INSTITUT SÉNÉGALAIS de RECHERCHES ...
INSTITUT SÉNÉGALAIS
de
RECHERCHES
AGRICOLES
C A H I E R S D ’ I N F O R M A T I O N
. i
~APPROCHE pAmmm~~
de l’Institut sénégalais
de recherches agricoles

Du paysan pilote
au paysan partenaire
de la recherche
Désiré Yandé SARR
ISSN 0850-8798
Vol. 9 N” 2

MA
Institut S&&galais de Recherches Agricoles
Route des Hydrocarbures
BP 3120
Dakar, SAnégal
8 322428132243Ol322431
Télex 61117 SG
TLC (221) 22 34 13
Document réalisé par
la Direction des recherches sur les systbqes et cultures pluviaux
Secteur Centre-Sud
BP 199
Kaolack
D6siré Yand6 Sarr, Sociologue
Chercheur à I’ISRA
en poste au secteur Centre-Sud
Kaolack
0 tSRA 1995
Conception et réalisation : kRA/bUVAL

L’approche paysanne
de l’Institut sénégalais
de recherches agricoles
Du paysan pilote
au paysan partenaire
de la recherche

ISRA - CAHIERS D’INFORMATION - Vol. 9
N” 2
1995
L’approche paysanne
de l’Institut sénégalais
de recherches agricoles
Du paysan pilote
au paysan partenaire de la recherche
Desire Yande Sarr
Chercheur à 1’1%~
Secteur Centre-Sud
Résumé
Cette note informe sur l’évolution de la place occupée par le producteur
dans la démarche de l’Institut sénégalais de recherches agricoles.
D’un statut de client pour lequel ii fallait innover, créer, I’ISRA a
progressivement considéré le producteur comme quelqu’un auprès duquel
on pouvait non seulement collecter des informations mais quelqu’un
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avec lequel devraient être raisonner les problèmes et rechercher
les solutions
possibles. Ce partenariat qui naît avec l’expérience des Unités expérimentales
s’est beaucoup développé. II est aujourd’hui considéré comme le garant
pour une recherche en adéquation avec les contraintes et besoins
des producteurs. Enfin, cela pourra faciliter le transfert des innovations.
Mots Cl& : ClieWpartenaire,
Transfert des résultats,
Recherches analytiques complémentaires, Liaison
recherche/développement,
Adéquation, Participation.
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Introduction
La recherche agronomique menée depuis plus de cinquante ans sur l’ensemble
du territoire national dispose, à n’en pas douter, de nombreuses et importantes
données scientifiques. Malgré tout, l’évaluation de cette recherche, dans cer-
tains milieux, n’est pas très élogieuse. Cela se comprend car I’e!ficacité de la
recherche se mesure par l’impact produit sur le développement des popu-
lations et, dans le cas spécifique, le transfert et la diffusion et donc I’appli-
cation des recommandations de la recherche. Deux raisons essentielles
sont avancées pour expliquer le bas niveau d’application :
-la liaison recherche-développement n’a jamais été réelle au point d’assurer
un niveau élevé de transfert et de vulgarisation des résultats obtenus ;
-les résultats et recommandations sont insuffisamment adaptés aux condi-
tions réelles des producteurs.
Confronté à un tel constat, I’IsRA, de plus en plus .s’engage, en .:oIIaboration
avec les divers intervenants dans le milieu de production, à une nouvelle
approche. Celle-ci se caractérise par les efforts consentis Visa*it à élaborer
une approche cohérente de développement, basée sur une intégration
effective :
- des producteurs individuels effou à travers leurs organisations ;
- des organismes qui leur apportent appui notamment les Organisations
non gouvernementales (ONG) et les Sociétés régionales de développement
rural (SRDR).
A travers cette approche, la recherche fait montre de son attachement à des-
cendre au niveau de ses utilisateurs et à être appropriée par ceux-ci.
Finalement, la démarche intégrative à laquelle accède I’ISRA est I’abou-
tissement des efforts de réflexion visant à trouver les meilleurs systèmes :
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- de pertinence de recherche (adéquation avec les problèmes reels de
développement et les conditions de production des producteurs) ;
- de transfert des résultats obtenus.
Cette note constitue une tentative de présentation de l’évolution de I’ap-
proche paysanne au sein de I~RA.
Approche paysanne de la recherche au Sénégal
L’analyse de l’évolution de l’approche paysanne de la recherche fait observer
trois périodes caractérisées par des changements notoires aussi bien dans
l’esprit d’intervention que dans la place laissée aux producteurs et aux
différents intervenants leur apportant un appui. II s’agit de : la période avant
la mise en place des Unités expérimentales en 1968, la période des Unités
expérimentales qui s’étend de 1969 à 1980 et la situation actuelle. Au cours
de ces périodes, un processus de reflexion visant une meilleure définition
des modalités d’implication et d’intégration des producteurs a été engagé.
Approche paysanne avant les Unités expérimentales
La première période se caractérise par une hiérarchisation verticale
<<Top-downb,,
l’information circulant du <(possesseur)> de la technologie et du
<<savoir,,, le chercheur, vers celui à qui cette technologie était destinée : le
producteur. Non seulement le producteur n’intervenait que dans la phase
d’application mais les conditions socio-économiques de sa production étaient
totalement ignorées. L’intervention de la recherche se faisait à travers les
<(paysans pilotes’, qui étaient encadrés par les Sociétés régionales de
développement rural. Cette démarche a entraîné un faible niveau d’application
des innovations proposées auquel la recherche a cherché à remédier en
créant des points d’essais en milieu réel.
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Malgré tout, la mise en place de Points d’appui de prévulgarisation et
d’expérimentation multilocale (PAPEM) en 1963 à travers les différentes zones
écologiques, bien qu’ayant permis l’introduction d’Actions régionales de
développement intégré (ARDI), n’a pas entraînk une élevation très importante
du niveau d’application des technologies. Elle n’a pas abouti non plus à un
changement radical de la perception de la recherche vis-à-vis des producteurs :
celle du caractère exclusif de possession du savoir par les scientistes. Elle a
contribué cependant à convaincre la recherche de la nécessité de tenir
compte des conditions agro-socio-économiques du milieu de production,
idée forte des Unités expérimentales.
Approche paysanne de la recherche
au moment des Unités expérimentales

