Revue St?ndgalaise des Recherches Agricoles...
Revue St?ndgalaise
des Recherches Agricoles et Halieutiques - Vol. 2 - n4 2 - 1989
EVOLUTION RECENTE
DU COMPLEXE DES RAVAGEURS DU COTONNIEti
AU SENEGAL ET PERSPECTIVES
DE LA PROTECTION PHYTOSANITAIRE
I. DIONGUE
Chercheur h IXMAICRA Tambacounda
Direction des Recherches sur les Productions Végétales.
RESUME
La culture cotonniere s’est développée au Sénégal sans vraiment connaître de grosses
difficultés sur le plan phytosanitaire. Ceci est dû a l’efficacité de la lutte chimique rendue
aisée par une pression parasitaire relativement mcdMe. Les observations faites au cours
des dernières ann6es montrent une évolution du parasitisme marquk par le retour de
Diparopsis waters& l’importance de Heliothis armigera et de Sylepta derogata. la progres-
sion de Bemisia tabaci et d’rlphis gossypii et la précocité des attaques.
De nouvelles orientations sont proposées pour adapter la lutte contre les .ravageurs a
cette évolution.
Mots-cl& : Parasitisme/ Ravageurs du cotonnier/ Chenilles/ Insectes piqueurs-suceurs/
Protection phytosanitaire/ Lutte chimique/ Sénégal.

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ABSTRACT
Cotton growing has developed in Senegal without encountering major trop protec-
tion problems. This is due to an efficient chemical control facilated by a fairly low pest
infestation. Observations made during the last years indicated a retum of Dipuropsis watersi,
the importance of Heliothis armigera and Sylepta derogata, an increase of Bemisia tabaci
and Aphis gossypii and the precocity of the attacks. New research axes are proposed to
adapt pest control to this evolution.
Key words : Parasitism/Cotton pests/ Caterpillards/ Stringing-sucking insects/ Plant
protection/ Chemical control/ Senegal

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INTRODUCTION
Cest en 1964 que le coton est introduit au SCnégal en tant que spéculation encadrée.
Elle a vite connu un succès grâce aux revenus monétaires qu’elle génère pour les produc-
teurs et 1’Etat. Aujourd’hui sa culture int&esse des dizaines de milliers de producteurs dans
le sud du Sine Saloum, au Sénégal Oriental et en Casamance. En fonction des années,
la production varie entre 30 000 et 45 000 tonnes de coton-graine et les rendements dépassent
souvent la tonne a l’hectare (39 000 t et 1 300 kg/ba en 1987). La protection phyto-
sanitaire a été un des facteurs déterminants dans les résultats positifs enregistr&. Au cours
des dix demibres années cependant, on observe une évolution de la physionomie du para-
sitisme. Par ailleurs, suite aux changements intervenus il y a trois ans dans les modalités
de cession des intrants, le producteur a vu son revenu baisser. Pour maintenir ou accroître
son engouement pour la culture cotonnière, il est indispensable d’adapter la protection
phytosanitaire à ces nouvelles contraintes parasitaires et économiques.
Nous allons dans ce travail caractériser l’évolution du parasitisme et apporter des sug-
gestions pour rendre plus efficiente la lutte contre les ravageurs.
STATUT ACTUEL DES PRINCIPAUX RAVAGEURS
Au Sénégal, l’entomo-faune nuisible au cotonnier est assez diversif&, mais reste domi-
née par une dizaine d’espèces dont l’importance varie en fonction des r6gions et des ann6e.s.
Ravageurs des organes floro-fructif&es
Ce groupe est essentiellement constitué de chenilles ayant toutes une importance éco-
nomique. Les principales espèces sont : Heliothis armigera, Diparopsis watersii, Earias
insula
et E. biplaga. H. armigera est actuellement le ravageur dominant, responsable de
la plupart des attaques sur boutons floraux et capsules. Contrairement à D. watersii qui
est principalement localisé dans le sud, les autres esp5ces sont présentes dans toute la zone
cotonnière. H. armigera et D. watersii apparaissent à partir de la mi-août mais les
fortes attaques ont lieu en fin septembre et en octobre. Earias spp est plus précoce. En
dehors de ces espèces, il faut ajouter Cryptophlebia leucotreta uniquement présent dans
le sud mais U&S faiblement représenté et Dysdercus voelkeri dont les migrations sur coton-
nier s’observent à partir d’octobre dans le nord et le centre de la zone cotonnière.
