INSTITUT SENEGALAIS DE RECHERCHES AGRICOLES 1 ...
INSTITUT SENEGALAIS DE
RECHERCHES AGRICOLES
1
ETUDES ET DOCUMENTS
LES FORGERONS
ET LE MATÉRIEL
DE CULTURE ATTELÉE

Matar GAYE
ISSN 08504933
Vol 4 N”2
1991

ISRA
Institut Sénégalais de Recherches Agricoles
Rue Thiong x Valmy
BP. 3120
DAKAR, Sénégal
m 2 1 2 4 2 5 1 2 1 1 9 1 3
Telex - 61117 SG
TLC 22 34 13

Document réaliié par
la Direction des Recherches sur les Systbmes Agraires et I’Economle Agricole
Route du Front de Terre
B.P. 2057
Dakar - Hann
Fi? 3 2 0 4 4 2
Matar GAYE,
Ingénieur agronome, Economiste
Chercheur à I%RA
Kaolack
Cette publication a été réalisée grâce à une subvention
du Centre de Recherches pour le Développement
International (CRDI), Ottawa, Canada
0c 1SKA 1991
Conception et rEalisalion UNIVAL-ISK.4

LES FORGERONS
ET LE MATÉRIEL
DE CULTURE ATTELÉE

ISRA - ETUDES ET DOCUMENTS -Vol. 4 - W 2 - 1991
LES FORGERONS
ET LE MATÉRIEL DE CULTURE A’ITELÉE w
M. GAYE,
Chercheur de I’ISRA
Direction &s Recherches sur les Systèmes Agraires et I’Economie Agricole
RÉSUMÉ
Depuis la mise en veilleuse du crédit agricole à partir de 1979-80, le monde
rural n’a pratiquement pas été alimente en matériel neuf pour la culture attelee. Le
maintien en activité du parc existant et la satisfaction des besoins nouveaux cons-
tituent un problème préoccupant. A ce propos, les artisans et plus particulièrement
les forgerons jouent un rôle de premier plan. Ils sont au centre d’un véritable marché
qui s’organise autour du matériel agricole.
Les services de réparation, les pièces détachées et le recyclage de machines
vétustes sont les principaux domaines d’intervention des forgerons. Ils permettent
dans une large mesure de résoudre le premier aspect du problème c’est-à-dire le
maintien du parc en état de fonctionnement. Leurs potentialités sont plutôt limitées
quand il s’agit de satisfaire une demande nouvelle. Les principales contraintes se
situent au niveau de l’outillage des forges et de l’approvisiomrement en matière
d’onrvre.
(1) Cene publication a été réalisée grâce à une subvention du Centre de Recherches pour le Développement
International, Ottawa. Canada.

2
ABSTR.ACT
Since agricultural credit was suspended in 1979-80, rural markets have pratically
not been supplied with new equipment for animal traction. Facing up to maintainance
problerns and new needs is now a serious challenge. With respect to such a situation,
craftsmen and paricularly blacksmiths play a major role. A mal maket is taking form
around their activites centred on farm machmery.
Interventions are focussed on repear services, spear parts and recycling of wom-
out machines. Actual performances are quite encouraging for the aspects of the
problem which deal with maintenance. However, potentials seen rather limited
when new ne& have to be satisfied. The main constraints are related to technicaf
equipments at the workshop level and to provision of raw material.

INTRODUCTION
CONTEXTE ET JUSTIFICATIFS DE L?ÉTCJDE
Cette etude s’inscrit dans un programme plus étendu et visant à appréhender les enjeux
de la politique agricole sous l’angle des nouvelles orientations. Celles-ci entendent pro-
mouvoir le rôle du secteur privé au sein de l’économie rurale. Cela suppose au préalable
une bonne connaissance des intervenants et de leurs différents domaines d’interventions.
A cet égard, les artisans forgerons constituent une catégorie d’agents économiques diiec-
tement impliqués. Leur domaine d’intervention, en l’occurrence le matériel agricole
constitue actuellement un sujet préoccupant. En effet, depuis la suspension du Programme
Agricole à partir de 1979430, on peut pratiquement dire qu’aucun matériel neuf n’a été
distribué aux paysans. La maintenance du parc et son renouvellement suscitent quelques
inquiétudes. A ce propos, une analyse globale du secteur agricole souligne que le seul
maintien du capital machine introduit en milieu rural requiert un minimum de services
qui ne sont plus fournis par les structures officielles traditionnellement chargées d’appro-
visionner les agriculteurs en facteurs de productions (3).
Tandis que des voix s’élèvent pour le rétablissement du Programme Agricole qui
permettait aux paysans d’acquérir des équipements neufs à crédit, d’autres expriment leur
optimisme quant aux potentialités de l’artisanat. Le septième Plan de Développement
Economique et Social (198590) retient dans ses actions dites prioritaires la relance d’un
ancien programme d’encadrement de forgerons en vue de faire face au problème. La ques-
tion se pose de savoir s’il faut en faire une simple solution de crise ou une option à
consolider.
Des enquêtes menées dans les départements de Nioro et Fatick (2) ont mis en évidence
le rôle des forgerons dans la maintenance du matériel agricole devenu vétuste et en dé-
gradation croissante. Cependant, pour mieux cerner la situation, il convient de prolonger
ces études techniques et de les élargir à d’autres disciplines.
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
Les études techniques ont notamment porte sur l’évaluation qualitative du parc et sur
l’analyse des possibilités de sa maintenance. Il s’agit ici de prendre le relais en vue d’exa-
miner plus particulièrement quelques aspects économiques du problème.
Notre principale hypothèse de travail est qu’avec la suspension du Programme Agricole
depuis 1980, un important marché informel se développe autour du matériel de culture
attelée.
L’objectif global de l’étude est d’appréhender les caractéristiques de ce marche
centre sur l’artisanat et d’en tirer les implications sur le plan de la politique en matière
d’équipements agricoles.
Les objectifs spécifiques peuvent se résumer en trois points a savoir :

