8 l LA GESTION DE L¡¯ESPACE AQUATIQUE EN...
1 8 l
LA GESTION DE L¡¯ESPACE AQUATIQUE EN CASAMANCE
M.C. CORM::-S,,(l)
(1) G¨¦ographe ORSTOM en poste au Centre de Recherches Oc¨¦anographiques
de Dakar-Thiaroye-ISRA, BP 2241, Dakar, S¨¦n¨¦gal.

1 8 2
R E S U M E
La gestion de l'espace
est une notion ¨¤ la fois ju-
ridique (contr?le et droit d'acc¨¨s ¨¤
la ressource),g¨¦o-
graphique (am¨¦nagement spatial) et culturelle (perception
et connaissance de l'espace). La gestion
de l'espace a-
quatique en Casamance est abord¨¦e sous ces diff¨¦rents as-
pects.
L'attention est d'abord port¨¦e sur l'importance et
l'anciennet¨¦ de la gestion traditionnelle du milieu et
pose le probl¨¨me des
interf¨¦rences entre la L¨¦gislation
officielle et la Coutume.
Ensuite, deux types d'am¨¦nagement sont d¨¦crits : les
barrages-palissades
et les bassins piscicoles, qui
mon-
trent combien les communaut¨¦s autochtones ma?trisent leur
environnement ¨¦cologique.
Enfin, un
inventaire
des conflits-potentiels et
r¨¦els -est fait, insitant sur I.es enjeux dont est l'objet
l'espace halieutique et sur les rapports ambivalents en-
tre la p¨ºche et les autres activit¨¦s (agriculture, cueil-
lette des hu?tres, tourisme).
Cette description montre en d¨¦finitive combien il
est d¨¦licat d'¨¦tablir une gestion rationnelle de l'espace
susceptiblede s'adapter ¨¤ l'instabilit¨¦
du milieu casa-
man?ais aussi bien physique qu'humain.
A R S T R A C T
The snace managementis an intricate concept as well
juridical (control and access right of the
ressource),
geographical and cultural
(perception and knowledge of
the space). The aquatic space manag,ement in Casamance is
discussed from these different points of view.
The attention is first drawn to the importance and
w
O f
the
traditionnal management
of the'environment
which causes an interference problem between the officia1
legislation and the traditionnal habits.
Then, two types of
management
are described : the
weirnets or
"dams-palisades" and the fish-ponds which
show to
what
extent the local communities control their
ecological environment.
Then., an inventory of potential and real conflicts
is done, insisting
on the
interests at stake concerning
the fishing areas and on the ambivalent
relationships
between fishing and the other activities (agriculture,
oyster gathering, tourism).
This description clearly shows to what extent it is
delicate to estoblish a rational space management able to
adapt
to the instabilitv
of the Casamance environment
both from a physical and a human point of view.

1 8 3
I N T R O D U C T I O N
Il n¡®est pas possible d'am¨¦nager la p¨ºche en Casamance sans conna?tre
les modalit¨¦s de gestion traditionnelle de l'espace.
Par gestion, nous entendons la connaissance, la ma?trise, l'am¨¦nage-
ment, le partage de l'ensemble des terres et des eaux et les modes d'acc¨¨s
¨¤ la ressource.
La Casamance conna?t de profonds bouleversements, ¨¤ la fois du milieu
physique et humain. Compte-tenu des modifications de l'environnement et des
changements sociaux et ¨¦conomiques,quelle est la gestion la plus efficace
de l'espace halieutique ?
Pour introduire le d¨¦bat sur cette question,
nous d¨¦crirons les modali-
t¨¦s de gestion de l'espace en pr¨¦sentant :
1. Les aspects institutionnels (modes d'acc¨¨s ¨¤ la ressource, statuts
des eaux int¨¦rieures, de la mer)
2. Les aspects techniques (diff¨¦rentes formes d'am¨¦nagements tradition-
nels) 3. puis nous analyserons les facteurs de changement et les conflits
dont le contr?le de l'espace halieutique est l'enjeu.
.
1 .
S T A T U T
D E S
E A U X E T
D R O I T S
D ' A C C E S A L A
R E S S O U R C E
1.1. LIMITE CONFUSE ENTRE LES DOMAINES MARITIMES ET CONTINENTAUX
- Le domaine maritime comprend les eaux territoriales dont la limite
est"fix¨¦e B une distance de 150 milles marins" -a partir de diff¨¦rents points
de la c?te (cf. loi no 76-54 du 9 avril 1976) et les eaux estuariennes navi-
gables, soit le fleuve Casamance jusqu'au confluent avec le Soungrougrou
(cf. Decret no 75-1091 du 23 octobre 1975). Le pont de Zig'iinchor sert ¨¤
l'heure actuelle de limite.
- Le domaine continental comprend les portions de fleuve non naviga-
bles, les bolons,: les rivi¨¨res et les marigots.
- Ces domaines font l'objet d'une r¨¦glementation appliqu¨¦e par la DOPM
(Direction Oc¨¦anographique des P¨ºches Maritimes) quant au domaine maritime,
par le SEEF (Service des Eaux et For¨ºts) quant au domaine continental. Ain-
si, afin de prot¨¦ger les ressources des eaux continentales, l'usage des en-
gins suivants est interdit (cf. arr¨¨t¨¦ no 1920 du 24 f¨¦vrier 1976) : senne
tournante, senne de plage
dont les mailles ont moins de 30 mm de c?te et un
d¨¦veloppement sup¨¦rieur ¨¤ 150 m, filet a mulet de plus de 30 m de d¨¦veloppe-
ment, filet tournant, chalut et "Kilis". 11 est de m¨ºme interdit de poser
des engins dans le chenal navigable ou de barrer avec un filet ou autre en-
gin fixe / d¨¦rivant sur plus du 1/3 de la largeur des cours d'eau. La tail-
le deseso¨¨ces,p¨ºch¨¦es est aussi soumise a un contr?le : les tilapiae, par
exemple, doivent avoir au moins 10 cm de longueur (cf. arr¨ºt¨¦ no OI3131 du
3 nov. 1982).
- La Casamance est un milieu amphibie; entre les deux domaines il y a
de nombreuses interf¨¦rences. Les limites ne sont pas nettes. L'exemple le
plus significatif est la l¨¦gislation concernant la crevette. La zone autori-
s¨¦e de la p¨ºche ¨¤ la crevette s'¨¦tend ¨¤ partir du pont de Ziguinchor jusqu'¨¤