Chenilles défoliatrices
La plus préoccupante est la chenille enrouleuse des feuilles Sylepta derogata. Elle est
présente dans toutes les régions et apparaît souvent avant le declenchement du program-
me de protection recommandé. Les autres espèces, Spodoptera littoralis et Cosmophila
Java, ont une importance moindre.
Ravageurs piqueurs-suceurs
Les trois espi2e.s les plus importantes sont Empoasca spp, Bemisia tabaci et Aphis
gossypii. Les jassides. observées sur l’ensemble des zones cotonnières durant toute la
saison causent de serieux dégâts en août et septembre. B. tabaci est largement distribué,
mais le centre et le sud de la zone cotonnière sont actuellement les principales régions
infestees. Des cotons collants ont été observés lors des deux demieres campagnes et sont
imputables aux aleurodes. Les pucerons dont la présence était jusqu’ici modeste et limitt%e
au sud se sont manifestés en 1988 par ieur extension géographique et leurs dégâts en debut
de végétation.

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‘Autres ravageurs ,
Les problèmes de levée dus aux diplolodes (iules) persistent encore dans certaines ré-
gions avec comme conséquence une réduction de la densité des plants et des faibles rende-
ments à la récolte.
En 1987 et en 1988, on a noté des dégâts causés par des chenilles de Amsacta sp sur
jeunes cotonniers. Ceci est un problème nouveau rencontré en Basse Casamance où le
coton vient d’être introduit.
CARACTERISTIQUES DE L’EVOLUTION DE L’ENTOMOFAUNE NUISIBLE
En 1978 la culture cotonniere a été soumise à une pression parasitaire exceptionnel-
lement forte et généralisée impliquant aussi bien les chenilles carpophages que les aleurodes.
11 en a résulté des chutes de rendement* variant entre 35 et 85 % suivant les régions. Si
depuis on n’a pas connu une situation analogue, on note ces dernières années une intensifi-
cation des attaques consécutives à l’évolution du complexe parasitaire. Cette évolution est
à la fois qualitative et quantitative et concerne principalement D. watersii, H. armirega,
S. derogatu et les ravageurs piqueurs-suceurs.
D. watersii et H. armigera
Ils ont toujours été les principaux déprédateurs de la phase fructifère et les ravageurs
dominants de la culture cotonnière. L’intensité du parasitisme est souvent liée à leurs niveaux
d’infestation. La figure 1 donne l’évolution de l’abscission parasitaire de 1977 à 1987 dans
des parcelles non protégées.
Jusqu’en 1980, D. wutersii était le ravageur le plus important et sévissait dans toute
la zone cotonnière. A partir de cette année-là, on observa une régression des populations
du ravageur qui perd son statut de déprtklateur dominant du cotonnier au profit de H.
urmigeru.
En même temps, son aire de distribution se réduit et se limite à la Casa-
mance, région où les fortes infestations étaient autrefois enregistrées. Ce recul de
D. wutersii a 6té rendu possible grâce à l’utilisation généralisée des pyréthrinoïdes au Sé-
négal à partir de 1980. Toutefois, depuis 1985, on note une recrudescence des popula-
tions principalement en Haute Casamance où elles sont parfois supérieures à celles de H.
urmigera.
De plus l’insecte est réapparu en 1987 dans le nord du Sénégal Oriental où il
etait absent lors des quatre précédentes années. La reprise de D. wutersii ne semble pas
liée à une résistance ou tolérance de l’insecte aux insecticides car les pyréthrinoïdes actuel-
lement vulgarisés ou expérimentés contrôlent correctement ce ravageur. Par contre, elle
pourrait resulter dune reconstitution progressive de populations du fait du non arrachage
des cotonniers en fin de campagne. En effet, la mesure de prophylaxie consistant à détruire
les plants aprcs les récoltes n’est quasiment jamais respectée.