4
0 présenter une vue d’ensemble du secteur artisanal par une description des prin-
cipaux acteurs et de leurs conditions de travail;
0 déterminer l’importance relative du matériel agricole dans l’activité des for-
gerons;
8 cerner les besoins actuels, l’évolution des disponibilités et les transactions
concernant l’équipement des exploitations depuis la mise en veilleuse du Pro-
gramme Agricole.
M É T H O D O L O G I E
Pour avoir un cadre d’échantillonnage, nous sommes partis de 240 exploitations agri-
coles suivies depuis 1986 et réparties sur 78 villages, La zone géographique est composée
par l’ensemble des régions de Fatick et de Kaolack. Chaque exploitant devait préciser
le nom et le lieu de travail du forgeron le plus sollicité d’une part pour les réparations
jugées sérieuses et d’autres part pour les pannes légères. Dans un quart des cas, les répon-
dants s’adressaient à des forgerons différents selon la gravité du problème. Cela suppose
une certaine hétérogénéité dans les qualifications ou dans les outillages disponibles au
niveau de ces artisans. Les premières reconnaissances ont permis de constater que beaucoup
de forgerons ne sont que de petits tâcherons qui n’ont pour ainsi dire pas de forge. Cette
constatation nous a amené à ne retenir que les artisans indiqués en ce qui concerne les
réparations « sérieuses », le terme étant subjectif. Au total, 96 individus ont été identifiés
dont 6 résident dans les régions de Diourbel et de lhiès et les 90 autres dans les régions
de Fatick et Kaolack.
Le questionnaire s’adresse au propriétaire de la forge qui n’est pas nécessairement
celui dont le nom a été mentionné auparavant. Les informations recueillies se regroupent
en cinq grandes parties.
Il y a tout d’abord les renseignements généraux portant en particulier sur les activités
pratiquées, la place du travail d’artisan par rapport aux autres occupations, l’importance
relative des différents domaines d’activités de la forge, la formation rque, l’appartenance
à diverses organisations etc...
La seconde partie concerne uniquement l’activité dans le domaine du matériel agricole.
Les principales questions portent sur les fabrications de pièces détachées et de machines
destinées à la vente.
La troisième partie a trait au financement des activités de forgeron. L’accent est mis
sur le mode d’acquisition des moyens de travail, l’accès au crédit, les priorités dans son
utilisation et le potentiel de garantie.
La quatrième partie s’intéresse à l’approvisionnement des forges en matière d’ceuvre.
L’attention a notamment porte sur les problèmes d’ordre logistique et sur l’achat de vieilles
machines agricoles destinées soit à servir de ferraille soit à être réinjectées dans le circuit
après remise en état.

5
La cinquième et demiere partie concerne l’écoulement des outils fabriques sur le marché.
Xl va sans dire que la r&rlité ne peut être cernée dans son ensemble si l’investigation
ne se prolonge pas jusqu’à l’utilisateur du matériel c’est-à-dire le paysan. Ainsi, l’enquête
s’est poursuivie au niveau des 240 exploitations à partir desquelles les forgerons ont été
identifi&. Les informations recueillies portent essentiellement sur les besoins et disponi-
bilités en matériel agricole, la composition du parc selon l’origine industrielle ou artisanale
des machines, les acquisitions depuis la suspension du Programme Agricole, les ventes
rt!alisées pour diverses raisons, l’approvisionnement en pièces de rechange, l’accès aux
services de réparation et l’incidence des pannes.
Enfin, des releds de prix ont également été réalises auprès de quelques marchands
distributeurs.
VUE D’ENSEMBLE SUR LES FORGERONS
ANCIENNETÉ ET MODE D’INSTALLATION
L’âge des répondants varie entre 23 et 68 ans avec une moyenne située autour de
42 ans. Environ la moitié d’entre eux ont leur propre forge depuis plus de 15 ans. Les
moyens de travail au depart ont été obtenus selon les modalités suivantes :
autofinancement : 53 %
héritage
: 41%
don
: 5%
emprunt d’outils : 1 %
On constate qu’aucun forgeron n’a obtenu un crédit pour les besoins de son installation.
L’autofinancement qui constitue la modalité dominante est réalisé grâce à des revenus
provenant d’autres activités et notamment de l’agriculture. La forte proportion de ceux
qui ont obtenu leur forge par héritage reflète une dimension sociologique de ce métier
qui se transmet de père en fils. Cela confère à l’exploitation de la forge un caractère
familial et lui assure une certaine continuité. Une telle réalité n’est pas sans intérêt quand
il s’agit d’octroyer aux forgerons des crédits à moyen terme.
LIEUX D’IMl%ANTATION
L’echantillon est gtographiquement réparti sur un ensemble de 54 localités à travers
les régions de Fatick et de Kaolack. La répartition des 90 forges selon l’importance
administrative du lieu d’implantation est la suivante :
communes urbaines
29 %
chefs-lieux d’arrondissement
:
19 %
chefs-lieux de communauté rurale :
20 %
villages simples
32 %