1 8 4
1 km en amont de Goudomp et sur le Soungrougrou jusqu¡¯aux villages de Baba-
te et Diaw inclus. La p¨ºche aux engins tra?nants est interdite (cf arr¨ºt¨¦
interministeriel no 4862 du 24 octobre 1981). Cet:te zone, tout en faisant
partie du domaine continental, est g¨¦r¨¦e par la DO?M. Par manque de moyens
et de personnels d ¡¯ encadrement, le SEEF limite son champ d¡¯aciion pour l¡¯ins-
tant au fleuve S¨¦n¨¦gal et au lac Je Guiers ; il n.¡®a jamais eu ¨¤ intervenir
en mati¨¨re de p¨ºche en Casamance.
1.2. PERCEPTION DE L¡¯ESPACE HALIEUTIQUE
En fonction de l¡¯histoire dr peuplement. la p¨ºrception et la ma?trise
des eaux int¨¦rieures et maritimes diff¨¨rent.
Les marigots et les bolons constituent un milieu calme, C~OS, ma?tris¨¦.
Leurs rives sont tr¨¨s anciennement occup¨¦es et leurs ressources exploit¨¦es (cf.
analyse des amas coquilliers par de SAPIR, 1970:1. 11s font partie de l¡¯espa-
ce v¨¦cu du Diola au m¨ºme titre que les rizi¨¨res, les palmiers, la for¨ºt o¨´
il chasse.
La mer est ¨¤ la limite ext¨¦rieure de cet iispace; les villages lui tour-
nent le dos. Longtemps inconnu, tardivement exploit¨¦, ce milieu est consid¨¦-
r¨¦ comme dangereux.
Le fleuve Casamancc tient ¨¤ la fois du milieu maritime et du milieu con-
tinental. Par sa larcs,eur, sa profondeur, ¨¤ cause de la houle, des risques occa-
sionn¨¦s
par les tornades ou les crocodil.es-jusqu¡¯aux ann¨¦es 1950, tr¨¨s nom-
breux-, il est per?u comme la mer ; on y p¨ºche, au niveau de l¡¯estuaire, les
m¨ºmes esp¨¨ces avec les m¨ºmes engins. Cependan,t)
ces rives sont famili¨¨res
aux villageois et sont comprises dans le terroir..
1.3, CONTROLE COUTUMIER DES EAUX INTERIEURES
Les terres et les eaux appartiennent ¨¤ Dieu, dont le f.6tiche est. le d¨¦-
l¨¦gu¨¦ ; le roi-pr¨ºtre et le chef du village sont responsables du respect de
la coutume. Cet espace appropri¨¦ collectivement sur une base religieuse fait
l¡¯objet d¡¯un partage seion le droit du premier occupant ; chaque village dis-
pose ainsi d¡¯un terroir, dans les limites duqu(Al il a la priorit¨¦, voire l¡¯ex-
clusivit¨¦ dans l¡¯usap,e des terres et des eaux,
Ainsi, les zones de p¨ºche sont nettement circonscrites au niveau de cha-
que village ; leur extension ne d¨¦passe pas la distance qu¡¯une pirogue peut
parcourir en une journ¨¦e ; elles comprennent les bolons qui donnent acc¨¨s au
v i l l a g e , -les confluences avec d¡¯autres bolons servant de limites entre zo-
nes villageoises-, les ?les couvertes de mangrove ou de tann-¨¦tendues sursa-
l¨¦es- les lieux de p¨ºche et de campement rep¨¦r¨¦s, nomm¨¦s, dont la connaissan-
ce est transmise de g¨¦n¨¦rations en g¨¦n¨¦rations (fig. 1 et 2).
L¡¯aire effective de p¨ºche et de cueillette des ressources aquatiques
n¡¯est cependant pas limit¨¦e ¨¤. ces zones coutumi¨¨res. Les campagnes, de quel-
ques mois, en saison s¨¨che, ¨¤ l¡¯ext¨¦rieur du terroir, sont une pratique COU-
rante chez les Di.ola, auxquelles se sont ajoutaes depuis la fin du XIX¨¨me
si¨¨cle les migrations de p¨ºcheurs ¨¦trangers ¨¤ la r¨¦gion. Cela pose le probl¨¨-
me du droit d¡¯acc¨¨s ¡®? la ressource.
1.4. DROIT D¡¯ACCES A. LA RESSOURCE
- L¡¯acc¨¨s ¨¤ la mer et ¨¤. ses ressources est libre ; comment pourrait-il
en ¨ºtre autrement, compte tenu de la migratio:? des esp¨¨ces ? De plus, en