Avec la récession de D. watersii, I-I. armigeru est devenu à partir de 1981 le ravageur
le plus important de par sa distribution et ses niveaux d’infestation. Cet insecte a toujours
été present sur toute la zone cotonnière, mais son importance variait dune région à l’autre.
* Ces chiffres sont obtenus en comparant le rendement d’une parcelle non traitke à celui d’une parcelle recevant une
protection insecticide tous les 7 jours.

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Fig. 1 a : Evolution de I’abscission parasitaire
Sinthiou Ma@rne, 1977 - 1987
, % organes troués et tombés
0
1977
1979
1981
1983
1985
1987 Andes
Fig. lb : Evolution de l’abscission parasitaire
Vélingara, 1977 - 1987
% organes troués et tombés

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Jusqu’au debut des années 80 les populations importantes étaient essentiellement obser-
vées dans le nord. Depuis, le ravageur est également devenu important dans les régions
les plus méridionales avec le développement de la culture. La progression de H. armigeru
constatée ces dernières années pourrait être liée, entre autres facteurs, au développement
des cultures maraîchbres dont il est aussi un déprédateur important (2). Le maraî-
chage en saison sèche dans certaines régions de la zone cotonnière a pu permettre à ce
polyphage de se maintenir toute l’année. Par ailleurs, il est émis l’hypothèse de migration
des populations de H. armigeru entre la zone maraîchère (Nord et Centre Ouest du pays)
et la zone cotonnière (Centre Sud, Est et Sud du pays) en fonction des saisons culturales.
Si un tel phenomène était mis en évidence par des études uldrieures, il faudrait tenir
compte de ce fait dans les programmes de protection phytosanitaire des deux cultures.
S. derogata
Cette chenille enrouleuse de feuilles a toujours existé dans toute la zone cotonniere à
des niveaux d’infestations relativement modérés, à l’exception de 1978 où on a noté de
fortes attaques. Mais depuis 1985 on observe constamment des populations importantes de
ce ravageur, principalement au Sénégal Oriental et en Haute Casamance. La présence de
ce prédateur est souvent attribuée à une mauvaise application d’insecticide. Cependant
d’autres facteurs devraient être pris en compte pour expliquer “l’explosion” de S. derogatu
ces dernières années au Sénégal. Tout d’abord les chenilles apparaissent bien avant la
première application d’insecticide (recommandée en debut de floraison) permettant ainsi la
constitution de populations élevées avant le demarrage effectif du programme de protection.
D’autre part, ces populations sont difficilement maîtrisées car les formulations actuel-
lement vulgarisées (associations pyréthrinoïde + organophosphoré aphicide ou aleurodicide)
n’assurent qu’un contrôle partiel de ce ravageur (3). Si l’incidence de S. derogata sur le
rendement semble faible, il n’en reste pas moins que ce ravageur constitue pour le produc-
teur un &l problème.
Insectes piqueurs-suceurs
C’est le groupe qui a connu ces dernières années l’évolution la plus spectaculaire mar-
quée par une progression significative de Empoasca spp, A. gossypii et B. tabuci. Parmi ces
trois ravageurs, les jassides sont les plus communes, mais les deux autres suscitent à l’heure
actuelle le plus d’inquiétude.
Les pucerons n’avaient réellement jamais posé de difficultés à la culture cotonnière, leur
présence était nulle ou extrêmement rkluite. C’est pratiquement 2 partir de 1985 que leur
installation a eu lieu dans la zone. Cette année-là, de faibles populations sont observées en
début de campagne en Moyenne Casamance, mais n’ont pas persisté par la suite. Depuis,
A. gossypii tend a devenir de plus en plus préoccupant en élargissant son aire de distri-
bution qui atteint la Haute Casamance en 1987, le Sénégal Oriental et le Sine Saloum en
1988. Si depuis 1985 on note une progression régulière des populations de pucerons, leurs
niveaux étaient restes modérés jusqu’en 1988 où de fortes infestations sont enregistrées
dès la mi-août sur toute la zone cotonniere, provoquant de sérieux dégâts sur les jeunes
plants ; la Haute Casamance a éd la partie la plus touchée par ces infestations.