Les Unités expérimentales (UE) créées en 1968 se caractérisent par un double
aspect méthodologique. Sur le plan du développement, les
UE se trouvaient en
interphase entre les « unités pilotes >> et les « Unités de développement », qui
étaient à des niveaux d’échelle différents, des entités géographiques pour la
diffusion des innovations(‘). Au plan interne de la démarche de
‘a recherche,
les Unités expérimentales, dans leur première phase, ont marqué une
continuité de la démarche traditionnelle, celle qui consiste à détinir, élaborer
et à descendre des <<paquets technologiques a> de façon directive aux pro-
ducteurs jles dix commandements de l’amélioration foncière).
Dans cette première phase, les producteurs ont été approchés comme
source dz collecte de données (carrés suivis) et d’identification des conditions
agro-socio-économiques. Des changements importants dans l’approche pay-
U) Le schéma conçu pour favoriser une démarche recherche-développement n’a pas
été appliqué rkellement.
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sanne de la recherche interviennent cependant avec les UE. En effet, sans
perdre de vue l’objectif de mise en place de test d’innovations techniques, les
UE ont ouvert la voie à une nouvelle approche du milieu
conjugant, à la fois,
l’animation de groupe et la vulgarisation. Cela s’est manifesté par l’intérêt
porté par les chercheurs intervenants à une approche de groupe matéria-
lisée par la mise en place de groupements de producteurs avec f)our base
la cooperative dont il fallait améliorer la gestion.
II s’agissait (Faye, 1977) dans le cadre de l’option cooperative, de regrouper
et d’organiser les paysans pour la commercialisation des produits agricoles
et l’approvisionnement en facteurs de production par le biais de coopé-
ratives autcgérées. Au-delà, les UE ont enrichi la composition des groupes
cibles en s’intéressant à des catégories de producteurs jusque-là
négligées : 16s jeunes et les femmes.
Le processus df; réflexion méthodologique conduit dans la dernière phase des
UE, a introduit une reconsidération de la démarche traditionnelle. De plus en
plus, la recherche réalise que dans la construction de paquets technolo-
giques, il faut non seulement faire appel à des observations empiriques
des producteurs mais aussi soumettre l’observation technique ‘4 I’infor-
mation scientifique à leur réflexion critique. II s’agit là d’une nouvelle dyna-
mique de recherche agricole qui procure aux producteurs un cadre de réflexion
et de prise de décision et, à la recherche, l’occasion de revoir sa
démarche en
se basant sur l’expérience et la capacité de réponse des producteurs
Cette préoccupation a l’avantage d’oeuvrer pour une responsabilisation du
paysan, pour son éducation dans le sens d’une prise en main de son propre
développement. Elle s’inscrit (Niang, 1981) dans un cadre global de la
démarche système «création-diffusion » dont les grandes options, ajoute-t-il,
correspondent $I l’évolution des conceptions de la recherche agronomique
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sénégalaise. Cette évolution aboutit, en 1983, à la création du Département
systèmes de production et transfert de technologies, où s’est poursuivie la
réflexion sur les voies et moyens d’implication, d’intégration et d’échange
avec les producteurs.
Situation actuelle
de l’approche paysanne
de la recherche