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Fig. 1: Gestion de l'espace.¨¤quatique

186
FIG. 2 , -- Zone de p¨ºche de Tioben
( e n q u ¨º t e d e m a i - j u i l Iet 1984)

1 8 7
Casamance, jusqu¡¯au milieu du XX¨¨me si¨¨cle, les plages sont inoccup¨¦es. Les
villageois accueillentles p¨ºcheurs migrants originaires du nord car ils ne
sont pas per?us comme des concurrents ; au contraire, ils leur fournissent
du poisson de mer en abondance et les forment ¨¤ la p¨ºche maritime, en les
prenant comme apprentis sur leurs pirogues. Ils sont log¨¦s au village chez
un tuteur comme b Kafountine ou campent sur la plage comme ¨¤ Ponta Bassul
ou Ponta Diogan.
Si la ressource n¡¯est pas appropri¨¦e, par contre, ies p¨ºcheurs se repar-
tissent entre eux les fonds. Les sites les plus propices ¨¤ la pose des filets
dormants, riches en langoustes ou en soles, sont rep¨¦r¨¦s, re?oivent un topo-
nyme-souvent le patronyme de l¡¯aPn¨¦, responsable de l¡¯unit¨¦ de p¨ºche., ce-
lui qui a d¨¦couvert le site-deviennent la chasse-gard¨¦e et, dans les faits,
la propri¨¦t¨¦ de l¡¯unit¨¦ de p¨ºche.
- Pour les eaux int¨¦rieures, les modalit¨¦s d¡¯acc¨¨s ¨¤ la ressource et
d¡¯appropriation varient selon les parties prenantes et les formes d¡¯exploita-
tion.
Un p¨ºcheur ¨¦tranger au village peut installer son campement dans la zo-
ne villageoise et exploiter les bolons de cette zone ¨¤ condition d¡¯en avoir
demand¨¦ l¡¯autorisation au chef du village. Il ne lui est demand¨¦ aucune r¨¦-
tribution mais traditionnellement le p¨ºcheur fait dons de poissons ; les
campagnes s¡¯effectuent le plus souvent ¨¤ l¡¯int¨¦rieur des aires d¡¯¨¦changes
traditionnels entre villages qui appartiennent au m¨ºme pays historique ou qui
ont des activit¨¦s compl¨¦mentaires - (fig. 1, cf, l¡¯aire de p¨ºche des Bandial.
¨¦tendue sur la rive droite : les p¨ºcheurs de Bandial ¨¦changent leurs poissons
contre le b¨¦tail et les l¨¦gumes du Blouf; cf. l¡¯aire de p¨ºche de Thionk-Es-
s y l : les p¨ºcheurs vont camper dans les ?les, ¨¤ Niomoune tandis que les vil-
lageois du Kassa, des Blis-Karone, font des campagnes de cueillette du vin de
palme dans leur brousse).
Au niveau du village, les zones non am¨¦nag¨¦es sont libres d¡¯acc¨¨s et
appropri¨¦es collectivement ; les villageois ont l¡¯usufruit des ressources ;
la protection du milieu est assur¨¦e par la coutume ; un code de r¨¦glements
plus moral. que l¨¦gal en garantit le respect, La coutume fixe encore les
saisons de p¨ºche et de cueillette, &es lieux de campements et de p¨ºche, %les
d¨¦barcad¨¨res.
(cf. lieux de p¨ºche hant& qui reviennent ¨¤ une mise en d¨¦fens
in DEMBO COLY, 1945).
En ce qui concerne les zones am¨¦nag¨¦es, de fa?on permanente ou intermit-
tente, les modalit¨¦s de gestion de la ressource sont plus complexes, variant
dans l¡¯espace et dans le temps. Nous nous arr¨¦terons sur deux formes d¡¯am¨¦-
nagement.
2 .
F O R M E S D ¡¯ A M E N A G E M E N T
T R A D 1 T 10 N N E L
Outre les multiples nasses, paniers, pi¨¨ges utilis¨¦s dans les marigots
ou les eaux peu profondes, essentiellement par les femmes,(fig.3 Photo et des-
sins) on rel¨¨ve deux formes de p¨ºche autochtones, -ou du moins acquises de
longues dates - cf. les premi¨¨res descript ions des Portugais au XV¨¨me si¨¨cle-
qui ont une grande ampleur en Casamance : les enceintes, palissades et barra-
ges, et les digues qui enferment les bassins piscicoles. Ces types d¡¯am¨¦na-
gements d¨¦pendent du cycle des mar¨¦es et des crues/d¨¦crues et se rencontrent
dans toutes les grandes zones d¡¯¨¦pandage de l¡¯int¨¦rieur de l¡¯Afrique inter-
t r o p i c a l e (
SAUTTER G., 1966 : 430-432).