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~a quasi absence d’A. gossypii avant 1985 a fait de B. tabaci le piqueur le plus redouté.
L’aleurode du cotonnier a toujours Cté signalé au Sénégal, mais seules les années 1978 et
1987 avaient connu des pullulations très importantes. Jusqu’en 1977, les infeStatiOnS
de moyenne importance observées étaient géneralement très localisées en Haute Casa-
mance et toujours liées à des parcelles à forte déficience potassique (1). Mais en 1978, on
assiste a partir de fin septembre a de grosses pullulations généralisées à l’ensemble de la
zone cotonnière, causant des dégâts en fin octobre - début novembre (présence de miellat
et de fumagine sur la fibre, chute de feuilles, dessechement des plants). L’année suivante,
les populations ont pu être maintenues en dessous du seuil de nuisibilité grâce à l’utilisation
de produits systémiques efficaces. Depuis, B. tabaci avait une présence discréte dans
certaines régions (Sénegal Oriental et Casamance) et était absente dans les autres. A partir
de 1984 cependant, le ravageur reprenait sa progression pour aboutir aux fortes infes-
tations de 1987. Celles-ci ont Cté à l’origine des dégâts particulièrement sévères au Séné-
gal Oriental et en Haute Casamance. Contrairement à 1978, les pullulations de ces dernières
années apparaissent précocement (mi-août) et atteignent leurs maxima entre la mi-novembre
et début décembre (figures 2 et 3).
Divers facteurs pourraient expliquer le récent développement des ravageurs piqueurs -
suceurs. Notons qu’en 1978, “l’explosion” de B. tabaci était un problème nouveau et ponctuel
rapidement maîtrisé l’année d’après. En 1987, la situation était autre, car résultant d’un pro-
cessus de progression du ravageur déclenche quatre ans plus tôt. Par ailleurs, les conditions
de la culture cotonnière au Sénégal en 1978 sont différentes de celles de 1987. En effet il
y a eu entre temps des modifications déterminantes sur le plan phytosanitaire : genéralisation
de la pulvérisation Ultra Bas Volume (UBV) à partir de 1979 et des pyréthrinoïdes à partir
de 1980. L’expansion des piqueurs - suceurs n’est pas sans rapport avec les limites de ces’
deux innovations : inefficacité en général des pyréthrinoïdes sur ce groupe de ravageurs,
incapacité de la pulvérisation UBV à atteindre leurs sites de développement. Une deuxième
série de facteurs est liée a la pluvioméhie. Ces demiéres années en effet, on enregistre
l’installation tardive des pluies et leur prolongation jusqu’à la mi-octobre. Cette situation
oblige les paysans a semer tard mais favorise également le maintien jusqu’en novembre -
décembre dune abondante végétation, source de pullulations de piqueurs. Enfin, il y a les
facteurs liés à la plante et à la conduite de la culture. A cet égard, nos observations de la
campagne 1987 permettent de penser que la combinaison des trois elements suivants a favo-
risé les fortes infestations d’aleurodes : le non respect de certains thémes techniques (dema-
riage, sarclages), la forte fumure (parcelles parquées) et enfin l’exubérance de la vég&+tion
observée chez la variété nouvellement vulgaris6.e (IRMA 96 + 97) qui a fortement gêne les
applications insecticides.
L’importance des ravageurs piqueurs-suceurs n’était perçue qu’a travers les deg& in-
directs (collage de la fibre de coton) dont ils sont responsables. Grâce a I’utilisation de pro-
duits appropriés, les populations étaient maintenues à des niveaux faibles ou moder& sans
pour autant que leur incidence sur le potentiel de production soit quantif&. Dans les condi-
tions de fortes infestations de 1987, nos essais ont montre que l’utilisation d’un produit organe-
phosphoré seul apportait au rendement, suivant les regions, des gains de 10 a plus de
50 % par rapport à une protection nulle (4). D’où l’importance qu’il faut accorder a la lutte
contre ces ravageurs.