6
On peut a priori deduirc de cette répartition que le milieu rural est relativement bien
desservi en forges. La moitie des forges est située dans des localités dotées de marchés
hebdomadaires. Ces marchés sont des pôles d’attraction pour les paysans qui en profitent
pour régler cn même temps plusieurs problèmes dont ceux relatifs au matériel agricole.
DOMAINES D’ACTIVITÉ
Un point commun à l’ensemble des forgerons interrogés est le fait de travailler sur
le matCrie agricole. Cela va de soi compte tenu de la manière dont ils ont été identifiés.
Au total, 85 forgerons sur les 90 dCclarent exercer lc metier à titre d’activité principale.
Dans l’enscmblc, 60% des répondants ont l’agriculture comme activité secondaire tandis
que le quart d’entre eux ne sont que forgerons.
Plus de trois quarts des forges travaillent principalement dans le domaine du matériel
agricole et 17% n’ont pas de spécialité dominante. Les « menuiseries métalliques » ont
une gamme d’activités plus diversifiée. Certaines d’entre elles sont de véritables entre-
prises scmi-industrielles et on les rencontre surtout en milieu urbain.
FORMATION ET STRUCTURES ASSOCIATIVES
Ceux qui ont fait l’École française sont au nombre de 16, soit 18% avec un niveau
moyen dc scolarisation égal à 3 ans. Sur le plan professionnel, le quart des forgerons
a benéficié de formations autres que l’apprentissage traditionnel. Il s’agit notamment de
qualifications acquises dans lc cadre de projets encadrés (SODEVA, BIT etc...).
Pour ce qui concerne les structures associatives, on note que sur les 90 forgerons, 52
sont membres de sections villageoises, 43 ont adhéré à la chambre des métiers et 9 parti-
cipent à des associations informelles regroupant des artisans. Ceux qui n’appartiennent
à aucune de ces trois formes d’organisation représentent 14% de l’échantillon.
Le croisement des variables éducation (école française) et suivi d’une formation pro-
fessionnelle spéciale donne une distribution aléatoire. Il en est de même quand on croise
éducation et participation à des associations d’artisans. Par contre, le fait d’avoir bénéficié
dc formation spéciale et l’appartenance à des groupements d’artisans sont en relation
statistiquement significative. Le test de FISIIER donne une probabilité de l’ordre de 5%.
Sur le plan technique, la presque totalité des forgerons (84 sur 90) déclarent qu’ils
sont obligés de confier certains travaux spécifiques à d’autres forgerons. Il s’agit en
gCnéral de tâches mkessitant un outillage qui n’est pas à portée de main.
DISPONIRILITÉ D’ÉQUIPEMENTS DE SOUDURE
La répartition des 90 forges en fonction de la disponibilité d’équipements de soudure
au moment des enquêtes se présente comme suit :
équipement complet fonctionnel
:
22 %

7
équipement complet noir fonctionnel :
7 %
équipement incomplet
: 49%
aucun 6quipement
: 22%
La proportion de forges disposant d’équipement de soudure incomplet s’avère assez
élevée. Une telle situation serait liée au fait que le matériel est assez cher et son acqui-
sition ne peut être que progressive en l’absence de crédit.
Un seul forgeron disposant d’un équipement complet de soudure estime que son in-
vestissement n’a pas été rentable surtout à cause de fréquentes pannes. Avec l’expérience
de la SODEVA, certains forgerons équipés et encadrés sont par la suite partis avec leur
matkiel dans des localités plus peuplées. Ainsi, M de nos soucis était de savoir dans
quelle mesure la possibilité de rentabiliser un poste de soudure était fonction du lieu
d’implantation. Tous nos interlocuteurs, à l’exception d’un seul, soutiennent qu’ils peuvent
rentabiliser un tel investissement sans être obligés de déménager leur forge. Cependant,
nous avons observé des cas où le matériel de soudure est installé sur charrette de façon
quasi permanente pour suivre les marchés hebdomadaires. En règle générale, les postes
sédentaires appartiennent à des forgerons installés en zone urbaine tandis que l’exploi-
tation itinérante caractérise surtout ceux qui ont implanté leur forge dans des localités
moins importantes.
SAISONNALITÉ DU TRAVAIL
La saisonnalité du travail est fonction du degré et du domaine de spécialisation. Pour
la plupart des forges qui travaillent essentiellement sur le matériel agricole, la période
de pointe correspond à la veille de l’hivernage. L’essentiel est de noter que la demande
est moins forte au moment où elle est supposée être plus solvable (traite). Cette situation
peut expliquer le fait que dans bien des cas, les forgerons travaillant sur le matériel
agricole sont payés en nature (2). Ceci aurait contribué aux difficultés de remboursement
des crédits que certains forgerons avaient obtenus de la SODEVA.
PROBLÈMES GÉNÉRAUX
A la question de savoir à quel niveau se situe le principal problème rencontré par
chaque répondant dans ses activités de forgeron en général, la distribution des 90 réponses
se présente comme suit (fréquences absolues) :
équipement
79
matières premieres :
8
infrastructures :
2
vente des produits :
1
Chaque type de contrainte et en particulier les deux premiers, représente une catégorie
générale qu’il conviendrait de détailler.

8
Le problème d’équipement constitue sans équivoque le souci majeur des forgerons dont
les produits et services semblent trouver une bonne place sur le marché.
LE MATÉRIEL AGRICOLE DANS LES EXPLOITATIONS
DISPONIEHLItiS
Pour le matériel de culture atte&, les emprunts et locations totalisent environ 2% des
disponibilités. Les exploitations n’ayant pas d’équipements leur appartenant se répartis-
sent comme suit :
pas de houe
:
1,6 %
pas de semoir
:
3,3 %
pas de charrette :
31,6 %
pas d’arara :
81,6 %
pas de charrue :
97s %
pas de polyculteur :
99,0 %
Dans l’ensemble, 1,25% des exploitations ne disposent d’aucun matériel de culture
attelée. Le nombre d’unités jugées inutilisables reprksente 2,7% du parc total.
On observe que les houes et en particulier les houes-sines constituent le type de matériel
le plus répandu. La densité est d’une machine pour 6,5 hectares (toutes cultures confon-
dues) si l’on considère l’hivernage 1987. Il y a donc un sous-équipement assez signi-
ficatif par rapport aux normes d’une houe pour 3 à 4 hectares préconisées pour la zone-
centre. Quant aux semoirs, on obtient environ une machine pour 3,7 hectares d’arachide
en 1987. Cette densité est donc plus ou moins adéquate sur le plan quantitatif car la norme
est de 3 hectares d’arachide par semoir.
Si l’on compare la situation actuelle à celle de la dernière année du Programme Agricole,
la variation des disponibilités d’équipements fonctionnels se résume comme suit :
houes
: +20 %
charrettes équines : +12 %
semoirs
.
.
+9 %
charrettes bovines :
0 %
charrues
0%
araras
0%
charrettes asines : -70 %
En terme global, le nombre d’unités fonctionnelles disponibles s’est accru de 11% pour
l’ensemble du matériel de culture attelée.