1 3 8
- --_ ..-.- --

1 8 9
2.1. LES PECHERIES : ENCEINTES ET B ARRAGES
Description : Deux types de p¨ºcheries sont relev¨¦s en Casamance
(DIAW M . c . , 1985) : - les barrages proprement dits, appel¨¦s JAPANG, EPANG,
BUFEH, EGUEHEN selon les langues diola, sont pos¨¦s en travers d¡¯un petit
bolon ; de petite dimension (2-3 m de large), ils sont constitu¨¦s de claies
amovibles en tiges de r?nier. Le p¨ºcheur les enroule pour les transporter
sur sa pirogue et les plante au moyen de piquets sur les fonds des marigots.
Les claies sont dispos¨¦es en V ouvert dans le sens du courant et,¨¤ leur
jonction, est plac¨¦e une chambre. Les poissons remontent, avec la marge, le
couloir form¨¦ par l¡¯une ou l¡¯autre des branches du V et se pi¨¨gent dans la
chambre.
- Les palissades sont de v¨¦ritables enceintes-pi¨¨ges, plus ou moins fi-
xes, ouvertes vers l¡¯amont, de telle sorte que le poisson s¡¯y laisse enfer-
mer ¨¤ mar¨¦e descendante. Selon les lanoues diola, elles sont appel¨¦es BUYIL,
BUPANG, FUGHAM, UGUIT)EN. Elles sont form¨¦es-es tiges de palmier tress¨¦es
de fibres de r?aier. Les piquets sont en bois de pal¨¦tuvier. Ces palissades
sont fich¨¦es sur les fonds sablo-vaseux, perpendiculairement ¨¤ la rive. Le
dispositif est proche du pr¨¦c¨¦dent mais a un plus grand d¨¦veloppement. Aux
angles form¨¦s par la jonction de deux palissades, sont plac¨¦es des chambres-
pi¨¨ges ; le poisson peut y rester 3-4 jours avant d'¨ºtre recueilli par le
p¨ºcheur ou les p¨ºcheurs au moyen d¡¯un panier.
Extension : Ces p¨ºcheries sont caract¨¦ristiques de l¡¯estuaire dans
1 a zone s i t u¨¦e entre le bolon du Diouloulou et celui d¡¯Aff iniam. Leur ex-
ploitation est une des principales activit¨¦s des hommes du Bandial qui. font
des campagnes
de quelques mois en saison s¨¨che. Ce sont les sp¨¦cialistes des
grandes palissades avec les populations duRassa. tandis que les petits barra-
ges se ren.contrent. dans tous les villages riverains de bolons (fig. 4).
Modalit¨¦s de gestion,: Le poisson captur¨¦ appartient au fabricant et pro-
pri¨¦taire de la palissade.par extension, le fond de p¨ºche sur lequel est fix¨¦ la
palissade lui appartient ¡®aussi, alors qu¡¯il n¡¯en avait au d¨¦part, comme on
l¡¯a vu plus haut, que l¡¯usufruit. La parcelle d¡¯eau, une fois d¨¦couverte, ex-
ploit¨¦e et occup¨¦e de fa?on plus ou moins permanente, devient la propri¨¦t¨¦
priv¨¦e du p¨ºcheur ou de son lignage quand la p¨ºche est collective ; elle ac-
quiert un statut ¨¦quivalent ¨¤ celui d¡¯une rizi¨¨re.
2.2. LES BASSINS PISCICOLES
Description : Les bassins piscicoles sont des am¨¦nagements hydrauliques
gagn¨¦s sur la mangrove, situ¨¦s en aval des rizi¨¨res. On ne les rencontre qu¡¯en
Basse-Casamance,
o¨´ s¡¯¨¦tendent les rizi¨¨res inond¨¦es. Ils sont constitu¨¦s de
digues munies de drains qui permettent de ma?triser la p¨¦n¨¦tration de la ma-
r¨¦e et la vidange du bassin. On distingue deux types de bassins, diff¨¦rents
par les formes d¡¯am¨¦nagement, d¡¯exploitation et de gestion.

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b
1
2
Km
t
1
1
F i g . 4.- Barrages, palissades. P o u r c e n t a g e d e l a p o p u l a t i o n s e c o n s a c r a n t ¨¤
c e t t e a c t i v i t ¨¦ .

1. m#igrdvc
2.grxtdb55in (p¨ºche)
3.pditbassin @khe+riziculturc)
FIG. 54- Bassins pistoles
Les petits bassins, BIIT, JIFIP, BUBUJ, forment une zone tampon entre
les rizi¨¨res et l¡¯eau sal¨¦e des grands bassins et des bolons. Ils couvrent une peti-
te superficie comprise entre 5 et 20 ares, ils sont enclos de digues KALINGA¡¯
ELINGA, larges de 50 cm B 1 m. Des troncs de r?nier ¨¦vid¨¦s pos¨¦s en travers
de digues servent de drains ; le paysan les ouvre et les ferme au gr¨¨s des
mar¨¦es. Ces bassins sont destin¨¦s ¨¤ la culture,:du riz et ¨¤ la p¨ºche ; en leur
centre, on trouve une planche sur¨¦lev¨¦e, appel¨¦e KAYELAY, GOAL, qui porte du
riz, quand le sol est suffisamment-dessal¨¦ par les pluies et selon la dispo-
nibilit¨¦ en main d¡¯oeuvre. La p¨ºche se pratique toute l¡¯ann¨¦e au moyen de nas-
ses-pi¨¨ges ou de palissades pos¨¦es ¨¤ l¡¯emplacement des drains, au moyen de pa-
niers-cl?ches ou d¡¯haveneaux qu¡¯utilisent les femmes en p¨¦n¨¦trant dans l¡¯eau.
Ces derni¨¨res construisent aussi de petites digues dans la vase pour pi¨¨ger
les alevins.
Ces bassins appartiennent au propri¨¦taire des rizi¨¨res qu¡¯elles prot¨¨gent
juste en amont ; le chef de famille et ses femmes et enfants y ont seuls ac-
c¨¨s librement. Le poisson est destin¨¦ ¨¤ la consommation familiale. Les autres
villageois peuvent y p¨ºcher avec l¡¯accord du propri¨¦taire,et en aucun cas, ne
peuvent modifier le niveau de 1¡¯ eau.
Actuellement, dans la plupart des villages, ces bassins sont (I l¡¯¨¦tat
d¡¯abandon comme beaucoup de rizi¨¨res inond¨¦es, faute de jeunes pour entretenir
les digues et par suite du manque de pluies.