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-
Fig. 2 : Captures de Bemisia tabaci
Sinthiou Maléme 1986 - 1987
Nombre adultes capturés
Semaines
-
+
- 1986
-*- 1987
Fig. 3 : Captures de Bemisia tabaci
Vklingara 1986 - 1987
Nombre adultes capturés
500
400
300
200
100
0
-+- 1986
-*- 1987

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ADAPTATION DE LA PROTECTION PHYTOSANITAIRE
L’évolution du faciès parasitaire doit impliquer une nouvelle approche dans la lutte contre
les’ravageurs. Cette adaptation de la protection phytosanitaire passe par un choix raisonné
des matières actives dans des programmes rationnels, une meilleure efficacité des applica-
tions insecticides et une sensibilisation de l’encadrement aux problemes phytosanitaires.
Choix des matiéres actives et mise au point de programmes
Les résultats satisfaisants obtenus jusqu’ici par la lutte chimique sont imputables à
l’efficacité des matiéres actives utilisées dans le passé ou de nos jours. Les piqueurs - suceurs
ont pu être contrôlés grâce à l’emploi généralisé de produits tels que le méthyl-parathion
ou le monocrotophos, puis du diméthoate à partir de 1979. De même contre les chenilles
des organes florofructifères, les pyréthrinoïdes ont connu un très important succès.
Aujourd’hui les matières actives peuvent contrôler de manière satisfaisante les chenilles
carpophages et les insectes piqueurs. Quant aux chenilles défoliatrices, particulièrement S.
l’incorporation d’un organophosphoré acaricide a faible dose dans les formules
peut r&iuire l’ampleur du problème ; le triazophos et le profénofos par exemple donnent de
bons résultats sur cette pyrale (3).
Etant donne le large éventail de matières actives actuellement disponibles, les succès que
l’on peut attendre de la lutte chimique dépendront surtout de la bonne organisation de celle-
ci. Il faudra par conséquent élaborer des programmes de protection qui répondent mieux à
la nouvelle physionomie du parasitisme. Ces programmes devront prendre en considération
les éléments suivants :
l
Dynamique de populations des ravageurs dans les différentes régions ;
l
Proportion de plus en plus importante de semis tardifs (très vulnérables aux
attaques precoces) à cause du “recul” de l’hivernage, mais également du fait
que les paysans sèment toujours les céréales avant le coton, pour des raisons
de sécurité alimentaire ;
l
Présence parfois importante de certains ravageurs (piqueurs et chenilles dé-
foliatrices) avant la date actuellement recommandée pour déclencher le pro-
gramme de protection, d’où la nécessité de revoir la date et le contenu de la
première application insecticide ;
l
Végétation importante en novembre - décembre et propice aux pullulations des
pucerons et aleurodes, alors que les kcoltes du coton-graine sont loin d’être
terminées ou même commencées.
Efficacité des applications insecticides
Depuis 1979, la totalité des superficies cotonnières est traitée en UBV (4 puis 3 l/ha)
après que cette technique fut introduite deux ans plus tôt. Ce mode de pulvérisation obtint
un important succès grâce aux avantages certains qu’il présente par rapport à la pulvérisa-
tion conventionnelle : formulation prête à l’emploi, réduction des quantités épandues a l’hec-
tare, maniabilité de l’appareil. Mais parce que ne pénétrant pas suffisamment le feuillage,
la pulvérisation UBV ne contrôle pas correctement les aleurodes et les pucerons qui vivent

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sur la face inférieure des feuilles. Cette insuffisance est d’autant plus marquée que l’on se
trouve en présence de populations importantes de piqueurs-suceurs ou dune végétation
abondante comme ce fut le cas en 1987. Il faudra donc dans le contexte parasitaire actuel
surmonter cette difficulté. Les solutions envisageables consistent à :
l
améliorer l’efficacité de la technique UBV elle-même, en modulant les quan-
tités de formulation à epandre en fonction du développement végétatif de la
culture
l ou passer au Très Bas Volume (10 l/ha) ou “TBV à l’eau”.