9
Tandis que le parc de houes a augmenté de manière conséquente, les charrettes asines
tendent plutôt à disparaître. Celles-ci semblent se drainer vers Kaolack où elles sont uti-
lis6e.s par les vendeurs d’eau douce et aussi comme pousse-pousse.
On peut constater que la progression quantitative du niveau d’équipement ne s’ex-
plique pas à 100% par l’acquisition de matériel artisanal. Même dans le domaine des
houes où l’artisanat semble plus impliqué, les unités considérées comme intégralement
artisanales ne représentent que 4% des disponibilités. Il existerait donc un flux de ma-
chines venant d’autres zones pour alimenter le marché de l’occasion.
BESOIN EN MA!I’ÉRIEL
Si l’on exclut les emprunts et locations, les besoins exprimés à l’échelle des exploi-
tations sont satisfaits dans les proportions suivantes :
houes occidentales :
89 %
semoirs
-
. 71%
houes-sines
: 66%
araras
: 59%
autres houes
: 58%
charrettes équines :
57 %
charrettes bovines :
43 %
charrues
: 30%
charrettes asines
: 22%
polyculteurs :
25 %
En examinant ces chiffres, il y a lieu de garder à l’esprit que le taux de satisfaction
des besoins ne constitue pas un bon indice d’appréciation de la demande potentielle. Lc
pourcentage des exploitations ayant des besoins non satisfaits et le nombre d’unités ad-
ditionnelles correspondantes sont plus significatifs. On constate à cet égard que malgr6
le faible niveau de satisfaction des besoins en charrettes asines, polyculteurs et charrues,
la demande potentielle n’est pas importante puisque seulement 5 à 10% des exploitations
sont concernées. Par contre, pour les semoirs, les houes-sines et les charrettes cquincs,
on a une situation inverse et environ 60% des exploitations sont concernées. L’idée ccntralc
ici est que chaque exploitation n’éprouve pas le besoin de posséder chaque type dc matSric1.
Sur cette base, la priorité revient aux semoirs, houes-sines et charrettes équines qui rC-
pondent mieux aux besoins des paysans. Les autres types de matcric som classCs
nettement plus bas. A titre d’exemple, 73% des exploitations déclarent n’avoir pas besoin
de houes occidentales dans leur parc.
Le pourcentage est encore plus élevé pour les araras, les charrettes asincs ct bovines,
les charrues et les polyculteurs.

10
ACFIATS ET VENTES D’ltQUIPEMENTS
Depuis la suspension du Programme Agricole, le nombre de machines et charrettes
achetées est presque le double du nombre vendu sur la même période. Cela se traduit
par une balance nettement positive qui equivaut a 13% de l’ensemble du parc actuellement
en fonction.
Si l’on considere uniquement les achats, le nombre d’unités se repartit comme suit :
houes
: 3 9 % ’
semoirs :
33 %
charrettes :
26 %
araras : 2%
L’ensemble de ces achats a été réalisé seulement par 40% des exploitations. Il reste
à savoir s’il s’agit de renouvellement, de premières installations ou d’expansion. La
dernière hypothèse traduirait une tendance vers une plus grande concentration de l’agri-
culture car il s’agirait d’une croissance n’impliquant pas la majorité des exploitations.
Quant aux ventes de matériel réalisées depuis la mise en veilleuse pour ne pas dire
la fin du Programme Agricole, elles ont concerné les semoirs (43%), les charrettes (33%),
les houes (20%) et les araras (4%). Pour le matkiel de culture attelée et les animaux
de trait, la répartition des ventes selon la raison principale est la suivante :
achat de vivres
: 31%
cérémonies familiales : 29 %
achat de semences : 8 %
défaut
3%
besoins divers
: 29 %
Toutes les ventes ont été réalisées par 20% des exploitations. Parmi celles ayant
désinvesti, 80% n’ont procédé à aucune acquisition de machine ou charrette sur la même
période.
Le plus grand nombre de ventes est enregistré au moment de la soudure. Les semoirs
ont la particularité de n’être utilises qu’en début de saison, ce qui les prédispose davantage
à la vente en cas de besoin. Par contre, les araras et houes-sines sont mieux préservés
dans la mesure où les paysans en ont grand besoin pour le soulevage de l’arachide qui
a lieu après la période de soudure.
FAClLItiS DE MAINTENANCE
La maintenance du matériel dépend de la disponibilité de pièces de rechange et de
l’accès aux services de réparation. Pour les machines, la moitié des chefs d’exploitation