--_.--
1 9 2
Les grands bassins, FLJ¡¯JXMB, HUKANCA, BUWOI sont situ¨¦s a l¡¯aval des pe-
tits bassins, dans la mangrove incompl¨¦tement d¨¦frich¨¦e, qui sert ainsi de
fray¨¨res au poisson. Ce sont de vastes carr¨¦s de 60 ¨¤ 80 ares s¨¦par¨¦s les uns
lt?S aLItreS par des digues secondaires ELINGA semblables aux pr¨¦c¨¦dentes. Une
digue-m¨¨re HUKINK, FUKAEN les isolent des bolons et barrent les chenaux de
mar¨¦e ; elles ont des dizaines de kilom¨¨tres de d¨¦veloppement. parall¨¨lement
2 la digue, Court un canal KAGUIL, GAJILEN, KAGOY large de S 3 10 m, profond
de 1 ¨¤ 3 m, dans lequel pullulent les tilapies et mulets, captur¨¦s 2 l¡¯¨¦per-
vier .
Ces bassins sont uniquement destin¨¦s B la p¨ºche qui se pratique de deux
fa?ons :
- les poissc.ns sont pi¨¨g¨¦s ¨¤ la mar¨¦e montante juste avant l¡¯hivernage ;
ils sont retenus quelques mois dans les bassins pour qu¡¯ils grossissent puis
le bassin est vidang,¨¦ en septembre-octobre au moment d¡¯une forte d¨¦crue.
- le bassin est ouvert et ferm¨¦ plusieurs fois dans l¡¯ann¨¦e en fonction
de la mar¨¦e. Dans le premier cas, il s¡¯agit d¡¯un 6levage extensif, dans le
second, d¡¯un simple pi¨¦geage. Dans les deux cas, on utilise des nasses-pi¨¨ies
et des barrages pour capturer le poisson au moment de la vidange puis les fem-
mes raclent le fond du bassin avec des paniers. La p¨ºche d¡¯un bassin dure 3-
4 jours. Dans la plupart des cas, l¡¯appropriation des bassins est collective
au niveau du village, du quartier, du sous-quartier ou de la concession. En
fait, dans les villages diola, cela correspond le plus souvent ¨¤ un lignage.
L¡¯a?n¨¦ du lignage est le responsable de la gestion du bassin . C¡¯est lui qui
invite les hommes adultes ¨¤ reconstruire la digue ; il d¨¦cide des dates d¡¯ou-
verture et de fermeture des drains ; il r¨¨gle le niveau de l¡¯eau au moyen d¡¯une
nasse tr¨¨s allong¨¦e, le KALAKAN ferm¨¦e par un bouchon de paille ou de feuilles,
il dirige les op¨¦rations de p¨ºche-le jour de la p¨ºche, le KALAKAN est rempla-
c¨¦ par le FULAN ou HUNANUM, grande nasse-pi¨¨ge muni.e ¨¤ une extr¨¦mit¨¦ d¡¯un ci?-
ne rentrant -et proc¨¨de au partage des poissons.
Les bassins de chaque lignage sont, la plupart du temps, ouverts ¨¤ inter-
valles r¨¦guliers selon les cycles de mar¨¦e et les lignages s¡¯invitent ¨¤ tour
de r?le. Le poisson est p¨ºch¨¦ en plusieurs temps : Le lignage propri¨¦taire po-
se les FULAN B la sortie des drains. Une partie des prises des FULAN est par-
tag¨¦e ¨¦galitairement entre chaque famille qui compose le lignage ; le reste
est verdu-avant les ann¨¦es 1950, le poisson ¨¦tait ¨¦chang¨¦- ; l¡¯argent est ver-
s¨¦ dans une caisse commune sous la responsabilit¨¦ de l¡¯a?n¨¦ ; cette caisse
sert d¡¯assurance maladie et divers et permet de financer les gros travaux.
Lorsque le bassin est presque vidang¨¦, les autres lignages peuvent recueillir
le poisson rest¨¦ dans la vase avec divers paniers ; le poisson appartient alors
¨¤ celui qui le capture.
Comme on le voit, ces am¨¦nagements requi¨¨rent un travail ¨¦norme, conce-
vable uniquement dans une soci¨¦t¨¦ fortement encadr¨¦e. Ils ont tendance ¨¤ recu-
ler l¨¤ oit les structures de la soci¨¦t¨¦ sont remises en question par l¡¯exode
rural, la volont¨¦ d¡¯ ind¨¦pendance financi¨¨re des jeunes, 1¡¯ individualisme et
le d¨¦veloppement d¡¯activit¨¦s plus lucratives.
Ces modes de gestion traditionnelle sont-ils adapt¨¦s aux nouvelles Con-
ditions du milieu physique et humain ?

6 : 1AlSSins piscicoles
e t d¨¦tai 1 ti ¡®une
.

1 9 4
Diiionguer
--+ ++++
LEGENDE-
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P E T I T
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B a s s i n
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Fig. 7.- R¨¦partition des bassins piscicoles.