L’idée de coopératives autogérées (Faye, 1977) augurait le contexte actuel
de la Nouvelle politique agricole, visant une responsabilisation des produc-
teurs et le retrait progressif des sociétes de développement. A ce nouveau
contexte correspond une nouvelle phase de l’évolution de l’approche pay-
sanne de la recherche. II ne s’agit plus de regrouper et d’organiser les pro-
ducteurs mais de réfléchir sur le rôle que (i) les organisations paysannes
(OP)
nées de l’initiative des populations elles-mêmes, donc bénéficiant de la
confiance et de l’approbation des producteurs (ii) les organkmes d’enca-
drement (ONG, %DR), pourraient jouer dans la diffusion des innovations.
La nouvelle démarche se caractérise par une participation, de plus en plus
grande, des chercheurs dans la réalisation de projets de développement, en
collaboration avec les organisations paysannes. Dans une telle collaboration,
le producteu; n’est plus là pour appliquer et servir de source d’information et
de collecte de données, il participe avec la recherche au diagnostic des pro-
blèmes et contraintes à sa production, à la recherche et à I’appfrcation de
solutions. En d’autres termes, la réflexion continue au sein de l’Institut a
conduit à l’apprentissage et à la pratique d’une démarche participative
des résultats de laquelle, la définition d’axes pertinents de
rechwche a partir
des besoins exprimés pourrait être possible.
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Conclusion
et réflexions personnelles
L’évolution de l’approche paysanne de la recherche, sommairement décrite,
traduit le processus continu de réflexion sur les voies et moyens d’amener
les producteurs à adopter les innovations proposées et, partant, à rendre
possible le développement.
L’évolution de l’approche paysanne fait noter un changement important de
la perception du paysan par la recherche. D’un statut de client devant tout
recevoir de la recherche, le paysan est progressivement vu comme un
partenaire indispensable dans l’identification des problèmes, la recherche
et l’application de solutions.
L’évolution a aussi abouti à convaincre que, pour être efficace et engendrer
des résultats, la recherche se doit de répondre à des besoins ressentis et
exprimés, d’être pratique.
Pour tirer profit de sa nouvelle démarche de collaboration avec les produc-
teurs, individuels et/ou au sein de leurs organisations, les Organisations
non gouvernementales, pour marquer d’une empreinte de qualité sa partici-
pation dans la mise en place de projets, il nous paraît important que la
recherche :
- soit capable de répertorier les sujets de recherche agront mique et
d’appréc;er leur priorité dans les groupes de réflexion ;
- évite de se substituer aux partenaires dans l’élaboration des formula-
tions techniques tout autant que dans la formulation des critiques et
conclusions sur les propositions qui seraient faites ;
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- sache écouter, agir comme récepteur à I’interieur des groupes de
partenaires.
Seule cette attitude pourra permettre de mieux saisir la portée scientifique
des connaissances et expériences paysannes. De même, cette attitude
va rendre possible et faciliter le processus de recherches analytiques
complementaires
c( feed-back », d’où pourraient decouler des questions de
recherche a approfondir.
Références
bibliographiques

FAYE, J. (1977) : <<Bilan et perspectives des recherches sur le développement
rural menées dans les Unités expérimentales ». Séminaire ISIWGERDAT,
Bambey du 16 au 21 mai 1977. Fiche 7. Programme de recherche sur les
méthodes actuelles de vulgarisation et expérimentation d’une nouvelle
méthode.
NIANG, M. (1981) : De la station au champs ou le système de création diffusion.
Document présenté au premier atelier OUAASTR sur les Systèmes de pro-
duction agricole. Dakar du 12 au 15 janvier 1981.
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