11
affirment ne pas connaître d’endroit où les pièces d’origine sont en vente. Pour les autres
répondants, les distances indiquées varient de 0 à 56 km avec une moyenne d’environ
15 km. S’agissant des pièces de fabrication artisanale, elles sont géographiquement plus
accessibles, le rayon moyen indique étant de 6 km. Les plus proches réparateurs sont
trouvés sur une distance à peu près équivalente. Dans le cas des réparations nécessitant
une soudure, le parcours a effectuer est légèrement plus long et se situe dans l’ordre de
8 km. Pour certaines zones moins bien desservies, les plus proches postes de soudure
ne sont pas à moins de 35 km.
LE MATÉRIEL AGRICOLE DANS L’ACTIVITÉ DES FORGERONS
IMPORTANCE RELATIVE
Comme nous l’avons souligné auparavant, environ trois quarts des forgerons admettent
que le matériel agricole constitue leur principal domaine d’activité. Selon les estimations
moyennes pour l’ensemble de l’échantillon, les revenus provenant du travail de forgeron
se répartissent comme suit :
réparations de matériel agricole
: 39%
ventes de pieces détachées
: 21%
ventes de machines agricoles
: 15%
travaux non liés au matériel agricole : 19 %
Etant donné l’absence quasi-générale de comptabilité (seuls 7 forgerons sur 90 enquêtes
tiennent des comptes), ces estimations ne peuvent être qu’approximatives. Les répara-
tions de materiel agricole (prestations de services) et les ventes de pièces detachées
dominent nettement les autres rubriques. La vente de machines fabriquées ou simplement
remises en Ctat constitue une activité plus restreinte.
RkPARATION DE MACHINES
Nous pouvons distinguer d’une part les réparations effectuées pour des clients qui
paient le service et d’autre part celles portant sur des machines obtenues d’occasion et
destinées à être vendues après remise en état. Ici nous ne discuterons pas du second
volet, il constitue un point commun a l’ensemble des forgerons. Compte tenu des travaux
de HAVARD à ce sujet, nous nous contenterons de quelques observations. Sur les 90
forgerons, 32 op&rent de façon itinérante. Ils suivent les marchés hebdomadaires avec leurs
outils pour effectuer divers travaux à la demande. Si l’on considère le plus éloigné des
marchés
fréquentes par chacun d’eux, le rayon autour du lieu d’implantation de la forge
est de 24 km en moyenne avec un maximum dépassant 80 km. Cette fluidité de l’offre
est B l’avantage des paysans qui peuvent bénéficier d’une certaine concurrence sur le marche
des services de réparation. La quasi-totalité des forgerons affirment que la demande de
services est nettement plus forte au moment des prcparatifs de l’hivernage. Cela fait
penser que les problèmes ponctuels survenus en cours d’utilisation des machines pendant

12
l’hivernage ont une incidence moins grande. Toutefois, Kaolack offre à ce sujet un spec-
tacle intéressant qu’il faut méditer. En effet, on peut observer chaque jour un véritable
défile de machines sur toutes sortes de véhicules quittant la ville à la veille de l’hivernage.
Au lendemain de la Premiere pluie utile, l’attention ne pouvait manquer d’être frappée
par le fait que de nombreux semoirs charges sur des charrettes notamment, font le voyage
dans le sens inverse et tous les indices montrent qu’ils viennent des champs. La question
reste de savoir jusqu’à quand ces machines devenues trop vétustes peuvent être main-
tenues en activité grâce aux services de l’artisanat.
FABRICATION DE PIkCES DÉTACH&ES
La fabrication de pièces détachées va souvent de pair avec les services de réparation.
Nous nous intéressons uniquement à la confection de pièces en lots destinées à être
vendues sur le marché. Les forgerons de l’échantillon à l’exception de quatre s’adonnent
à cette pratique presque depuis leur installation. Les plus anciens ont commencé il y a
une trentaine d’années, c’est-à-dire au début du Programme Agricole (1958).
La distance moyenne entre la forge et le plus proche endroit où on peut trouver des
pièces détachées de fabrication industrielle en vente est d’environ 16 km. Si ces pièces
concurrentes étaient disponibles dans chaque communauté rurale, seuls deux fabricants
pensent que la compétition leur porterait préjudice. L’optimisme des autres est fondé sur
le fait que leurs prix sont nettement plus abordables. Les stocks existants au moment des
enquêtes sont essentiellement composés de lames sarcleuses, de rasettes, de bottes,
d’étriers et de disques.
FABRICATION DE MACHINES
A propos des machines, la notion de fabrication est plus nuancée dans la mesure où
le travail consiste parfois à retaper de vieilles carcasses. Si l’on exclut ces cas, 30% des
forgerons de l’échantillon n’ont jamais fabriqué de machine.
La fabrication artisanale concerne particulièrement les houes-sines qui semblent plus
prisées en raison de leur polyvalenie. Si les semoirs ne sont pas entièrement forgés, c’est
surtout parce que certaines de leurs parties sont assez complexes. Cependant, quelques
artisans se disent capables de les réaliser.
Le fait de récup&er de vieilles machines pour les mettre en état de fonctionnement
constitue une activité plus largement pratiquée.
Elle concerne environ 85% des forgerons interrogés. Le travail de restauration porte
notamment sur les semoirs qui sont ensuite réinjectés dans le circuit pour alimenter le
marche des machines d’occasion.
Comme dans le tas des pièces de rechange, la quasi-totalité des forgerons impliques
dans la fabrication ou la restauration de ‘machines destinées à la vente ne craignent pas
la concurrence. Ils estiment qu’un retour des équipements neufs dans les coop&atives ne
constitue pas pour eux une menace sérieuse et cela à cause des différences de prix.