1 9 5
3 .
C O N T R O L E D E L ¡¯ E S P A C E :
E N J E U X E T
C 0 N F 1 T S
Des conflits sont latents ou surgissent en Casamance pour le contr?le
de l'espace alors que la Colonisation puis l'Ind¨¦pendance 2nt surimpos¨¦ de
nouveaux cadres ¨¤ la structure existante et que le milieu est en pleine ¨¦vo-
lution. Nous ferons ici un inventaire des, conflits en analysant les rapports
des populations ¨¤ l'espace et en essayant d'apporter des ¨¦l¨¦ments de r¨¦ponses.
3.1. CONFLITS ENTRE PECHEURS
a) ¨¤ l'¨¦chelle des villages : En 1862, on rel¨¨ve dans les Archives (cf.
ANS 13 G 366), un des premiers conflits o¨´ les villageois font appel aux re-
pr¨¦sentants de la Colonie pour faire respecter la Coutume : Les gens de Mlomp
se plaignent que des habitants de la Pointe Saint-Georges "ont pris du pois-
son dans leurs p¨ºcheries¡±. Les villages n¡¯h¨¦sitaient pas ¨¤ recourir aux ar-
mes pour d¨¦fendre une rizi¨¨re ou une p¨ºcherie. Actuellement, des conflits
¨¦clatent entre villages qui font ressurgir ces vieilles inimiti¨¦s : Depuis
trois ans, le village de Niomoune
refuse que les p¨ºcheurs de Thionk-Essyl
campent et p¨ºchent dans leur zooe puisqu¡¯ilsne peuvent plus aller cueillir le
vin de palme dans la brousse de Thionk-Essyl ;
la s¨¦cheresse et l'ampleur pri-
se par les campagnes de p¨ºche sont ¨¤ l¡¯origine de ces frictions.
b) ¨¤ l'¨¦chelle de la r¨¦gion :
- En Moyenne Casamance, deux syst¨¨mes de p¨ºche se concurrencent ; les p¨º-
cheurs autochtcnes-Balante, Diola, Mandingue- capturent le poisson au moyen
de f¨¦l¨¦-f¨¦l¨¦, filet trainant ou senne de plage,
tandis que les p¨ºcheurs tou-
couleur qui approvisionnent les usines en crevettes, utilisent des engins fi-
xes, dont les mouillages arrachent les autres filets (
LE RESTE L., 1983 ;
JONGUE Klass de, 1980). Les tenants de ce conflit sont complexes, ¨¤ la
fois techniques, sociaux, ethniq,ues et ¨¦conomiques.
- A Kafountitie, les p¨ºcheurs migrants saisonniers ne sont plus gracieu-
sement log¨¦s par les villageois mais louent des chambres. Ils p¨ºchent vers le
nord ou au large, laissant aux groupes GOPEC" autochtones l'exclusivit¨¦ d'u-
sage des fonds proches de leur installation. Ce statuquo
traduit les diffi-
cult¨¦s n¨¦es du nombre croissant des migrants et de la cr¨¦ation d¡¯unit¨¦s de
p¨ºche maritime diola. Les allochtones sont d¨¦sormais consid¨¦r¨¦s tommes concur-
rents. A terme, se poseront des probl¨¨mes d¡¯¨¦puisement des fonds pour les
Diola s¡¯ ils p¨ºchent
toujours au m¨ºme endroit, sans compter que les esp¨¨ces
wnt ; d¨¦j¨¤ leur rendement baisse.
c) ¨¤ l'¨¦chelle interr¨¦gionale
A
Les eaux de la Guin¨¦e sont riches et: peu exploit¨¦es par les autochtones.
Depuis des g¨¦n¨¦rations, des p¨ºcheurs nyominka migrent dans les ?les B,ijago:
et exploitent les fends guin¨¦ens ; depuis peu - 1983-, des Diola font aussi
des campagnes de p¨ºche dans cette r¨¦gion.
La Guin¨¦e se plainte les pois-
sons ne soient pas ¨¦coul¨¦s sur place et que les p¨ºcheurs violent les limites
des eaux territoriales au niveau de Boudiediete.
Ce contentieux rel¨¨ve du droit international et, ¨¤ ce jour, demeure le
seul en instance de r¨¦glement.
d) entre la p¨ºche artisanale et industrielle
La p¨ºche industrielle est interdite dans les eaux c?ti¨¨res et estuarien-
nes. Les effractions sont r¨¦pandues au large de tcut le littoral sencgalais. En
-
-
*GOPEC : Groupement Op¨¦rationnel Permanent d'Etudes et de Concertation