Les mauvaises applications UBV observées ça et là découlent paradoxalement d’un des
avantages de cette technique, la maniabilité. En effet l’appareil étant très léger, très souvent
les paysans se déchargent sur leurs enfants de l’exécution des traitements insecticides.
Outre les problèmes de toxicité que cela peut poser, les conditions d’une bonne application
(position de l’appareil par rapport à la plante, vitesse de marche, etc...) ne sont pas toujours
réunies dans ces cas.
Sensibilisation de l’encadrement de base
Après vingt cinq ans de culture cotonnière au Sénégal, on ne peut pas dire que tous les
thèmes techniques sont bien assimilés par les paysans. Si la nécessité de la protection
phytosanitaire est bien comprise, on note par contre des insuffisances dans l’application de
certains thèmes agronomiques qui peuvent influencer le parasitisme : c’est le cas des sarclages
et de la date d’apport de la fumure. De même, des mesures de prophylaxie tel l’arrachage
des plants après récoltes, ne sont pratiquement jamais respectées. C’est à ce niveau que le
rôle de l’encadrement est essentiel. De par sa position de relais entre les organismes de
conception (Recherche, Societé de développement) et les paysans, l’encadreur de base a une
grande responsabilité dans le devenir d’une politique phytosanitaire. Cette responsabilité ne
peut être assumée efficacement si l’agent n’est pas rccllement impliqué dans la gestion
quotidienne des problèmes phytosanitaires, ce qui est hélas trop souvent le cas. C’est pourquoi
il est indispensable aujourd’hui de mettre l’accent sur la formation du personnel. Celle-ci
doit permettre aux encadreurs de base :
l
de pouvoir identifier les différents ravageurs et leurs dégâts ;
l
de pouvoir apprécier les niveaux d’infcstations et juger dc l’opportunité de
déclencher un programme de protection ;
l
d’appréhender les relations qui peuvent exister entre la conduite de la culture
(entretien, niveaux de fumure, etc...) et le parasitisme ;
l
de comprendre les objectifs et le contenu des programmes de protection ;
l
d’être mieux informés sur les caracteristiques de la technique d’application des
produits.
Si l’encadreur ne répond pas à un tel profil, il lui sera impossible d’apporter une aide
aux paysans sur le plan phytosanitaire, et de leur transmettre les informations techniques
élémentaires.

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CONCLUSION
En dehors de quelques années exceptionnelles, la culture cotonnière n’a pas connu de
problèmes phytosanitaires majeurs. Les ravageurs jusqu’ici dominants, ceux de la phase
fructifière, ont pu être contrôlés grâce à l’efficacité des produits utilisés. Aujourd’hui les
insectes piqueurs occupent une place de plus en plus importante dans le complexe parasi-
taire et les chenilles phyllophages sont mal maîtrisées. Le développement d’autres cultures,
irriguées ou pluviales, dans la zone cotonnière et les modifications de la physionomie de
la pluviométrie ne sont pas sans conséquences sur la dynamique des populations des ravageurs.
Par ailleurs -l’extension de la culture cotonnière vers de nouvelles éco-régions, notamment
la Basse Casamance, posera sans doute des problèmes phytosanitaires particuliers.
Ce sont là de nouvelles données dont il faudra tenir compte pour une rkessaire redéfi-
nition du concept de la protection du cotonnier. 11 existe aujourd’hui une large gamme de
matières actives pouvant assurer à la culture cotonnière un état sanitaire satisfaisant. La
maîtrise du parasitisme dépendra surtout de l’efficience des applications insecticides et de
la cohérence des programmes de protection à mettre en œuvre. Ces facteurs sont pris en
compte dans nos programmes de recherches. II appartiendra aux responsables de la vulga-
risation de relever, par la formation, le niveau de l’encadrement de base pour que celui-ci
puisse assister plus efficacement les producteurs. +
BIBLIOGRAPHIE
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culture cotonnière. Rapport annuel 1978 - 1979, Entomologie - ISRA/SCS, Sénégal,
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