13
MARCHÉ DU MATÉRIEL AJXTI&il%iL
MODES D’kCOULEMENT DES PRODUITS
La vente au détail a la forge constitue la formule la plus générale aussi bien pour
les pièces détachées que pour les machines. Certains forgerons écoulent la plus grande
partie de leurs produits a partir d’etalages situés en dehors de leur forge. La fabrication
sur commande est plus largement pratiquée dans le cas des machines. Cependant, la
question se pose de savoir si pour l’essentiel les commandes émanent des paysans eux-
mêmes ou de quelques distributeurs spécialisés. La seconde éventualité traduirait un
début de structuration du marché.
RÉSEAU DE DISTRIBUTION
Environ un quart des fabricants de matériel agricole ont en dehors de leur forge des
points de ventes plus ou moins permanents. Au total, 76 points de vente extérieurs sont
ainsi polarises par 25 forges sur les 90 que compte l’échantillon. En règle générale, ces
points sont localisés dans des marchés hebdomadaires et le nombre par fabricant concerné
varie de 1 à 7. Si l’on considère dans chaque cas le plus Cloigné des points polarisés,
la distance moyenne à la forge est de l’ordre de 25 km. 11 n’est pas établi que le réseau
tentaculaire caractérise un type particulier de forge ou de forgeron. Son existence semble
reposer davantage sur un tissu de relations sociales plutôt que sur une simple stratégie
commerciale.
SAISONNALJTÉ DE LA DEMANDE
Les machines et pièces détachées correspondent à des investissements non comparables.
Les premières nécessitent des sommes relativement plus importantes. Par conséquent, on
peut penser que la demande s’exprime surtout au moment où les paysans ont plus d’argent
c’est-à-dire pendant la campagne de commercialisation agricole. Les données ne confirment
pas une telle hypothèse, tout au moins au niveau du secteur artisanal. Environ 90% des
forgerons vendeurs de machines situent la période de pointe au moment des préparatifs
de l’hivernage comme c’est le cas aussi avec les pièces détachées. Cette concentration
de la demande sur une période précise ne favorise pas la spécialisation exclusive dans
le domaine du matériel agricole ni sur le plan de la fabrication ni sur celui de la distribution.
NIVEAU DES PRIX
Les prix de détail ont été relevés auprès des forgerons et chez quelques vendeurs au
marché de Kaolack. A l’exception des disques plus ou moins standardises, on constate
des variations de prix assez sensibles pour chaque type d’article. Au niveau des marchands,
les pièces neuves d’origine industrielle sont en moyenne deux fois plus cheres que celles
de fabrication artisanale. La question se pose de savoir si une telle différence de prix
suffit pour infléchir le choix des paysans en faveur des articles plus abordables même
si leur qualite est jugée moins bonne.

14
Pour ce qui concerne les machines, les prix pratiqués en 1988-89 (Tableau 1) dans
le cadre des interventions de la Caisse Nationale de Crédit Agricole nous servent d’ellé-
ments de comparaison.
Tableau 1 : Prix comparés (en FCFA) des machines selon leur origine artisanale
ou industrielle
Type de machine
Artisanale (Pl)
Neuve (P2)
WP1
Houe-sine
17.000
5 1.720
330
Houe occidentale
10.000
28.400
23
Arara
16.000
67.380
4,2
. Semoir
20.000
84.780
494
Source : Enquêtes ISRA, Programme Economie de la Production, Kaolack.
Au niveau de notre échantillon de forgerons, nous n’avons note aucune fabrication
de semoir au sens propre du terme. On peut douter que ceux qui sont considérés par
les marchands comme artisanaux à 100% le sont réellement. Aucune machine neuve de
fabrication industrielle n’a été signalée chez les marchands. Pour le matériel d’origine
artisanale, les prix indiqués s’appliquent à la vente au comptant dans le marché de Kaolack.
Quant aux machines neuves, il s’agit des prix de la Caisse Nationale de Crédit Agricole
sans tenir compte des intérêts.
En moyenne, les machines neuves coûtent presque quatre fois plus cher que celles
fabriquees par les forgerons. La différence de prix est relativement moins grande dans
le cas des pièces détachées où le marché est plus concurrentiel.
L’idée que la plupart des paysans se font du prix des équipements neufs est en général
sans commune mesure avec la réalité. Les plafonds jugés acceptables sont de l’ordre de
un tiers des prix actuels.
PERFORMANCES DU SECTEUR ARTISANAL
Les performances du secteur artisanal sur le marché du matériel agricole peuvent
s’évaluer de deux manières. 11 s’agit d’estimer pour une période donnée les quantités vendues
par rapport à celles qui ont été mises sur le marché ou de déterminer la part du secteur
au niveau de la demande satisfaite. Si l’on considère l’intervalle de temps compris entre
janvier et le moment des enquêtes, soit 7 à 9 mois, les rapports entre stocks restant à
vendre et quantités mises en place sont les suivants :

15
houes-sines
: 11%
houes occidentales :
8 %
araras
: 11%
semoirs
: 1%
Notons que le secteur artisanal n’était pratiquement pas concurrencé dans le domaine
des machines depuis la mise en veilleuse du Programme Agricole. L’intervalle de temps
que nous avons consideré comporte la pkiode de plus forte demande. En règle générale,
on peut retenir que la vente des machines sur le marché ne pose pas de problèmes majeurs
aux forgerons.
Pour ce qui concerne les pièces de rechange, une situation chiffrée n’a pu être obtenue.
Les flux sont plus difficiles à appréhender sur un certain laps de temps en raison des
quantités relativement importantes et de l’absence d’écritures. Cependant, la part revenant
au secteur artisanal dans la demande satisfaite a été saisie au niveau de nos 240 exploi-
tations agricoles. Pour la campagne 1988-89, la répartition des achats de pièces détachées
selon leur origine artisanale ou industrielle se présente comme indiqué dans le tableau 2.
Tableau 2 : Répartition des achats de piéces détachees selon leur origine artisa-
nale Ou industrielle
Type de pièce
Origine industrielle
Origine artisanale
Bottes
0%
100%
Rascttes
3%
97 %
Disques
23 %
67 %
Lames
3%
97 %
Autres
0%
100%
Source : Enquête ISRA, Programme Economie de la Production, Kaolack.
Le marché des pièces de rechange est nettement dominé par l’artisanat. La part qui
lui revient dans la demande satisfaite est de 96,5% en terme de volume global et 92%
en valeur. Les outils fabriqués par les forgerons ont l’avantage d’être plus accessibles
aussi bien sur le plan financier que du point de vue géographique.