1 9 6
Casamance, on trouve des chaluts jusqu¡¯au niveau de la Pointe Saint-Georges
dans l¡¯estuaire. Les p¨ºcheurs ¡°artisans¡± se plaignent que leurs filets dor-
mants soient arrachgs par les chaluts, leurs pirogues endommag¨¦es- les fi-
lets dormants sont pos¨¦s de nuit ; les pirogues ne signalent pas leur pr¨¦-
sence par une lampe temp¨ºte ou autre-et que les chaluts pillent leurs fonds.
Le respect des limites des p¨ºches d¨¦pend des moyens de contr?le et de
surveillance des c?tes (avion, bateau de la DOPM).
3.2. LES RAPPORTS ENTRE LA PECHE ET LES AUTRES ACTIVITES
a) L¡¯ agriculture
Dans les syst¨¨mes d¡¯exploitation traditionnelle, la p¨ºche et l¡¯agricul-
ture sont compl¨¦mentaires ; la p¨ºche se pratique pendant les temps morts agri-
coles-en saison s¨¨che, le soir ou la nuit-. Le poisson fournit les prot¨¦ines
du plat de base diola, le riz blanc.
Cet ¨¦quilibre est remis en cause par la mon¨¦tarisation et la p¨¦n¨¦tration
de l¡¯¨¦conomie de march¨¦, l¡¯exode rural et, avec lui, la multiplication des
contacts et le changement des mentalit¨¦s, la recherche du num¨¦raire et d¡¯ac-
tivit¨¦s imm¨¦diatement r¨¦mun¨¦ratrices. Aussi, les *jeunes ont-ils tendance ¨¤
abandonner les travaux de champs .jug¨¦s trop p¨¦nibles pour le profit qu¡¯ils
en retirent et 3 se lancer dans la grande p¨ºche qui les ¨¦loigne du village,
la plus grande partie de l¡¯ann¨¦e. De plus en plus, les migrations se prolon-
gent en hivernage.
D¡¯un autre c?t¨¦, le maintien et m¨ºme le d¨¦veloppement de certaines for-
mes de p¨ºche favorisent le maintien de l¡¯¨¦quilibre traditionnel : Elles re-
tiennent les jeunes dans la r¨¦gion , assurent l¡¯entretien des am¨¦nagements com-
met les digues, perp¨¦tuent le contr?le et la gestion de la ressource.
Au total, le d¨¦veloppement de la p¨ºche ne concurrence pas l¡¯agriculture.
Le recrutement des ¡°nouveaux¡± p¨ºcheurs se fait parmi les jeunes qui ne dispo-
sent pas encore de biens fonciers et qui trouvent dans cette activit¨¦ le mo-
yen de gagner leur autonomie financi¨¨re. L¡¯agriculture est menac¨¦e en premier
lieu ni par la s¨¦cheresse, ni par le d¨¦veloppement des autres activit¨¦s en
Casamance mais par l¡¯exode rural. Et la p¨ºche est un des moyens de freiner
cet exode.
b) La cueillette des hu?tres
La p¨ºche et la cueillette n¡¯exploitent pas les m¨ºmes niches ¨¦cologiques,
ne mobilisent pas les m¨ºmes populations, ne suivent pas les m¨ºmes circuits.
Les cueilleuses reprochent aux moteurs de polluer les eaux et d¡¯¨ºtre respon-
sables de la baisse de production, Ce facteur est n¨¦gligeable par rapport ¨¤
l¡¯augmentation de la salinit¨¦,
c) Le tourisme
Les rapports sont ambivalents
- D¡¯un c?t¨¦, le tourisme concurrence la p¨ºche : Il conduit ¨¤ l¡¯expropria-
tion des terres villageoises et occupe les plages-- ¨¤ Cap Skirring il est in-
terdit de transformer le poisson sur la plage par suite des nuisances olfac-
tives et les p¨ºcheurs voient leurs lieux de campements de plus en plus cir-
conscrits par les nouvelles implantations d¡¯h?tels ; depuis 1985, l¡¯occupa-
tion de la plage a fait l¡¯objet d¡¯un r¨¦am¨¦nagement qui permet la cohabitation
de toutes les activit¨¦s. cf. fig. S- Il favorise la multiplication des petits
m¨¦tiers--guide,
vendeur de souvenir, prostitution- qui d¨¦tournent les villa-
geois des activit¨¦s de production-riziculture, p¨ºche- ; il offre des gains
¨¦lev¨¦s vite acquis, ce qui, ¨¤ terme, peut destructurer la soci¨¦t¨¦ ; la masse
salariale distribu¨¦e sur place est peu importante car la plupart des emplois
sont subalternes et saisonniers ; il pr¨¦l¨¦ve sur place de fa?on irr¨¦guli¨¨re
et saisonni¨¨re des produits frais -l¨¦gumes, volailles, poissons-. ce qui


1 9 8
perturbe le march¨¦ et cr¨¦e des situations de p¨¦nurie pour les villageois.
- D¡¯un autre c?t¨¦, le tourisme constitue un march¨¦ pour les poissons,
les crustac¨¦s et les mollusques ; il cr¨¦e des infrastructures dont b¨¦n¨¦fi-
cie la p¨ºche, comme
les voies de communications.
En fait, il convient de distinguer deux types de tourisme :
- le tourisme de s¨¦jour se pratique dans des, complexes h?teliers ou des
clubs. Les tours sont organis¨¦s et pay¨¦s depuis le pays d¡¯origine des clients.
Le ravitaillement aupr¨¨s des p¨ºcheurs migrants est effectif mais les prix
sont anarchiques-depuis 1983, la DOPM fixe
avec. les parties prenantes les
prix en d¨¦but de saison-et les populations locales sont mises ¨¤ l¡¯¨¦cart de
ces circuits.
- le tourisme int¨¦gr¨¦, par contre, avec la formule des campements villa-
geois, ne perturbe pas le milieu, entra?ne les autres activit¨¦s, suscite la
cr¨¦ation de coop¨¦ratives-p¨ºche, ¨¦levage. *- et l¡±¨¦q,uipement des villages. Il
contribue ¨¤ un d¨¦veloppement intelligent de la p¨ºche qui profite directement
aux populations villageoises.
C O N C L U S I O N
La gestion de l¡¯espace pose deux grandes interrogations :
- Dans quel cadre juridique faut-il r¨¦soudre les conflits ? Comment con-
cilier droit coutumier et l¨¦gislation officielle ?
- Comment ¨¦tablir une gestion de l¡¯espace rationnelle et suffisamment
souple pour s¡¯adapter ¨¤ l¡¯instabilit¨¦ du milieu aussi bien physique qu¡¯hu-
main ?
Les conflits d¡¯int¨¦r¨ºt ne sont pas nouveaux mais prennent une particu-
li¨¨re ampleur depuis ces quinze derni¨¨res ann¨¦es <avec la mltiplicationdes migra-
tions de p¨ºche et la s¨¦cheresse. Le contr?le de l¡¯espace aquatique est un enjeu
d¡¯autant plus important que les autres espaces -agricoles et pastoraux-ne r¨¦-
pondent plus B la demande des populations. Les exemples sur la Grande et la
Petite C?te montrent comment ces conflits latents peuvent d¨¦g¨¦n¨¦rer violem-
ment et incitent a une r¨¦flexion constructive tenant compte de la complexit¨¦
du milieu.

