6-
5
4-
4
3-
3
l
2-
2
l-
1
~-VT-r-
1
/g.$--~-~~a”vier’5
2o 3