16
APPROVISIONNEMENT DES FORGES ET FINANCEMlWl DES ACTES
CONDITIONS D’APPROVISIONNEMENT EN A&TM.,
L’approvisionnement en matière d’œuvre constitue une sérieuse contrainte dans l’ex-
ploitation des forges (3). Au niveau de notre échantillon, le métal utilise est pour l’essentiel
acheté soit chez les marchands soit chez d’autres forgerons. La distance entre la forge
et le principal lieu d’approvisionnement varie entre 0 et 350 km avec une moyenne de
l’ordre de 44 km. Au niveau de chaque forge, le nombre mensuel de voyages effectués
en dehors du lieu d’implantation a des fins d’approvisionnement en métal est de 2 à 3.
La dépense moyenne par voyage est de l’ordre de 25.000 FCFA et les frais de transport
representent environ 10% des coûts de revient. Les multiples déplacements s’expliquent
par le fait que les quantités ramenées a chaque fois ne permettent de fonctionner que
pendant quelques jours (deux semaines environ). Les stocks existant au moment des en-
quêtes correspondaient à peu près aux besoins pour quatre jours, ce qui est une contrainte
non négligeable. En essayant de situer dans chaaue cas le principal problème rencontre
au niveau de l’approvisionnement en métal, la distribution des 90 réponses se présente
comme suit :
p&uuies fréquentes aux sources : 43 %
manque de moyens financiers : 21 %
prix élevés
: 18%
éloignement des sources
: 15%
mauvaise qualit du métal
: 2 %
pas de problème
: 1%
Les contraintes au niveau de l’approvisionnement en métal sont donc assez diversifiées.
Le fait que la plus importante (pénuries fréquentes aux sources) soit de nature exogène
mérite d’être retenu.
Si l’on reste dans le domaine du matériel agricole, la récupération de vieilles machines
constitue un aspect non négligeable de l’approvisionnement en matière d’ceuvre.
RECYCLAGE DE VIEUX MATÉRIEL
Comme nous l’avons souligné auparavant, les forgerons récupèrent de vieilles machines
soit pour les utiliser comme ferraille soit pour les retaper et ensuite les mettre en vente
Sur la période de 7 à 9 mois écoulée entre janvier et le moment des enquêtes, les machines
récup&es par les forgerons se répartissent comme indiqué dans le tableau 3.

17
Tableau 3 : Répartition des machines de récupération selon le type et la destination
Type de machine
Nombre
Restauration
Ferraille
Semoirs
290
81 %
19 %
Houes-sines
156
90 %
10 %
Houes occident.
123
80 %
20 %
Araras
29
86 %
14 %
Total
598
83 %
17 %
Source : Enquête ISRA, Programme Economie de la Production, Kaolack
Il apparaît ainsi que les semoirs occupent une place prépondérante dans la récupération
de machines par les forgerons. On est tenté d’en déduire que leur maintenance pose plus
de problème aux paysans souvent obligés de les réformer. Cependant, l’examen des motifs
de vente a montré qu’en règle générale, les transactions ne se situent pas dans un cadre
de simple réforme. Le plus souvent, ce sont les paysans qui viennent proposer leurs marchan-
dises. Quelques forgerons font le tour des concessions tandis que d’autres s’approvision-
nent dans les marchés hebdomadaires.
ACCÈS AU CRÉDIT
Nous avons mentionné en introduction que l’autofinancement et l’héritage constituent
les principaux modes d’installation des forgerons. Aucun d’entre eux n’a bénéficié de crédit
à cet effet.
Cela ne veut toutefois pas dire que le crédit a été totalement absent en cours d’exploita-
tion. C’est ainsi que 41 forgerons (soit 45% de l’échantillon) en ont obtenu au moins
une fois dans le cadre de leurs activités d’artisans. Si l’on considère le plus important
crédit reçu par chaque bénéficiaire, la répartition entre les différents types de créanciers
est la suivante :
parents et amis :
71%
SODEVA :
1 5 %
commerçants :
1 4 %
Le premier constat qui s’impose est l’absence totale d’intervention bancaire. Les crédits
accordés par des parents et amis s’échelonnent entre 3.000 et 500.000 FCFA, la moyenne
étant de 67.000 FCFA environ. Pour la même catégorie de créancier, un seul cas de prêt
avec un intérêt a étk relate avec un taux annuel de 50%.

18
Au total, 6 forgerons sur les 90 ont béneficie des opkations d’encadrement de la
SODEVA qui fournissait un cr&lit destiné surtout à l’équipement de soudure. Pour 6 autres
forgerons, le plus important crkdit obtenu est de nature commerciale avec des taux d’intérêt
variant entre 50 et 75%.
Dans l’ensemble, la repartition des cas de dettes informelles selon la destination prin-
cipale est la suivante :
matières premières :
71%
équipements
29 %
Les ,délais de remboursement sont très variables, allant de 3 jours à un an avec une
moyenne de un mois et demi dans le cas des matières premières. S’agissant des équi-
pements, les credits sont à moins court terme et le délai moyen est de cinq mois environ.
Seuls les prêts accordés par la SODEVA ont été assortis de garanties. Au total, 4 for-
gerons sur les 90 estiment que leur potentiel de garantie est pratiquement nul. Pour les
autres, les valeurs estimées se situent en moyenne autour de 1.000.000 FCFA. Dans la
plupart des cas, les chiffres avances rksultent d’une addition de plusieurs éléments. Les
biens fonciers sans titre de propriété, les animaux domestiques, les charrettes et l’outillage
des forges sont plus fréquemment mentionnés. Pour les institutions de crédit, la nature
de ces biens se prête mal à la garantie de créances, ce qui limite les possibilités d’endet-
tement individuel en dehors du secteur informel.
BESOINS DE FINANCEMENT
La tentative de quantifier les besoins de financement des forges a été abandonnée après
le premier test du questionnaire. Cela fait suite à des difficultés dans la valorisation des
investissements additionnels souhaites. Nous nous sommes limités à la question de savoir
si le crédit était disponible, quelle serait la première priorité dans son utilisation. Les
réponses obtenues ont été :
équipement de soudure :
49 %
autres équipements :
25 %
infrastructures
1 4 %
matières premières :
1 2 %
Le matériel de soudure occupe de loin la première place dans les besoins de finan-
cement exprimés par les forgerons. Si l’on compare ces chiffres à ceux concernant l’uti-
lisation effective des crklits informels obtenus, la position relative des matières premières
et des 6quipement.s ne semble pas consistante. Cela résulte sans doute du fait que pour
les forgerons, le crédit institutionnel devrait porter en particulier sur les investissements
durables. Ceux-ci sont trop lourds par rapport aux potentialids qu’offrent les cr&nciers
du secteur informel.