B I B L I O G R A P H I E
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2 0 0
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2 0 1
D I S C U S S I O N
CHABOUD.- Quelle est l'importance des conflits potentiels entre p¨ºcheurs mi-
grants et autochtones, notamment pour l'acc¨¨s aux ressources les plus
favoris¨¦es commercialement (soles, langoustes) en relation avec les dif-
f¨¦rents projets en cours de r¨¦alisation ?
CORMIER-SALEM.-
Il y a tr¨¨s peu de villages c?tiers concern¨¦s par ces probl¨¨-
mes (Kafountine, Boudi¨¦di¨¦te).
C. DIAW.- Deux aspects doivent ¨ºtre per?us dans ce qui,peut ¨ºtre une source
potentielle de conflit.
- Le fait que les p¨ºcheurs qui s'initient dans les diff¨¦rents projets
aient un certain nombre de limitations dans la connaissance du milieu.
- Les frustrations d¨¦velopp¨¦es chez les p¨ºcheurs migrants qui revendi-
quent la l¨¦gitimit¨¦ de leur pr¨¦sence! et leur implication dans les dif-
f¨¦rents projets de d¨¦veloppement,
ce qui pose le probl¨¨me desdits projets
et de leur sch¨¦ma d'implantation.
CHABOUD,- Pourriez-vous rappeler les modalit¨¦s de la r¨¦partition du produit
de l'activit¨¦ et les servitudes entra?n¨¦es ¨¤ l'int¨¦rieur ?
En ce qui concerne les rapports sociaux et production, il serait bon de
pr¨¦ciser les rapports internes (du point de vue du fonctionnement et la
dynamique interne des lignages et des unit¨¦s de p¨ºche).
Quel est votre point de vue sur l'¨¦l¨¦ment explicatif qui pourrait ¨ºtre
constitu¨¦ par l'introduction de l'¨¦conomie mon¨¦taire et de la crise so-
cio-¨¦conomique ?
CORMIER-SALEM.-
Pour la premi¨¨re question, des ¨¦lements de r¨¦ponse seront four-
nis par l'expos¨¦ de C. DIAW sur la gestion des unit¨¦s de p¨ºche.
Les aspects socio-¨¦conomiques ont ¨¦t¨¦ rapidement ¨¦voqu¨¦s dans l'expos¨¦.
6. DIAW.- Quels sort les rapports entre drnoit maritime et droit couturrier 2
CORMIER-SALEM.-
Il y a une opposition entre ces deux types de droit ; dans la
pratique la gestion du milieu est r¨¦alis¨¦e par les villageois eux-m¨ºmes.
En ce qui concerne les probl¨¨mes d'appropriation du milieu, le droit
maritime est muet.
FRENOUX.- D'un point de vue officiel le domaine continental (¨¤ partir de l'em-
bouchure du Sougrougrou) rel¨¨ve de la competence des Eaux et For¨ºts et
le domaine maritime (en aval du Sougrougrou) de l'oc¨¦anographie et des
P¨ºches Maritimes.
B. DIAW.- Comment le tourisme int¨¦gr¨¦ peut-il contribuer au d¨¦veloppement
"intelligent" de la p¨ºche ?
COWIER-SALEM.- IL y a correspondance des, calendriers du tourisme et de la
p¨ºche ; les p¨ºcheurs migrants attendent l'ouverture des h?tels pour s'ins-
taller dans les campements.

----
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-
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2 0 2
SAMBA.- Peut-on parler de droit coutumier dans certaines parties des eaux in-
t¨¦rieures oii sont pr¨¦sentes de fortes communaut¨¦s de p¨ºcheurs migrants
(Toucouleur p¨ºchant la crevette) ?
CORMIER-SALEM.-
Les populations Balante et Diola qui cultivent le terroir se
consid¨¨rent comme propri¨¦taires de la rive tout au long de leur terroir.
Sur cette zone il y a effectivement un droit coutumier mais le probl¨¨me
se complique par la pr¨¦sence de migrants p¨ºchant la crevette et d'au-
tochtones p¨ºchant le poisson ; ces derniers revendiquent le droit de pro-
pri¨¦tg et la priorit¨¦ pour l'usage des eaux0
La complexit¨¦ du mode de gestion en Basse Casamance est sans commune me-
sure avec ce qui se passe en Moyenne Casamance.
CHABOUD.- Le droit coutumier est l'expression d'un certain rapport de forces g
quand les conditions sont stables d'un point de vue social, ¨¦conomique,
environnemental et technique, le droit coutumier peut s'appliquer, mais
quand on est en pleine ¨¦volution, on peut se demander si ce droit s'appli-
que et dans ces conditions si la puissance publique dispose de moyens
d'application d'une r¨¦glementation lorsque le droit coutumier ne permet
plus de r¨¦gler les probl¨¨mes de conflit.