19
C O N C L U S I O N
L’outillage agricole constitue une importante branche d’activité chez les forgerons. Les
conditions d’approvisionnement du monde rural en matériel neuf auraient donc une
certaine incidence sur leur métier. Cependant, même si l’on admet que l’absence prolongée
de materie neuf au niveau des coopératives a favorisé le développement du secteur
artisanal autour des forgerons, ces derniers intervenaient bien avant dans le domaine du
machinisme. S’agissant de la fabrication artisanale d’outils pour la culture attelée, le
premier facteur d’impulsion a été l’existence de modèles imitables fournis par le biais
du Programme Agricole. L’opportunité de combler le vide consécutif à la suspension de
ce programme n’a été qu’un élément secondaire.
A présent, l’emprise des forgerons sur le marché des pièces détachées est indiscutable.
Leurs produits se caractérisent par une forte variabilité des prix, ce qui peut résulter de
la non standardisation. En règle générale, les articles sont nettement plus abordables que
ceux de fabrication industrielle. L’artisanat constitue à cet égard une base d’élargissement
de la mécanisation agricole dans la mesure où il permet d’atteindre des cibles à revenus
moins élevés. Cependant, la contre partie est une baisse de qualité par rapport au matériel
d’origine. Sur le plan technique, on observe que les plus sérieuses difficultés concernent
les semoirs. Pour ce type de machine, les possibilités qu’offrent les forgerons sont relati-
vement plus limitées.
Au niveau du secteur artisanat, la fonction de distribution finale reste encore largement
assurée par les fabricants eux-mêmes. Malgré le nombre limite d’intermédiaires commer-
ciaux, les produits sont assez facilement accessibles sur le plan géographique. En plus
de la mobilité des forgerons, la répartition territoriale des ateliers assure déjà une bonne
couverture du milieu rural. Cependant, le manque d’outillage adéquat constitue une
contrainte à la pleine valorisation des potentialités. Les collaborations informelles permet-
tent de réduire l’incidence des goulots d’étranglement. Cela fait penser que certains
investissements peuvent être envisagés sur une base collective. La condition de proximité
des éventuels associés est réalisable dans la mesure où la plupart des marchés hebdo-
madaires sont des lieux de concentration.
Si un nouveau programme d’équipement et d’encadrement de forgerons doit eue mis
en œuvre, il faudra mieux tenir compte des réalités du marché. Le caractère saisonnier
des activités ne permet pas une spécialisation très poussée dans lc domaine du matériel
agricole.
Par ailleurs, l’exploitation itinérante de certains équipements fait penser que la ren-
tabilité peut être incompatible avec la sédentarité dans certains milieux. Un tel pheno-
mène implique en outre que le marché polarise par un forgeron équipe et encadré ne dépend
pas nécessairement des lieux d’implantation de ses pairs les plus proches. Le degré de
mobilité et par conséquent la possession d’un moyen de transport (charrette) peut faire
une difference.

20
Avec l’intervention de la Caisse Nationale de Crédit Agricole, les paysans ont de
nouveau la possibilité d’acquérir des équipements neufs par le biais du crédit coopératif.
Cela ne manque pas de soulever un certain nombre d’interrogations. On peut se demander
si la réinjection de matériel neuf en milieu rural ne gênera pas le secteur artisanal ou
plutôt si ce dernier n’est pas devenu un vrai obstacle à la mise en place d’un nouveau
Programme Agricole basé sur les équipements de fabrication industrielle. A ce sujet, la
grande différence de prix serait susceptible d’infléchir les choix des paysans en faveur
du plus abordable malgré une qualité jugée moins bonne. Sur un autre plan, il y a lieu
de souligner que le secteur artisanal ne b&&cie pas d’un système de cn5dit organise
comme c’est le cas avec le matériel neuf. La question se pose de savoir dans quelle
mesure les potentialités des forgerons peuvent être développées par l’intégration du
matériel qu’ils fabriquent dans le système du crédit coopératif. Cela nécessiterait une
certaine organisation qui n’est pas facilement réalisable dans l’immédiat. Il s’y ajoute
que la fabrication artisanale de matériel pour la culture attelée est, si l’on ose dire, bas&
sur la contre-façon. Pour formaliser et développer une concurrence à grande échelle, un
obstacle juridique est à craindre notamment avec la privatisation de l’industrie.
BlBLIOGR.APHlE
1 HAVARD M. 1987. Le parc de matériels de culture attelée et les possibilites de
sa maintenance dans le Département de Fatick. Résultats d’enquêtes.
2 HAVARD M.1987. Rapport de synthèse 1986 et rappel des principaux résultats
acquis. Programme : Recherches d’appui à 1’Equipe Systèmes de Kaolack.
Opération : Le matériel agricole de culture attelée.
3 MINISTERE DU DEVELOPPEMENT RURAL, 1986. Etude du Secteur Agricole.
Intrants Agricoles.
4 SODEVA, DELEGATION DU SALOUM, 1982. Bilan Annuel : Campagne
1982-83

Dans le cadre de la troisieme tranche du
projet d’amelioration de l’Information scientifique et
technique du monde rural mené par le Ministére
du Developpement Rural et de I’Hydraulique au
niveau de son centre de documentation et financé
par le Centre de Recherches pour le Developpement
International (CRDI), l’unite d’Information et de
Valorisation (UNIVAL) de l’Institut Sénegalais de
Recherches Agricoles (ISRA), a ete chargée de
realiser, à travers ses propres collections, des pu-
blications destinees au monde rural et à son
encadrement.
Ce document se veut un support d’informa-
tion et de vulgarisation, il a Até rédigé par les
chercheurs de I’ISRA.

Isra
bp 3120
D‘akar
Sénégal

O0cumcnt:ltion
et 6tlitions
3
sçicntilïqucs ngron&~iiqucs